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«A ce magnifique serment, dit Ferrières, l'as<< semblée tout entière, comme si elle eût été en<«< traînée par une inspiration subite, ferma la << discussion et décréta que les assemblées électo<< rales ne s'occuperaient point de l'élection de << nouveaux députés, que cette élection ne pour<«<rait avoir lieu que lorsque la constitution serait « près d'être achevée, qu'alors l'assemblée natio<<nale prierait le roi de proclamer le jour où les << assemblées électorales se formeraient et éliraient « la première législature. >>

Le 22 avril, le général Paoli se présenta à l'assemblée nationale, à la tête d'une députation de l'ile de Corse qui, d'après la demande de ses habitans, venait d'être constitutionnellement réunie à la France. Après un discours prononcé par l'un des membres de la députation, le grand citoyen qui avait si long-tems combattu pour l'indépendance de sa patrie, et qui avait mérité l'admiration de ses ennemis eux-mêmes, exprima toute sa reconnaissance pour les égards généreux que les Français lui avaient toujours témoignés dans sa captivité.

« Ce jour, dit Paoli, est le plus heureux et le

fait d'autant plus d'honneur à Mirabeau, que, contre la coutume de ce célèbre orateur, ce fut à l'inspiration du moment qu'il dut une si éloquente improvisation.

plus beau de ma vie; je l'ai passée à rechercher la liberté, et j'en vois ici le plus noble spectacle. J'ai quitté ma patrie asservie, je la retrouve libre, je n'ai plus rien à désirer.

« Je ne sais, depuis une absence de vingt ans, quel changement l'oppression aura fait sur mes compatriotes. Il n'a pu être que funeste, car l'oppression ne fait qu'avilir; mais vous venez d'ôter aux Corses leurs fers, vous leur avez rendu leur vertu première.

«En retournant dans ma patrie, vous ne pouvez pas douter de mes sentimens; vous avez été généreux pour moi, et jamais je n'ai été esclave; má conduite passée, que vous avez honorée de votre suffrage, vous répond de ma conduite future. J'ose dire que ma vie entière a été un serment à la liberté. C'est déjà l'avoir fait à la constitution que vous établissez; mais il me reste à le faire à la nation qui m'adopte, et au souverain que je reconnais. C'est la faveur que je demande à l'auguste assemblée. » Ce discours fut accueilli par les plus vifs applaudissemens.

Il s'était formé à cette époque dans l'église des Capucins, rue St-Honoré, un nouveau club où se réunissaient un grand nombre de députés de la noblesse et du haut clergé, ainsi que quelques députés des communes appartenant en partie à la magistrature. «< Là, dit le marquis de Ferrières,

« vinrent gémir longuement sur la ruine de la « religion, sur l'anéantissement de l'autorité << royale, l'archevêque d'Aix et d'Espréménil: là, «l'abbé de Barmont et le président de Frondeville «assurèrent que la plupart des décrets de l'assem«blée nationale étaient attentatoires aux droits

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des personnes et des propriétés. » Comme ils espéraient tous pouvoir rattacher la vente des biens ecclésiastiques au refus de déclarer la religion catholique religion nationale, ils rédigèrent une protestation contre la détermination prise par l'assemblée, et la répandirent avec profusion dans la capitale et dans les provinces. Tout le monde savait que M. de Virieu était l'un des signataires de cette protestation. Porté le 27 avril par le côté droit à la présidence de l'assemblée, on allait proclamer le résultat du scrutin, lorsque M. Bouche demanda la parole: « Chez tous les peuples, dit-il, les assemblées civiles ou politiques ont exigé de leurs chefs des sermens particuliers et établi des formalités pour leur réception; ainsi je propose de décréter que tout député, entrant dans l'exercice des fonctions que aura confiées l'assemblée, soit tenu de renouveler le serment du 4 février, et de jurer qu'il n'a jamais pris et qu'il ne prendra jamais part à aucun acte, protestation, déclaration, contre les décrets de l'assemblée nationale acceptés et

lui

sanctionnés par le roi, ou tendant à affaiblir le respect et la confiance qui leur sont dus. »

Cette motion ayant été adoptée, M. de Bonnay déclara que le résultat du scrutin donnait la présidence à M. de Virieu. Ici, nous laisserons parler le marquis de Ferrières :

« Virieu, dit-il, affirme, quoique d'un ton « très-embarrassé, qu'il n'a point ambitionné les << honorables fonctions auxquelles vient de l'élever << la majorité des suffrages; qu'il ne se croit plus «à lui-même du moment que cette majorité a << prononcé sur son sort; qu'il va chercher dans les « décrets de l'assemblée la conduite que les cir<<< constances lui imposent; qu'un homme livré à << la chose publique dans un long intervalle d'é«vénemens critiques, a pu ne pas approuver tou<< tes les opinions, sans qu'on en doive conclure << contre son zèle pour le bien public, et sans qu'il <<< en ait moins de droit à l'indulgence; d'ailleurs, <«<si l'on connaît quelque protestation faite par «<lui, de la nature de celles annoncées dans la << motion de M. Bouche, il est prêt à se retirer << du moment qu'elle lui sera présentée. Sa mé<«<moire ne lui rappelant aucun acte de cette na<< ture, il accepte l'honneur qui lui est offert, et << renouvelle, en sa conscience, le serment d'être <«<fidèle à la nation, à la loi, au roi; d'obéir aux << décrets de l'assemblée nationale, de n'avoir pris

<< et de ne prendre jamais part à aucun acte, dé

claration, protestation, contraire aux décrets <<< acceptés et sanctionnés par le roi, ou tendant << à affaiblir le respect et la confiance qui leur sont « dus.

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<< Les signataires de la pétition, continue M. de << Ferrières, n'avaient vu qu'avec peine Virieu dés<< avouer en quelque sorte sa signature, et se << soumettre à un serment qui devenait pour eux <«< une exclusion des places dignitaires de l'assem« blée. M. de Rochebrune, d'après un petit conseil << tenu entre Cazalès, Montlosier, l'abbé Maury, prie M. de Virieu de s'expliquer sur la nature du << serment qu'il vient de prêter, parce que le décret qui ordonne ce serment lui paraît contraire à la << liberté des opinions et à l'intérêt de ses commet<< tans. Virieu répond que le serment qu'il a prêté << ne s'étend et qu'il n'a entendu l'étendre qu'aux « décrets acceptés et sanctionnés par le roi; que << s'il existe d'autres actes revêtus de sa signature, << contre des décrets non sanctionnés, il ne les ré<«<tracte pas et ne les rétractera jamais. Je ne nie «donc pas, ajoute Virieu, et plusieurs d'entre <«<nous ne sauraient nier, que n'ayant point eu «un avis conforme à celui de la majorité, nous << avons signé une déclaration de notre opinion et << de quelques faits essentiels à notre justification. Comme il ne doit demeurer aucun doute sur la

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