Page images
PDF
EPUB

ses demandes contre Bourdeau et Fournier?, 30. Y a-t-il lieu d'annuller la délibération des avocats près cette cour? 4o. La Chambre des avoués a-t-elle agi régulièrement? 5o. Son rapporteur peut-il être inculpé? 6o. Y a-t-il lieu d'homologuer en ce moment l'avis de la Chambre des Avoués sur l'interdiction du sieur F....., ou, dans tous les cas, de prendre un parti contre lui, à raison de la lettre par lui écrite au syndic de cette Chambre ?

[ocr errors]

il

» Considerant (ajoute-t-il) sur la première question, 10. Que F..... a exécuté ces arrêts, en fournissant son mémoire et pièces justificatives à la Chambre des Avoués, et que, dès lors, ne peut plus s'en plaindre; -2°. Que luimême n'avait provoqué, avant ces arrêts, que des mesures de police intérieure; qu'on ne pouvait condamner Bourdeau et Fournier, avant de leur avoir communiqué les conclusions prises contre eux; que les faits reprochés à F..... étaient de nature à provoquer l'attention de la cour, pour savoir s'il pouvait continuer ses fonctions; et qu'en pareil cas, F..... étant Avoué, il ne peut se plaindre qu'on ait renvoyé à la Chambre des Avoués pour vérifier les faits; 3o. Que sa réclamation sur le renvoi à la Chambre, devient sans objet, en ce que le syndic de la Chambre a agi, non-seulement en vertu des arrêts de la cour, mais encore d'office; en sorte que, même en mettant ces arrêts à l'écart, la vérification de la Chambre sera légale ;-4°. Que, par les arrêts de renvoi, les demandes en réparation de F..... n'avaient pas été rejetées; mais que, sans rien préjuger sur ces demandes, la cour a saisi l'occasion que lui a fournie l'instruction, de vérifier s'il était digne d'être compté plus long-temps parmi les Avoués de la cour, et qu'il ne peut se plaindre d'un préparatoire qui ne rejetait pas ses demandes; -5o. Qu'il peut d'autant moins s'en plaindre, que la Chambre ne prononce que par forme d'avis, et qu'elle offre à l'Avoué inculpé une espèce de tribunal de premier ressort, qui multiplie en sa faveur les garanties contre l'erreur;

audiences où les refus de plaider ont eu lieu, de tous détails et personnalités offensans; et que, nécessités à s'expliquer ensuite d'après les arrêts de la cour, ils se sont réfugiés sur la notoriété qui reproche à F..... des faits graves; que, sans même examiner en ce moment jusqu'à quel point cette notoriété est fondée, on ne peut pas dire que Fournier et Bourdeau aient trop légèrement provoqué l'attention de la cour sur F....., par un simple refus de plaider, dégagé de tous détails et explications, puisque, non-seulement tous les autres avocats près la cour ont cessé de communiquer avec lui, mais qu'encore la Chambre des Avoués a, dans son avis soumis à l'homologation de la cour, déclaré que la dignité du barreau devait en faire repousser ledit F.....; qu'ainsi, quand même la demande de F..... contre Bourdeau et Fournier serait recevable, elle ne pourrait être fondée dans ces circonstances; » Considérant, sur la troisième question, que la lettre des avocats près la cour n'est point écrite au nom d'aucun ordre ou college d'avocats; qu'elle est signée individuellement : que cependant les expressions de cette lettre sont telles, qu'elles peuvent laisser douter si elle n'a pas été déterminée plutôt par l'opinion de la majorité de ceux qui l'ont signée, que par le sentiment particulier de chacun d'eux, puisqu'il y est dit que les signataires ont délibéré la cessation de toute communication avec F.....; et que ladite délibération doit être annullée en ce sens, qu'on en pourrait induire que les signataires ont agi comme formant un college d'avocats délibérans ;

» Considérant, sur la seconde question, que F........... n'a demandé aucune réparation, ni、 même pris aucunes conclusions contre Bourdeau et Fournier aux audiences où ils ont refusé de plaider contre lui; —Que Fournier et Bourdeau n'ont pas refusé de plaider contre F.... par la circonstance que F..... est Avoué, et qu'ils n'ont pas élevé la prétention de ne lutter au barreau que contre des avocats; mais parceque, comme Avoué ou défenseur, ils l'ont considéré comme entaché gravement dans sa réputation qu'ils se sont abstenus, aux

