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qui les concerne spécialement, la plus grande latitude, votre comité a pensé aussi qu'il était des points principaux, formant les rapports essentiels entre la colonie et la métropole, dont il serait impossible de s'écarter sans trahir tous les intérêts, sans briser tous les liens : il a donc cru convenable de déterminer ces points préliminairement à tout, et il a annoncé qu'il serait envoyé aux assemblées coloniales une instruction sur les points généraux, auxquels les plans de constitution qu'elles présenteraient devraient être subordonnés.

« La nécessité d'organiser promptement l'administration, et de maintenir l'ordre dans les colonies, a fait penser à votre comité que des assemblées coloniales devaient être autorisées à mettre incessamment à exécution ceux de yos décrets, sur les municipalités et les assemblées administratives, qui pourraient convenir aux localités. Il a même pensé qu'il était nécessaire qu'elles fussent autorisées à les modifier provisoirement, en réservant l'approbation du roi et de l'assemblée nationale.

<< Sur le second point, messieurs, c'est-à-dire sur les plaintes articulées relativement au régime prohibitif du commerce entre la métropole et les colonies, votre comité a jugé que la prudence

exigeait de recueillir, avant de prononcer, les instructions les plus étendues. Il vous proposera donc de décréter que les assemblées coloniales présenteront leurs vues sur les modifications qu'elles désirent, et qu'après avoir entendu leurs représentations et celles du commerce, l'assemblée nationale statuera ce qui lui paraîtra convenable et juste.

<< Dans le système des colonies modernes, le régime prohibitif a été proclamé comme une condition essentielle de l'union de la métropole et des colonies; il est devenu le fondement de l'intérêt qu'elle trouve dans leur conservation; il est le dédommagement des frais qu'elle doit faire pour les protéger; mais l'intérêt non moins réel pour la métropole de favoriser leur prospérité, mais l'augmentation de profits qu'elle recueillerait de l'accroissement de leur culture, doivent aussi fixer son attention. Enfin, les commerçans doivent sentir qu'il n'est aucune espèce de droits qui n'entraîne aussi des devoirs; que réclamer le droit exclusif d'approvisionner les colonies, c'est contracter l'engagement d'apporter dans l'exercice de ce même droit, justice, exactitude, modération; que la solidité des conventions résulte surtout de l'intérêt réciproque, et que le moment qui assurera la durée de leurs profits et le

succès de toutes leurs entreprises, sera celui où, par la perfection de l'art, la simplification du travail, l'économie de la navigation, ils seront assurés de soutenir partout la concurrence des autres peuples.

<«<Enfin, messieurs, le troisième objet concerne les alarmes qui se sont élevées sur l'application de quelques décrets. Vous ne devez, vous ne pouvez parler ici qu'un langage: c'est celui de la vérité, qui consiste à désavouer la fausse extension qu'on leur a donnée. Vous n'avez pu rien changer dans tout ce qui concerne les colonies, puisque les lois que vous avez décrétées ne les ont pas eues pour objet; vous n'avez pu rien changer, puisque le salut public et l'humanité même présentaient des obstacles insurmontables à ce que vos cœurs vous eussent inspiré. Ne craiguez donc pas de le dire franchement, puisqu'en ce moment il s'est élevé des incertitudes, vous n'avez rien innové; cette déclaration suffit puisqu'elle est vraie: elle ne peut laisser aucune inquiétude. Il est seulement juste de l'accompagner d'une disposition propre à rassurer les colonies contre ceux qui, par de coupables intrigues, chercheraient à y porter le trouble, à y exciter des soulèvemens; ces hommes qu'on a trop affecté de confondre avec de paisibles citoyens occupés à chercher, par la méditation, les moyens d'adoucir la destinée de la

plus malheureuse portion de l'espèce humaine '; ces hommes, dis-je, ne peuvent avoir que des motifs intéressés, et ne peuvent être considérés que comme des ennemis de la France et de l'humanité.

« C'est à ces différens articles, messieurs, que se réduit le projet de décret que votre comité vous propose.

<< La partie sur laquelle nous avons cru devoir surtout arrêter votre attention, est celle qui concerne les formes indiquées pour constituer les colonies. La justice et la confiance nous ont paru la seule politique qui pût convenir à elles et à vous. La justice est désormais le garant de tous les traités, le fondement de toute puissance : rien, messieurs, n'a pu faire douter de l'attachement des colonies à la métropole; mais rien n'est plus propre à l'affermir que la marche que nous vous proposons. Si la franchise et la bonne foi conviennent, dans toutes les transactions, à la majesté d'un peuple libre; si, dédaignant les ressources d'un art qui n'appartient qu'à la faiblesse, vous voulez suivre désormais la marche qu'indique votre loyauté et qui sied à votre puissance, vous

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Barnave indiquait ici la Société des Amis des Noirs, que quelques personnes accusaient injustement d'avoir contribué aux troubles des colonies.

ne balancerez pas à l'adopter avec des frères, des concitoyens, des Français comme vous.

<< Ah! puisqu'aujourd'hui la liberté nous donne à tous une existence nouvelle; puisqu'elle nous a rendu la dignité d'hommes, et que, pour la première fois, elle nous a appelés à exercer, comme peuple, les droits des peuples; renouvelons, confirmons les liens qui nous tiennent unis avec les Français des colonies. Disons-leur, dans notre épanchement : Vous avez partagé tous les maux que cause nécessairement un gouvernement arbitraire; partagez aujourd'hui notre bonheur et notre liberté! Vous ne sauriez exister dans une indépendance absolue, soyez-nous à jamais unis, et nous jurons de vous associer à tous les bienfaits de notre destinée!

<«< Voici, messieurs, le projet de décret que votre comité a unanimement arrêté de vous proposer: «L'assemblée nationale, délibérant sur les adresses et pétitions des villes de commerce et de manufactures, sur les pièces nouvellement arrivées de Saint-Domingue et de la Martinique, à elle adressées par le ministre de la marine, et sur les représentations des députés des colonies, déclare que, considérant les colonies comme une partie de l'empire français, et désirant les faire jouir des fruits de l'heureuse régénération qui s'y est opérée, elle n'a cependant jamais entendu

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