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Il permettra sans peine, exempt de défiance,
Que je retourne enfin aux lieux de ma naissance;
Je viens pour ce départ deinarder son aveu,
Et je croyois déjà le trouver en ce lieu :
Mais, s'il faut t'achever un récit trop fidèle :
Le pourras-tu penser ? quand le Trône m'appelle,
Quand l'Ecosse gémit, quand tout me force à fuir,
Prête à quitter ces lieux, je tremble de pattir.

A MÉLIE.

Qui peut vous arrêter? Comment pourroit vous plaire

Ce Palais décoré d'une pompe étrangère?

Tout ici vous présente un spectacle odieux: CeTrône annonce un Maître et le vôtte en ces lieux; Ces palmes d'un vainqueur retracent la conquête, L'oppresseur de vos droits, l'usurpateur....

ALZONDE.

Arrête.

Tu parles d'un Héros, l'honneur de l'Univers,
Et tu peins un Tyran. Dans mes affreux revers
J'accuse le destin plus que ce Prince aimable,
Et mon cœur est bien loin de le trouver coupable.
Tu m'entends; j'en rougis. Vois tout mon déses
poir;

Sur ces mars la vengeance a gravé mon devoir :
Je le sais mais tel est mon destin déplorable,

Qu'à la honte, aux malheurs du revers qui m'ac

cable,

Il devoit ajouter de coupables douleurs,

Et joindre l'amour même à mes autres fureurs.
J'arrivois en courroux, mais mon ame charmée,
A l'aspect d'Edouard, se sentit désarmée :
Sans doute que l'amour, jusqu'au sein des malheurs
S'ouvre par nos penchans le chemin de nos cœurs ;
Connoissant ma fierté, mon ardeur pour la gloire;
Il prit, pour m'attendrir, la voix de la Victoire ;
Il me dit qu'enchaînant le plus grand des Guerriers,
Qui partageoit son cœur, partageoit ses lauriers.
Où commande l'amour, il n'est plus d'autres maîtres:
J'étouffai dans mon sein la voix de mes ancêtres :
Je ne vis qu'Edouard ; captive sans ennui,
Des chaînes m'arrêtoient, mais c'étoit près de lui.
Pourquoi me rappeller la honte de mon ame,
Et toutes les erreurs où m'entraînoit ma flamme ? .
Un plus heureux objet a fixé tous ses yœux :
C'en est fait, ma fierté doit étouffer mes feux; ›
Les foibles sentimens que l'amour nous inspire,
Dans les coeurs élevés n'ont qu'un moment
d'empire.

Régner est mon destin, me venger est ma loi :
Un instant de foiblesse est un crime pour moi.
Fuyons; mais pour troubler un bonheur que.
'abh orre ;

Renversons, en fuyant, l'idole qu'il adore.
Parmi tant de Beautés qui parent cette Cour,
J'ai trop connu l'objet d'un odieux amour.
On trompe rarement les yeux d'une rivale ;
Ma haine m'a nommé cette Beauté fatale.

و

Si dans ces tristes lieux l'amour fit mes malheurs, J'y veux laisser l'amour dans le sang, dans les

pleurs ;

Mais Vorcestre paroît. Laisse-nous, Amélie,
Du destin qui m'attend je vais être éclaircie.

SCÈNE IV.

ALZONDE, sous le nom d'Aglaé,

VORCESTRE.

ALZONDE.

Vous, dont le cœur sensible a comblé tous les

vœux

Que porta jusqu'à vous la voix des malheureux,
Jetez les yeux, Mylord, sur une infortunée
Dont vous pouvez changer la triste destinée;
Je me dois aux climats où j'ai reçu le jour :
Par vos soins honorée et libre en cette Cour,
Je sais qu'à plus d'un titre elle a droit de me plaire;
Mais quels que soient les biens d'une terre étran-
gère,

Toujours un tendre instinct, au sein de ce bonheur,

Vers un séjour plus cher rappelle notre cœur,
Souffrez donc qu'écoutant la voix de la Patrie,
Je puisse retourner aux rives de Neustrie.
Du sort des malheureux adoucir la rigueur,
C'est de l'autorité le droit le plus Aatteur.
VORCESTRE.

Si par mes soins ici le Ciel plus favorable
Vous a donné, Madame, un asyle honorable,
Unie avec ma fille, heureuse en ce Palais,
De votre éloignement différez les apprêts :
A mon cœur allarmé vous êtes nécessaire ;
Eugénie, immolée à sa tristesse amère,
Demande à quitter Londres, et, changeant de
climats,

Veut cacher des chagrins qu'elle n'explique pas.
Depuis que son époux a terminé sa vie,

Je croyois sa douleur par le tems assoupie ;
Mais je vois chaque jour croître ses déplaisirs :
Je la vois dans les pleurs, je surprends des soupirs;
C'est prolonger en vain des devoirs trop pénibles,
Et de Salisbury les cendres insensibles

Ne peuvent exiger ces regrets superflus,

Qui consacrent aux morts des jours qui nous sont
dûs.

L'abandonnerez-vous, quand l'amitié fidelle
Doit, par des nœuds plus forts, vous attacher près

1 d'elle ?

Pour l'arrêter ici, par zèle, par pitié,

Joignez à ma douleur la voix de l'amitié.

Dans quel tems fuiriez-vous les bords de la Tamise!
Connoissez les dangers d'une telle entreprise;
D'arbres et de débris voyez les flots couverts
La Discorde a troublé la sûreté des Mérs:
Un reste fugitif de l'Ecosse asservie,

Sur ces côtes errant sans espoir, san's Patrie,
Au milieu de son cours troublant votre vaisseau,
Pourroit vous entraîner dans un exil nouveau :
Attendez que la paix, rendue à ces contrées,
Vous ouvre sur les eaux des routes assurées.

ALZONDE.

L'amour de la Patrie ignore le danger,

Et les cœurs qu'il conduit ne savent point changer, Vous ne souffrirez point, jusqu'ici plus sensible; Que la plainte aujourd'hui vous éprouve inflexible, Qu'on perde devant vous des larmes et des vœux, Et qu'il soit des malheurs où vous êtes heureux.

VORCESTRE.

Heureux! que dites-vous? Apparence trop vaine! Le bonheur est-il fait pour le rang qui m'enchaîne? Vous ne pénétrez point les sombres profondeurs Des maux qui sont cachés sous l'éclat desgrandeurs. Quel accablant fardeau! Tout prévoir, tout conduire,

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