» Considérant, sur la quatrième question, que la Chambre, dans l'instruction qu'elle a faite, s'est conformée à l'arrêté du gouvernement portant établissement des Chambres des Avoués; qu'elle était compétente, soit en ce qu'elle a agi d'après les arrêts de la cour, soit en ce qu'indépendamment de ces arrêts, le syndic a agi d'office, en prenant pour dénonciation les mémoires de Bourdeau et de Fournier; et que ces sortes de Chambres sont instituées pour connaître des réclamations qui s'élèvent contre les Avoués à raison de leurs fonctions; mais que d'ailleurs F..... ne peut plus parler d'incompétence, dès qu'il a fourni ses mémoires et pièces justificatives à la Chambre, ainsi qu'il a été dit sur la première question dans laquelle celle-ci rentre en partie;

» Considérant, sur la cinquième question, que la Chambre des Avoués ayant commis son rapporteur pour recueillir les matériaux qui pouvaient l'éclairer, et Bourdeau et Fournier s'étant contentés d'indiquer comme chose notoire, que F..... avait manqué à ses

devoirs par tels et tels faits concernant tels et tels cliens, il est devenu nécessaire que le rapporteur recueillît les déclarations de ces mêmes cliens, ou se procurât les actes publics d'où l'on ferait ressortir des inculpations contre F.....; que la conduite du rapporteur est d'autant plus impartiale, que, parmi les pieces qu'il a remises à la Chambre, il en est de favorables à F.....;

» Considérant, sur la sixième question, que, d'après les motifs de réserve du ministère public sur les faits qui ont amené l'avis de la Chambre des Avoués, portant qu'il y a lieu à son interdiction, la cour n'est pas suffisamment instruite, et qu'elle doit renvoyer à un examen plus approfondi les mesures à pren. dre sur cet avis; mais qu'en attendant, la cour doit prendre tous les moyens possibles pour que cette Chambre, placée près d'elle par l'arrêté du gouvernement du 13 frimaire an 9, ne soit pas impunément outragée par l'un de ses membres, puisque, sans la considération qui lui est due, elle chercherait inutilement à remplir les vues du gouvernement qui l'a instituce; que F....., comme Avoué, doit à cette Chambre égards et respect; que cependant il lui impute, dans ladite lettre écrite officiellement au syndic, d'avoir participé à ce qu'il appelle les infamies de son rapporteur; que, loin de déférer à la citation qui lui était faite de se rendre à la Chambre pour se justifier, il marque au syndic qu'elle peut se réunir et délibérer quand elle voudra, même ajouter à ses turpitudes, si elle croit n'en avoir pas assez fait; Que cependant, d'après les motifs énoncés dans les questions precedentes, la Chambre et son rapporteur sont irréprochables; —Que la censure avec réprimande est une des mesures ordonnées par l'arrêté du gouvernement, du 13 frimaire an 9, lorsque l'Avoué s'écarte de ses devoirs;

» La cour donne défaut contre F....., et fait acte au procureur général de ce qu'il retire le réquisitoire par lui fait le 26 pluvióse dernier, comme se trouvant sans objet; en consequence, dit qu'il n'y a lieu à statuer sur ledit réquisitoire; déclare F..... non-recevable et mal fondé dans ses demandes contre Bourdeau et Fournier; déclare nulle et comme non avenue la délibération énoncée dans la lettre de Reculé, Poulourat, et autres avocats près la cour, écrite le 28 pluviose an 13, en ce qu'il peut en résulter qu'ils ont agi comme formant un ordre ou college d'avocats; - renvoie à statuer sur l'avis de la Chambre des Avoués, jusqu'après un examen plus approfondi des faits imputés à F.....; et néanmoins ordonne que la lettre par lui écrite à cette

Chambre, le 8 prairial dernier, demeurera supprimée comme injurieuse à ladite Chambre; que F..... sera cité par le syndic pour se trouver en personne à ladite Chambre, et y être réprimandé avec censure à cause de ladite lettre; et faute par lui d'obéir à la citation, ordonne qu'il sera suspendu de ses fonctions d'Avoué depuis le jour fixé par la citation pour se trouver à la Chambre, jusqu'à ce qu'il se soit présenté pour subir la réprimande ordonnée ».

Le sieur F..... se pourvoit en cassation, tant contre cet arrêt que contre ceux qui l'ont précédé.

