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les comprendre dans la constitution qu'elle a décrétée pour le royaume, et les assujétir à des lois qui pourraient être incompatibles avec leurs convenances locales et particulières.

<< En conséquence, elle a décrété ce qui suit: Art. 1er. Chaque colonie est autorisée à faire connaître son vœu sur la constitution, la législation et l'administration qui conviennent à sa prospérité et au bonheur de ses habitans, à la charge de se conformer aux principes généraux qui lient les colonies à la métropole, et assurent la conservation de leurs intérêts respectifs.

« 2. Dans les colonies où il existe des assemblées coloniales, librement élues par les citoyens, et avouées par eux, ces assemblées seront admises à exprimer le vœu de la colonie: dans celles où il n'existe pas d'assemblées semblables, il en sera formé incessamment pour remplir les mêmes fonctions.

« 3. Le roi sera supplié de faire parvenir dans chaque colonie une instruction de l'assemblée nationale, renfermant: 1° les moyens de parvenir à la formation des assemblées coloniales, dans les colonies où il n'en existe pas; 2° les bases générales auxquelles les assemblées coloniales devront se conformer dans les plans de constitution qu'elles présenteront.

« 4. Les plans préparés dans lesdites assemblées

coloniales seront soumis à l'assemblée nationale, pour être examinés, décrétés par elle, et présentés à l'acceptation et à la sanction du roi.

« 5. Les décrets de l'assemblée nationale sur l'organisation des municipalités et des assemblées administratives seront envoyés auxdites assemblées coloniales, avec pouvoir de mettre à exécution la partie desdits décrets qui peut s'adapte aux convenances locales, sauf la décision définitive de l'assemblée nationale et du roi sur les modifications qui auraient pu y être apportées, et la sanction provisoire du gouverneur pour l'exécution des arrêtés qui seront pris par les assemblées administratives.

« 6. Les mêmes assemblées coloniales énonceront leur vœu sur les modifications qui pourraient être apportées au régime prohibitif du commerce entre les colonies et la métropole, pour être, sur leurs pétitions, et après avoir entendu les représentations du commerce français, statué par l'assemblée nationale ainsi qu'il appartiendra.

« Au surplus, l'assemblée nationale déclare qu'elle n'a entendu rien innover dans aucune des branches du commerce, soit direct, soit indirect, de la France avec ses colonies; met les colons et leurs propriétés sous la sauvegarde spéciale de la nation; déclare criminel envers l'état quiconque travaillerait à exciter des soulèvemens contre

eux. Jugeant favorablement des motifs qui ont animé les citoyens desdites colonies, elle déclare qu'il n'y a lieu contre eux à aucune inculpation; elle attend de leur patriotisme le maintien de la tranquillité, et une fidélité inviolable à la nation, à la loi et au roi. »

Ce rapport obtint un assez grand succès pour que, malgré les divergences d'opinions et de partis qui régnaient dans l'assemblée, le projet de Barnave fût adopté sans donner lieu à aucune discussion, soit à cause de la sagesse qui en avait dicté les principes, soit par une prudente circonspection de la part de l'assemblée, afin d'éviter les convulsions violentes que l'examen de questions si délicates pouvait soulever.

L'assemblée décréta ensuite une instruction, également rédigée par Barnave, pour faciliter l'exécution du décret qu'elle venait de rendre.

Après avoir adopté les précautions nécessaires au rétablissement de la paix dans les colonies, l'assemblée s'occupa de la suppression des prisons d'état. La même prudence qui lui avait fait craindre de bouleverser les fortunes particulières, de détruire les relations commerciales et le travail qu'elles alimentaient, et surtout de compromettre la vie des colons, par l'application de principes qui exigent un certain degré de civilisation pour être salutaires, l'engagea à faire examiner

avec soin les causes des diverses arrestations qui avaient eu lieu précédemment. En effet, on trouvait confondus dans les prisons d'état, parmi d'innocentes victimes des vengeances ministérielles, un grand nombre d'hommes dont l'élargissement aurait eu des dangers pour la société. Quoiqu'ils n'eussent pas été punis légalement, ces prisonniers n'en étaient pas moins criminels; mais, appartenant à des familles privilégiées, par suite d'un abus déplorable, qui avait pour prétexte de sauver ce qu'on appelait l'honneur des familles, on les avait ainsi soustraits à l'éclat d'une condamnation juridique. C'était pour rétablir les règles de la justice et garantir les droits des citoyens, qu'avait été institué le comité des lettres de cachet, dont le comte de Castellane présenta le travail.

Après avoir fait sentir combien il importait à la sûreté publique de prendre de sages précautions avant d'ouvrir les prisons d'état, le rapporteur proposa d'établir une distinction entre les détenus qui, n'ayant point été accusés juridiquement, devaient être mis sur-le-champ en liberté, et ceux qui avaient été renfermés soit pour cause de folie, soit à la réquisition de leurs familles qui avaient obtenu le privilége de les soustraire à des jugemens réguliers. Des prisonniers de ces deux dernières classes, les uns devaient être envoyés dans des maisons de santé, afin d'y rece

voir les soins que leur position réclamait; les autres devaient encore rester enfermés, jusqu'à ce que la justice eût statué sur leur culpabilité et sur la peine affectée à leur délit. M. de Castellane termina son rapport par des considérations sur le régime convenable aux maisons de correction, dont la raison et l'humanité ordonnaient, disait-il, que l'administration ne ressemblât en rien à celle des maisons de détention établies sous un gouvernement arbitraire.

Le duc de Lévis ouvrit ensuite la discussion: « Si les prisons d'état renfermaient seulement l'espèce de détenus que leur nom indique, le parti à prendre ne serait pas embarrassant; mais il se trouve, par un hasard bien singulier, que dans toutes les prisons d'état il n'y a pas un seul prisonnier d'état; et cependant, quoiqu'il n'y ait pas eu de lettres de cachet lancées depuis six mois, beaucoup de prisonniers sont encore détenus par des ordres arbitraires. Ces individus doivent être divisés en quatre classes.

« La première est formée de ceux qui sont détenus pour avoir déplu aux gens en place, et leur nombre est assez considérable, puisque l'expression de gens en place comprenait, pour les lettres de cachet, depuis le premier ministre jusqu'à la maîtresse du dernier commis.... Pour ceuxlà votre regret sera de n'avoir pu leur rendre

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