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meth, en renvoyant l'affaire des colonies à un comité de douze membres pour en faire le rapport 1.

C'est au nom de ce comité que, le 8 mars, Barnave présenta le travail suivant, qui obtint alors l'assentiment unanime non-seulement de l'assemblée, mais des hommes dont les intérêts avaient été jusqu'alors entièrement opposés, les commerçans et les colons.

« Le commerce de France, dit le rapporteur, vous a fait connaître ses vœux et ses inquiétudes sur plusieurs des objets qui l'intéressent, et particulièrement sur les diverses relations de la France avec ses colonies.

1 Ce comité fut composé de MM. Bégouen, Alex. Lameth, de Champagny, Thouret, Barnave, Gérard (de Saint-Domingue), Lechapellier, Garesche, Pellerin de la Bussière, le comte de Regnaud (ancien gouverneur de Saint-Domingue), Alquier, et Payen de Boisneuf. En apprenant les noms des membres qui ont fait partie du comité colonial, le lecteur sera plus à même de juger l'impartialité qui dirigeait les choix de l'assemblée, puisque les divers intérêts, ceux des colons et ceux des commerçans, y étaient également représentés, et que leur discussion était soumise au jugement d'hommes auxquels ce genre d'affaires n'était point étranger, soit parce qu'ils avaient été employés dans l'administration des colonies, soit parce qu'ils avaient la connaissance du droit qui s'applique à tout, soit enfin parce que plusieurs d'entre eux ayant été aux colonies, avaient été à même de juger par leurs propres yeux de leur véritable situation.

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<«< Au moment même où ces pétitions vous étaient adressées, des nouvelles arrivées de SaintDomingue et de la Martinique ont fixé toute votre attention. Vous avez senti, messieurs, la nécessité de prendre à l'égard de ces colonies une résolution prompte et dictée par la sagesse; et, apercevant une liaison intime entre les causes de leur agitation et les demandes du commerce, vous avez nommé un comité pour s'en occuper conjointement avec les pétitionnaires, et vous soumettre un résultat propre à concilier tous les intérêts.

«En nous pénétrant de l'objet de notre mission, nous avons bientôt reconnu que toutes les questions qu'il présente se réduisaient, pour le moment actuel, à des termes extrêmement simples.

«L'intérêt de la nation française à soutenir son commerce, à conserver ses colonies, à favoriser leur prospérité par tous les moyens compatibles avec l'avantage de la métropole, nous a paru, sous tous les points de vue, d'une incontestable vérité.

« Les mesures à prendre pour y parvenir nous ont été non moins clairement indiquées par les principes qui doivent diriger le système colonial, que par les circonstances graves dans lesquelles se trouve la métropole.

<< Rassurer les colonies sur leurs plus chers intérêts, recevoir d'elles-mêmes des instructions sur le régime de gouvernement qui convient à leur prospérité, et qu'il est tems enfin d'établir; les inviter à présenter leurs vues, concurremment avec le commerce français, sur leurs rapports réciproques: telle est la marche que les circonstances, la justice et la raison nous ont semblé prescrire.

<«< Avant de mettre sous vos yeux le projet de décret que votre comité a cru devoir vous proposer pour remplir ces vues, je dois, messieurs, vous présenter rapidement les réflexions qui l'ont conduit à l'adopter.

«La matière serait immense; mais j'élaguerai tout ce qui n'est pas nécessaire à la décision des seules questions qui vous sont actuellement soumises, car il est instant de prendre un parti; et, parmi tous les motifs dont l'opinion de votre comité pourrait être appuyée, je dois choisir ceux qui, en établissant suffisamment la nécessité de l'a

dopter, présenteront, au surplus, le moins de surface à la discussion1.

• Ces dernières paroles, prononcées par le rapporteur, étaient le résultat de la prudence que le comité avait reconnue indispensable dans tout ce qui concernait les questions si délicates des droits des hommes, que l'humanité elle-même défendait de proclamer sans restriction dans une colonie

<<-Les mouvemens qui ont eu lieu à Saint-Domingue et à la Martinique ont été produits ou par de fâcheuses erreurs, ou par des abus que vous êtes dans l'intention de réformer. Loin qu'ils puissent justifier les craintes qu'on cherche à répandre, ou les insinuations anti-patriotiques de ceux qui voudraient en faire un reproche à la révolution, ils s'apaiseront, messieurs, dès l'instant où vous aurez fait disparaître les injustices et les inquiétudes qui les ont excités.

<< Les colonies ont essuyé de grandes oppressions de la part du régime arbitraire et ministériel; elles ont long-tems fait entendre vainement leurs plaintes; et, comme si le despotime, exilé de la France, eût cherché à se dédommager sur les malheureux habitans des îles, le moment où la nation française s'est occupée de re

habitée par cinq cent mille noirs et vingt-cinq mille blancs. On avait déjà pu juger les effets terribles d'expressions indiscrètes prononcées dans l'assemblée, et qui, portant sur un régime dont la justice commandait la modification jusqu'au moment où il pourrait être entièrement détruit, et exagérées d'ailleurs par des imaginations exaltées par le climat, avaient été faussement interprétées dans le Nouveau-Monde, et y avaient déjà produit ce désordre d'idées et ces mouvemens tumultueux dont le rapport venait d'être fait. On verra plus tard les horribles malheurs que l'oubli de cette prudence a occasionés dans cette même colonie de Saint-Domingue.

conquérir ses droits, a été pour les colonies celui des plus cruelles vexations. Telle est incontestablement, messieurs, la principale cause des insurrections qui ont éclaté dans quelques-unes de nos possessions lointaines. Aucune n'a été dirigée ni contre la nation ni contre le roi, les griefs portent tous sur le régime arbitraire. En un mot, les mouvemens qui se sont transmis de la métropole dans les colonies, ont porté la même empreinte, et conservé le même caractère.

« Une autre cause de mécontentement s'est jointe à l'oppression qu'exerçaient les agens du pouvoir ministériel. Soit par une funeste négligence, soit plutôt par une suite de la disette que nous avons nous-mêmes éprouvée, les colonies ont souffert dans les derniers tems, relativement aux subsistances. De là le renouvellement des plaintes articulées de tout tems contre l'extrême rigueur du régime prohibitif. La fermentation du moment leur a prêté plus de chaleur, et elles ont aussi dû contribuer à l'accroître.

« Enfin, des ennemis du bonheur de la France ont employé divers moyens pour faire naître l'inquiétude dans l'esprit des colons, et exciter parmi eux les plus vives alarmes. Tantôt, vous supposant des intentions contraires à toutes les lois de la prudence, ils leur ont fait apercevoir, dans l'application de vos décrets, l'anéantissement

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