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plus tôt la liberté. Dans la seconde sont compris ceux renfermés dans les prisons de correction, soit à la sollicitation de leurs parens, soit pour des délits relatifs à la police. Dans la troisième se trouvent ceux enfermés pour cause de folie, ou que le désespoir a réduits à cet état déplorable dans leur prison. La quatrième enfin comprend ceux qui ont été soustraits par un ordre arbitraire à la rigueur des lois, et elle doit encore être subdivisée en deux sections: les personnes condamnées, et celles dont la procédure a été arrêtée avant le jugement.

<«< C'est sur le sort des prisonniers de cette dernière classe qu'il est le plus difficile de prononcer; c'est relativement à eux qu'on vous a parlé de l'honneur des familles, qu'on prétendait conserver en sauvant les coupables. Quelle que soit l'ancienneté des usages, quelle que soit la force des préjugés dont on ait cherché à se prévaloir, il n'en sera pas moins évident, je ne dis pas aux yeux de législateurs éclairés, mais aux yeux de tous les hommes justes et raisonnables, que ce privilége monstrueux qui mettait une classe d'hommes au-dessus des lois, qui en leur assurant l'impunité les encourageait au crime, doit être banni à jamais de toute société qui prétend être juste et libre; les exemptions, les priviléges pécuniaires, que vous avez si sagement

abolis, n'étaient rien en comparaison de cette franchise si barbare, que jamais on n'a osé la consacrer par aucun acte public, et contre laquelle les peuples et même les parlemens n'ont jamais cessé de réclamer.

«Il faut que les lois soient douces et humaines; mais il faut qu'elles soient uniformes, qu'elles protègent et frappent également le puissant et le faible, le riche et le pauvre; et si en matière d'impôts toute exemption est une injustice, je ne crains pas de le dire, en jurisprudence toute exemption est une atrocité. Ce qui a le plus contribué à conserver le préjugé des peines infamantes dans toute sa force, c'est cette sauvegarde que l'autorité donnait toujours à la naissance1. »

Après M. le duc de Lévis, quelques orateurs du côté droit continuèrent encore la discussion,

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D'après la ligne politique qu'a suivie, depuis l'assemblée constituante, M. le duc de Lévis, on serait porté à croire que Mirabeau, avec qui il avait des liaisons intimes, et qui avait passé une partie de sa vie dans les prisons d'état, a pu l'engager à attaquer des mesures arbitraires que les parlemens avaient toujours dénoncées comme illégales, mais qui cependant trouvaient de nombreux défenseurs dans l'ancien régime. Cette observation n'a point pour but de diminuer le mérite du discours de M. le duc de Lévis, car nous serons toujours les premiers à applaudir à tous ceux qu'il prononcera contre les abus, et pour le maintien des droits publics.

mais ni l'abbé Maury ni d'Espréménil ne purent balancer l'impression que son discours avait produite sur la majorité, et l'assemblée décréta entre autres dispositions, que toutes personnes détenues, en vertu de lettres de cachet, ou par ordre des agens du pouvoir exécutif, dans les prisons d'état, maisons religieuses et autres, seraient mises en liberté, à l'exception de celles qui auraient été légalement condamnées; que les prisonniers détenus pour crimes ou délits, sans toutefois avoir été jugés, seraient renvoyés surle-champ devant les tribunaux; qu'enfin les personnes renfermées pour cause de démence seraient visitées par des médecins, et, suivant les circonstances, rendues à leurs familles ou placées dans des maisons de santé.

Le 21 mars, l'assemblée abolit l'impôt désastreux de la gabelle, cause d'un grand nombre d'émeutes et de condamnations, et contre lequel les états-généraux avaient vainement réclamé à diverses époques. La gabelle, et les autres droits relatifs à la vente du sel, furent remplacés, dans les provinces qui y étaient soumises, par une contribution provisoire, répartie également sur tous les habitans de ces provinces, au moyen d'une addition supplémentaire aux impositions réelles et personnelles, et aux droits sur les con

sommations dans les villes. L'assemblée supprima ensuite les droits de fabrication sur les huiles, les savons et les amidons, ceux de la marque sur les cuirs et sur les fers, et pourvut aussi au remplacement de ces différens produits.

Il est à remarquer que dans ces discussions les membres du côté droit se montraient déjà les défenseurs des contributions indirectes; l'abbé Maury soutint avec chaleur l'utilité et la justice de la gabelle. Cazalès, qui dans la plupart des débats, exprimait des idées plus justes, convenait franchement des inconvéniens de ce genre d'impôt, mais il proposait d'y substituer un droit sur le timbre, conception financière qui appartenait à M. de Calonne, et qui, présentant de nombreux avantages, devait venir utilement au secours des dépenses publiques. C'est ce qu'Adrien Duport s'empressa de reconnaître; mais il démontra en même temps que l'impôt du timbre, qui serait infailliblement adopté dans la suite, devait être réservé au remplacement des autres impôts indirects, dont la suppression serait également jugée indispensable; que l'emploi du sel ayant des rapports immédiats avec l'éducation des troupeaux et la culture des terres, c'était par un supplément à l'imposition territoriale que les gabelles devaient être remplacées, parce qu'en re

jetant toutes les charges sur les impôts indirects, on porterait un coup mortel à l'industrie et au

commerce.

Peu de temps après l'arrivée de l'assemblée à Paris, les ministres, voyant avec chagrin l'affaiblissement progressif d'un pouvoir auparavant sans limites, avaient abandonné entièrement les affaires, et, soit par humeur, soit plus probablement par politique, au lieu d'expédier celles sur lesquelles ils auraient facilement rendu des décisions, ils renvoyaient et les hommes et les choses à l'assemblée, qu'ils croyaient ainsi jeter dans un dédale dont elle ne pourrait se dégager. Cette intention n'échappa point aux chefs du parti populaire : ils comprirent toute l'étendue des embarras dont on voulait environner leur marche, et renvoyèrent et les pétitionnaires et les réclamations à ceux des ministres dans le ressort desquels se trouvaient les affaires. Les ministres n'en tenaient compte, refusaient encore de s'occuper des demandes, et adressaient de nouveau les individus à l'assemblée, en disant aux intéressés qu'on leur avait ôté tout pouvoir, qu'ils n'étaient plus rien, qu'ils se trouvaient dans une entière impossibilité de prononcer et d'agir, qu'il n'y avait plus d'autorité, et que, puisque l'assemblée voulait tout gouverner, c'était à elle de pourvoir à

tout.

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