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de leur fortune, et un danger imminent pour leur vie; tantôt, portant le trouble dans les habitations, ils ont cherché à confirmer par des soulèvemens ces insinuations perfides. Leurs artifices, messieurs, ont excité des craintes exagérées, mais ils ne vous ont point enlevé la confiance et l'affection des habitans des îles, et vous les retrouverez dans leurs coeurs, du moment où vous aurez calmé leurs inquiétudes.

« C'est à ces trois causes que nous ont paru se rapporter tous les événemens qui ont eu lieu dans les colonies. C'est donc en y portant remède que vous les calmerez, que vous assurerez les intérêts de la métropole en assurant les leurs, que vous satisferez à ceux du commerce de France, immédiatement liés à la conservation, à la prospérité des colonies.

« Je n'ignore point, messieurs, qu'il est, au sein même de cette assemblée, des personnes qui mettent en question l'utilité des colonies et celle du commerce extérieur. De grands principes philosophiques et des spéculations ingénieuses s'offrent à l'appui de leurs opinions; il est même impossible de ne pas convenir que s'il existe une nation dans le monde à laquelle ces idées spéculatives puissent être heureusement appliquées, c'est celle qui renferme dans son sein toutes les richesses du sol, toutes les res

sources de l'industrie, tous les moyens de se suffire à elle-même.

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<«< Mais il est aussi facile de concevoir que la décision de ces grandes questions est absolument étrangère à la position du moment.

<< Il ne s'agit point, en effet, d'examiner si la France doit chercher à se créer un commerce, à fonder des colonies; ces choses existent dans l'état actuel. Au moment où nous parlons, toutes les parties de notre existence sociale sont intimement liées et combinées avec la possession d'un grand commerce, avec celle de nos colonies. Il est donc uniquement question de savoir si la suppression, si la perte subite de ces immenses ressources, opérant une secousse violente et destructive, ne serait pas un grand désastre pour la nation.

«Il s'agit de savoir, surtout, si, dans la position où nous sommes, engagés dans une révolution dont l'accomplissement assure à jamais la gloire et la prospérité de la nation française, et dont les revers la plongeraient dans un abîme de maux, cette secousse violente ne présenterait pas le plus redoutable des écueils; si la situation de nos finances n'en éprouverait pas une atteinte sans remède; si la force des résistances ne s'en accroîtrait pas hors de toute proportion; si, enfin, la constitution, qui pourrait seule, avec

le tems, réparer ces grandes calamités, n'en se

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« Quand on voudra considérer la question sous ces points de vue, elle ne présentera plus de doutes; on sentira qu'il faut, avant tout, prévenir les maux qui nous menacent de plus près, et que toutes les autres spéculations deviennent étrangères, quand il s'agit de l'intérêt sacré de la révolution et de la destinée de plusieurs millions de Français, attachés à la prospérité de notre commerce, à la possession de nos colonies.

« Ce serait, en effet, la suite d'une grande ignorance, ou d'une étrange mauvaise foi, que de prétendre séparer la prospérité du commerce national de la possession de nos colonies.

<< Non-seulement elles forment la portion la plus considérable de nos relations maritimes et extérieures; mais la valeur de nos productions, l'activité de nos manufactures, nos transports, nos échanges intérieurs, sont en grande partie l'effet de nos rapports avec elles.

<< Tandis qu'une population immense est occupée, dans toutes les parties du royaume, à cultiver, à préparer, à manufacturer les diverses productions que nous portons dans nos colonies, une multitude également nombreuse est employée à travailler les matières que nous en re

cevons.

« Une partie se distribue et se consomme parmi nous; une autre se vend aux étrangers avec l'augmentation de valeur qu'elle a reçue par l'effet d'une industrieuse élaboration. Les échanges, le transport, le partage, le débit de ces diverses productions, exportées ou importées, font exister des classes nombreuses, et répandent partout l'activité et l'aisance. La culture des terres est encouragée par un débit avantageux et assuré de leurs productions; les revenus publics sont soutenus par les moyens que chacun puise dans ses divers profits pour acquitter sa portion de l'impôt. Abandonnez les colonies, et vous recevrez à grands frais des étrangers ce qu'ils achètent aujourd'hui de vous. Abandonnez les colonies, au moment où vos moyens de prospérité sont fondés sur leur possession, et la langueur succède à l'activité, la misère à l'abondance; une foule d'ouvriers, de citoyens utiles et laborieux, passent subitement d'un état d'aisance à la situation la plus déplorable; enfin, l'agriculture et les finances sont bientòt frappées du désastre qu'éprouvent le commerce et les manufactures par toute transition qui n'a point été préparée.

« Et combien ne serait-il pas facile, en portant plus loin ses regards, d'établir la liaison de cette branche de notre commerce avec toutes ses au

1790. 31 tres parties, avec notre existence maritime, avec le système général des puissances européennes? Il serait puéril de vouloir dissimuler ce que personne n'ignore. Le commerce de nos colonies, et toutes les branches de navigation qu'il met en mouvement, sont l'école et la pépinière de nos matelots. Nous n'avons point, comme nos voisins, pour former des équipages de mer, un cabotage intérieur entretenu par les côtes de deux grandes îles et leurs continuelles relations, d'importantes pêcheries, des possessions immenses dans les grandes Indes, un commerce établi dans la Baltique. Presque toute notre navigation, dans le moment actuel, est l'effet médiat ou immédiat de la possession de nos colonies. De là je conclus qu'en les abandonnant, nous perdrions les moyens de former et d'occuper, pendant la paix, le nombre de matelots nécessaire pour soutenir nos forces navales pendant la guerre. Dès-lors, non-seulement les produits du commerce qui nous resterait seraient sans aucune proportion avec les frais de la marine militaire, nécessaire pour le protéger, mais il nous deviendrait même impossible d'entretenir cette marine. Réduits sur toutes les mers à l'impuissance de faire respecter notre pavillon, nous verrions nos relations avec le Levant, et toutes celles qui pourraient exister ailleurs, successivement nous échapper, et toute

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