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palités du royaume, et qu'il serait nommé dans l'assemblée douze commissaires pour régler les clauses des ventes, le prix des biens, et håter l'exécution de son décret. Quelques jours après, afin d'assurer le paiement à époque fixe des obligations municipales, l'assemblée décréta également que les municipalités qui voudraient acquérir des biens domaniaux ou ecclésiastiques, seraient tenues de soumettre, au comité chargé de l'aliénation de ces biens, leurs moyens de libération; qu'en conséquence, la commune de Paris, qui déjà avait fait des offres, fournirait une soumission revêtue des signatures de capitalistes solvables et accrédités.

L'expérience ne tarda pas à éclairer l'assemblée sur les inconvéniens de la mesure qu'elle venait de prendre, et justifia ainsi les prévisions de ceux qui les lui avaient signalés. Elle ne revint pas néanmoins sur sa détermination , parce qu'elle se crut engagée vis-à-vis des municipalités; mais elle leur adressa une instruction, propre à garantir contre les fraudes, autant qu'il était possible, les intérêts du trésor public, et, lorsque, peu de mois après, elle autorisa l'aliénation de tous les domaines de l'état, reconnaissant que son premier décret pouvait encore être une source de manœuvres et d'opérations illicites, elle évita avec soin l'erreur dans laquelle elle était

tombée, rejeta la préférence qu'elle avait précédemment accordée aux municipalités, et admit directement et sans intermédiaire les soumissions de toutes personnes solvables qui voudraient se rendre adjudicataires. Elle chargea aussi exclusivement des opérations de vente les administrations et directoires des départemens et des districts où les biens étaient situés '.

Le clergé s'était flatté jusqu'alors que le décret du 2 novembre, qui avait mis ses biens à la disposition de l'état, ne recevrait jamais une entière exécution, et que les inquiétudes relatives à la banqueroute une fois dissipées, il parviendrait à rester en possession de ses richesses. Son attente fut entièrement trompée par la résolution, prise par l'assemblée, de mettre en vente, sur-lechamp, une portion des biens ecclésiastiques

'On jugera quelles étaient les vues ultérieures de l'assemblée, par les prévisions que renferme le texte même du décret. Il y était dit que l'aliénation de tous les domaines nationaux était le meilleur moyen d'animer l'agriculture et l'industrie, et de procurer l'accroissement de la masse générale des richesses, par la division de ces biens en propriétés particulières, toujours mieux administrées, et par les facilités qu'elle donnait à beaucoup de citoyens de devenir propriétaires. L'expérience a démontré depuis que c'était dans la nature même des choses que l'assemblée avait puisé, dans cette circonstance, les motifs de sa détermination.

pour une somme de 400 millions. Après de vains efforts pour s'opposer à cette mesure, le clergé, contraint de se résoudre au douloureux sacrifice qui lui était imposé, espérait encore néanmoins qu'il pourrait conserver ses autres domaines dont la valeur était bien plus considérable; cette dernière illusion ne tarda pas non plus à être détruite.

On avait compris la nécessité de pourvoir au remplacement des dîmes, dont la suppression avait été trop légèrement prononcée sans indemnité préalable. Un comité avait été composé à cet effet de membres pris dans le sein des comités ecclésiastiques, des finances, d'agriculture et des contributions. M. Chasset en fut le rapporteur : il rappela l'énormité de la dette, l'engagement, pris par les représentans de la nation, de l'acquitter intégralement, et la nécessité de ranimer la confiance publique en dissipant toutes les inquiétudes qui pouvaient encore s'attacher à la garantie donnée aux créanciers de l'état. La mesure que le comité avait jugée la plus efficace pour atteindre le but projeté, était de faire sortir de fait les biens ecclésiastiques des mains de leurs anciens possesseurs, en retirant au clergé l'administration de ses immenses domaines, dont il ne cesserait de se considérer comme propriétaire tant qu'il en conserverait la régie et la jouissance. M. Chasset proposa donc, au nom du comité des

dimes, d'attribuer l'administration des propriétés ecclésiatiques aux assemblées de département et de district, ou à leur directoire, ainsi qu'aux municipalités; de payer en argent le traitement des ecclésiastiques, et de porter chaque année dans l'état des dépenses publiques, pour remplacer les dîmes qui devraient cesser d'être perçues au 1er janvier 1791, une somme suffisante pour fournir aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres, au service des pensions et au soulagement des pauvres.

Ce projet excita de vives réclamations de la part du clergé, qui ne pouvait se résoudre à accepter, en échange de ses possessions, les traitemens qui lui étaient affectés sur le trésor public. Il réunit tous ses efforts, il épuisa toutes les subtilités pour faire prévaloir les dotations en nature, et offrit même, en désespoir de cause, et pour la première fois, de s'engager hypothécairement pour une somme de 400 millions, afin de prévenir une décision qu'il aurait voulu faire considérer comme subversive de toute morale, et comme attentatoire à la religion et à la dignité de ses ministres. Combattu avec chaleur par l'évêque de Nancy, l'archevêque d'Aix, l'abbé de Montesquiou, etc., l'avis du comité des dîmes fut soutenu avec non moins d'énergie par MM. Delleyd'Agier, Treilhard, Roederer, Thouret, etc. La

discussion, long-temps prolongée par le côté droit, semblait enfin être arrivée à son terme, lorsque tout-à-coup dom Gerles, chartreux, député de Paris, paraît à la tribune, annonce qu'il va faire une motion de la plus haute importance; on l'écoute avec attention. « Il faut, dit-il, écarter les doutes que les ennemis de la révolution tâchent d'élever sur les sentimens religieux de l'assemblée pour faire taire les calomnies et pour tranquilliser ceux qui craignent qu'elle n'admette toutes les religions en France, je propose de décréter que la religion catholique, apostolique et romaine, est, et demeurera à jamais, la religion nationale, et que son culte sera le seul public et le seul autorisé ' ».

A cette proposition inattendue, le côté droit se lève avec enthousiasme et veut la voter par acclamation; Charles Lameth parvient avec peine à obtenir la parole: «Si l'on veut bien se rappeler, s'écrie-t-il, ce que j'ai dit dans une pareille circonstance, l'assemblée ne quittera pas une question de finances pour une question de théologie. Qui pourrait douter de ses sentimens reli

I

Chacun dans l'assemblée était convaincu que cette imprudente démarche avait été suggérée au pieux cénobite, et qu'on avait abusé de son ignorance des affaires temporelles, pour le pousser à renouveler une proposition déjà faite sans succès par l'évêque de Nancy.

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