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«<conduite d'un honnête homme, si l'on exige des << éclaircissemens, je suis prêt à les donner.

<< Alexandre Lameth, saisissant ces dernières pa«roles, interpelle Virieu de déclarer si sa discul<<pation porte sur ce que les décrets contre les<<< quels il a protesté ne sont pas encore acceptés << par le roi, et s'il entend que les membres de l'as<< semblée ne doivent pas être soumis à ses dé«<crets, même avant la sanction, quoique non << obligatoires encore pour le reste du royaume. «Les décrets non sanctionnés sont obligatoires << pour les membres de l'assemblée, parce que le <<premier principe de tout corps délibérant est << la soumission passive de la minorité aux déci<«<sions de la majorité. Si donc M. le président a «< signé une protestation contre un décret non << sanctionné, je fais la motion expresse qu'il soit «<procédé à une nouvelle nomination, et je de<<mande que M. de Bonnay reprenne le fauteuil, << un membre ne pouvant présider une assemblée << devant laquelle il est en cause.

I

«Les révolutionnaires crient à Virieu de des<< cendre du fauteuil; les signataires lui enjoignent d'y rester. Virieu répond qu'il va consulter l'as«semblée. Les révolutionnaires soutiennent que

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• Expression habituelle de M. de Ferrières pour désigner les constitutionnels.

« Virieu ne peut pas même consulter l'assemblée. «Virieu, au milieu des cris et du tumulte, veut par«<ler; sa voix est étouffée sous mille motions qui se <<< croisent et se contredisent. Epuisé de fatigue, il prie le marquis de Bonnay de présider à sa place. << Bonnay assure qu'il n'y a pas même lieu à interpel<<lation, d'après la manière dont Virieu s'est justifié.

<< Il est question, répond Charles Lameth, << d'une déclaration qui cause une inquiétude gé«nérale et de véritables alarmes à plusieurs mem«bres de cette assemblée. Si cette déclaration est <«<faite contre un décret non sanctionné, elle n'en «est que plus coupable, parce qu'elle peut in<< fluer sur l'esprit du monarque, retarder et même «<empêcher sa sanction. Mais je demande, ajoute «<malicieusement Charles Lameth, si quelqu'un << de nous a cru que M. de Virieu avait signé aucun << acte contraire aux décrets, lorsqu'on l'a entendu <<prononcer son serment; je demande de quel <<œil le public regardera sa restriction jésuitique; «<je demande si c'est le moyen d'établir la con<«<fiance due aux décrets de l'assemblée, de voir « son président lui-même souscrire une décla<«<ration contre une des plus importantes de ses «déterminations 1. La plupart des députés entrè<<<rent dans la discussion, et parlèrent selon les

1 Le rejet de la proposition de dom Gerles.

«< intérêts divers des hommes dont ils étaient les << organes. Virieu, las du rôle désagréable qu'il «jouait depuis deux heures, profita d'un mo<«ment de silence, occasioné par la lassitude «des deux partis, et déclara qu'il résignait entre «<les mains de l'assemblée une place qu'il ne « croyait pas pouvoir occuper. Tous les journaux « révolutionnaires crièrent le soir même : Faux <«< serment de M. de Virieu, et sa destitution de la « place de président de l'assemblée nationale, à « laquelle il avait été nommé par les aristo

«< crates. >>

M. de Virieu écrivit le lendemain à l'assemblée pour donner de nouveau sa démission de la pré

'En lisant ce passage sur la conduite que tint alors M. de Virieu, il semble évident à tout homme de bonne foi que M. de Virieu ne remplit en cette occasion aucun des devoirs que sa conscience lui imposait. En effet, il n'était point douteux qu'il n'eût protesté contre une des déterminations prises par l'assemblée dont il fesait partie, et que cet acte de protestation n'eût eu, par sa nature, un caractère séditieux. La manière peu franche dont il se défendit, pour se maintenir dans la présidence, ne pouvait qu'ajouter à ses torts. Aussi, quoiqu'il dût compter sur cette même majorité qui l'avait nommé, il n'en crut pas moins devoir renoncer à la présidence, et tous ses partisans jugèrent, comme le démontre le récit même de M. de Ferrières, que les sentimens de convenance et le respect pour la bonne foi ne leur permettaient pas d'entreprendre sa justification.

sidence; sa lettre contenant des expressions qui parurent injurieuses, elle ne fut point, par ce motif, insérée dans le procès-verbal; plusieurs membres du côté droit ayant réclamé contre cette omission, la discussion s'échauffa et devint un nouveau sujet de querelle. Quoique l'assemblée eût décidé une première fois qu'elle passait à l'ordre du jour sur la rectification du procèsverbal, le marquis de Digoine insista avec violence pour obtenir la parole; M. de Foucault la réclama ensuite, espérant contraindre l'assemblée à l'entendre, à l'aide de sa voix de stentor. Une longue agitation ayant été la suite de la résistance de ces deux membres, l'assemblée, de nouveau consultée, déclara une seconde fois qu'elle allait continuer la discussion sur l'établissement des jurés. Déjà M. de Fermont était à la tribune, lorsque de violentes clameurs, parties du côté droit, l'interrompent et couvrent sa voix. Un député de ce côté se lève et s'écrie: « Trois cent soixante membres parmi nous ne peuvent prêter le serment qu'on a voulu exiger de M. de Virieu: il faut décider s'ils sont députés ou s'ils ont cessé de l'être: qu'on réponde.... Nous voulons dissoudre l'assemblée. » Vainement le président rappelle à l'ordre le côté droit : « Nous vous empêcherons de délibérer, s'écrient les uns, si vous ne voulez pas nous écouter. Nous l'exigerons

bien », disent les autres. L'abbé Maury, le vicomte de Mirabeau et le chevalier de Murinais se font distinguer dans le tumulte : « Il n'y a pas d'ordre «< du jour, disent-ils, nous n'y passerons pas que << M. de Digoine n'ait été entendu. » Le côté gauche se lève avec indignation : « Ce désordre est prémédité, dit M. de Biauzat, on a des projets funestes; si l'on nous tend des piéges, nous saurons bien les déjouer; soyons calmes.... le calme sera terrible... que les bons citoyens fassent silence. » Les membres de la droite poussent de violentes clameurs. Le président, M. de Bonnay, veut parler, mais sa voix est étouffée par le tumulte; enfin on parvient à renvoyer au lendemain l'objet pour lequel M. de Digoine demandait la parole; le trouble cependant ne s'apaise point.

M. de Fermont, resté à la tribune, commence la discussion sur les jurés; M. de Foucault l'interrompt; on rappelle ce dernier à l'ordre, il continue: «Il serait impossible, dit-il, d'empêcher de parler un membre qui serait libre. »

M. de Fermont : « Je demande à présenter quelques réflexions sur le point..... » M. de Foucault : «Le point est que je veux parler, et que je parlerai. >>

Des cris, « à l'ordre», s'élèvent de tout le côté gauche. «< Eh bien! reprend M. de Foucault en montrant successivement à l'assemblée et aux galeries un papier qu'il tient à la main, eh bien!

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