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Condamnée aux fureurs, née au sein des exploits, Et des maux que produit l'ambition des Rois; Fugitive au berceau, quand mon malheureux Père Au glaive d'un vainqueur prétendant me soustraire, Au Prince de Norvége abandonna mon sort, M'éloigna des Etats que me livroit sa mort, Pensoit-il qu'unissant tant de titres de haine, Devant un jour poursuivre sa vengeance et la mienne,

Héritière des Rois, élève des Héros,

Je perdrois un instant dans un lâche repos?
Dans l'asyle étranger qui cacha mon enfance,
J'ai pu, sans m'avilir, suspendre ma vengeance,
La sacrifier même à l'espoir de la paix,

Tandis qu'on m'a flattée, ainsi que mes sujets,
Qu'Edouard, pour finir les malheurs de la guerre,
Pour unir à jamais l'Ecosse et l'Angleterre,
Alloit m'offrir sa main, et par ce juste choix,
Réunir nos drapeaux, nos sceptres et nos droits :
Mais par tant de délais, dès long-tems trop certaine
Que l'on osoit m'offrir une espérance vaine,
Quand ce nouvel outrage ajoute à mon malheur,
Attends-tu la prudence où règne la fureur?
S'élevant contre moi de la vie éternelle,
La voix de mes aïeux dans leur séjour m'appelle;
Je les entends encor: «Nous régnions, et tu sers!
Nous te laissons un sceptre, et tu portés des fers?

» Règne, ou, prête à tomber, si l'Ecosse chancelle, » Si son règne est passé, tombe, expire avant elle, » Il n'est dans l'Univers, en ce malheur nouveau,

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Que deux places pour toi, le trône ou le tombeau». Vous serez satisfaits, Mânes que je révère ; Vous connoîtrez bientôt si mon sang dégénère, Si le sang des Héros a passé dans mon cœur, Et s'il peut s'abaisser à souffrir un vainqueur. AMÉLIE.

J'attendois cette ardeur où votre ame est livrée; Mais comment, sans secours, d'ennemis entourée..

ALZONDE.

Parmi ces ennemis j'ai conduit mon dessein,
Et, prête à l'achever, je puis t'instruire enfin :
Ce Volfax, que tu vois le flatteur de son maître,
Comblé de ses bienfaits, ce Volfax n'est qu'un
traître,

De Vorcestre, sur-tout, ennemi ténébreux,
Rival de la faveur de ce Ministre heureux ;
Trop foible pour atteindre à ces dégrés sublimes
Par l'éclat des talens, il y va par les crimes ;
D'autant plus dangereux pour son Roi, pour l'Etat,
Qu'il unit l'art d'un fourbe à l'ame d'un ingrat.
J'emprunte son secours. Je sais trop, Amélie,
Qu'un traître l'est toujours, qu'il peut vendre ma

vie;

Mais son ambition me répond de sa foi.
Assuré qu'en Ecosse il régnera sous moi,
Il me sert. Par sa main, de ce séjour funeste,
J'écris à mes Sujets, j'en rassemble le reste;
J'ai fait plus par ses soins, j'ai nourri dans ces
heux

Du parti mécontent l'esprit séditieux :

J'en dois tout espérer. Chez ce peuple intrépide.,
Un projet n'admet point une lenteur timide ;
Ce Peuple impunément n'est jamais outragé,
Il murmure aujourd'hui, demain il est vengé ;
Des droits de ses ayeux jaloux dépositaire,
Eternel ennemi du pouvoir arbitraire,
Souvent Juge du trône et tyran de ses Rois,
Il osa... Mais on vient. C'est Volfax que je vois.

Tome Il

D

SCÈNE II.

ALZONDE, VOLF AX, AMÉLIE.

VOLFAX.

TROP long-tems votre fuite est ici différée,
Madame ; à s'affranchir l'Ecosse est préparée,
Tout conspire à vous rendre un Empire usurpé,
D'autres soins vont tenir le vainqueur occupé.
Le trouble règne ici. Formé par la victoire,
Le Soldat redemande Edouard et la gloire;
Le Peuple veut la paix. Au nom de nos Héros,
Je vais porter le Prince à des exploits nouveaux ;
Je ne crains que Vorcesrre: ame de cet Empire,
Il range, il conduit tout à la paix qu'il désire ;
Contraire à mes conseils, s'il obtient cette paix,
Je le perds par-là même, et suis sûr du succès.
Son rang est un écueil que l'abîme environne :
Déjà par des avis parvenus jusqu'au Trône,
Je l'ai rendu suspect, j'ai noirci ses vertus ;
Encore un pas, enfin, nous ne le craignons plus;
Du progrès de mes soins l'Ecosse est informée:
Paroissez, un instant vous y rend une armée.

ALZONDE.

D'une nouvelle ardeur enflammez Edouard;

Je vais tout employer pour hâter mon départ ;
On me soupçonneroit, si j'étois fugitive:
J'obtiendrai le pouvoir de quitter cette tive.
Allez, ne tardez plus, achevez vos projets 3
Un plus long entretient trahiroit nos secrets.

SCÈNE III.

ALZONDE, AMÉLIE.

ALZONDE.

Tour est prêt, tu le vois. Une crainte nouvelle

Me détermine à fuir cet asyle infidèle ;

On a vu (d'un des miens si j'en crois le rapport),
Arondel cette nuit arriver en ce port.

En Norvége souvent cet Arondel m'a vue ;
S'il étoit en ces lieux, j'y serois reconnue :
Le tems presse, il faut fuir, ménageons les instans.
Ce jour passé, peut-être il n'en seroit plus tems.
A MÉLIE.

Mais ne craignez-vous point d'obstacle à votre fuite?

ALZONDE.

Sous le nom d'Aglaé dans ce Palais conduite, On me croit Neustrienne, on ne soupçonne rien. Appui des malheureux, Vorcestre est mon soutien;

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