«Ses moyens (ai-je dit à l'audience du 3 novembre 1806) nous paraissent se réduire à six propositions. 10. Toute la procédure faite contre moi, est nulle, parcequ'elle n'a pour base que les mémoires des sieurs Bourdeau et Fournier; parceque, par ces mémoires, les sieurs Bourdeau et Fournier ont expressément déclaré qu'ils ne voulaient pas se rendre mes accusateurs; et parceque, ces mémoires mis de côté, il ne reste plus contre moi d'autre partie que le procureur général de la cour d'appel de Limoges, à qui la loi du 24 août 1790 refuse et interdit formellement toute voie d'action.-20. Les réquisitoires du procureur général de la cour d'appel de Limoges, des 11 et 23 pluviôse et 28 ventôse an 13, sont nuls, ainsi que les arrêts dont ils ont été suivis, parceque les uns ont été faits par écrit, et les autres rendus dans la Chambre du conseil, tandis qu'aux termes de la loi du 24 août 1690, tout devait se faire à l'audience, tout devait être public. — 3o. L'arrêt du 28 ventóse an 13 est encore nul, parcequ'il rapporte virtuellement celui du 28 pluviose précédent. - 4o. Toutes les opérations de la Chambre des Avoués, dans cette affaire, sont marquées au coin de l'incompétence et de l'excès du pouvoir. -5°. C'est sans conclusions d'aucune partie, c'est conséquemment d'office, que l'arrêt du 2 fructidor an 13 annulle la délibération par laquelle les avocats de Limoges avaient arrêté de ne plus communiquer avec moi. 6o. Il y a oppression et abus de pouvoir dans les dispositions du même arrêt, qui, d'une part, me déclarent non-recevable et non fondé dans mes demandes en réparation contre les sieurs Bourdeau et Fournier qui m'avaient horriblement calomnié; et, de l'autre, me condamnent à subir une réprimande de la part d'une Chambre d'Avoues, qui s'était rendue coupable envers moi des plus graves excès. Reprenons successivement chacune de ces propositions.

» La première n'est étayée que sur une

équivoque. Qu'est-ce qu'entend l'art. 2 du tit. 8 de la loi du 24 août 1790, quand il dit qu'au civil, les commissaires du roi exerceront leur ministère, non par voie d'action, mais seulement par celle de réquisition dans les procès dont les juges auront été saisis? Sans contredit, le sens de cet article est que, dans les matières qui ne sont relatives qu'à des intérêts privés, les officiers du ministère public ne peuvent point agir d'office; qu'ils ne peuvent y figurer qu'en donnant leur avis, par forme de réquisitions, sur les questions qu'elles présentent; et que, si, dans ces sortes d'affaires, ils prenaient sur eux de donner des assignations, d'interjeter des appels, de former des oppositions à des jugemens par défaut, ils devraient être déclarés non-recevables.

>> Mais conclure de cet article, que ces officiers ne peuvent pas, au civil, agir d'office pour l'ordre public, et qu'ils ne le peuvent pas dans les affaires où il n'existe aucune partie privée qui puisse agir, c'est de quoi l'on ne s'est jamais avisé, c'est même à quoi s'opposent formellement les lois les plus précises.

par

» Ainsi, les art. 184 et 191 du Code civil donnent au ministère public une action directe pour attaquer et faire déclarer nul les mariages célébrés, ou avant l'âge fixé la loi, ou par des personnes déjà liées par des mariages précédemment contractes, ou entre parens ou alliés au degré prohibé, ou clandestinement, ou devant un officier public incompétent.

» Ainsi, la loi du 16 floréal an 4 charge le ministère public de poursuivre et de faire condamner à l'amende portée par l'art. 16 du tit. 3 de la loi du 29 septembre-6 octobre 1791, sur le notariat, les notaires en retard de deposer, chaque année, au greffe du tribunal civil de leur arrondissement, le double du réper

toire de leurs actes.

» Ainsi, tous les jours, on voit le ministère public requérir, soit la censure, soit la suspension d'un avoué ou d'un huissier qui, dans l'exercice de ses fonctions, a manqué gravement à ses devoirs.

» La seconde proposition du demandeur n'est pas mieux fondée que la première.

» Sans doute, il résulte de l'art. 14 du tit. 2 de la loi du 24 août 1790, que, dans toutes · les affaires, les plaidoiries, les rapports et les jugemens doivent être publics. Mais cette disposition s'applique-t-elle aux actes qui ne concernent que la discipline, soit des tribunaux, soit de leurs officiers ministériels? Elle s'y applique si peu, qu'aujourd'hui encore on

peut, et on pourra jusqu'à la mise en activité du Code de procédure civile, c'est-à-dire, jusqu'au 1er janvier 1807, juger en chambre du conseil, les récusations proposées contre les juges, parceque, comme l'observait M. de Lamoignon dans les conférences sur le projet de l'ordonnance de 1667, elles doivent se traiter comme faits de la discipline intérieure des compagnies. Et c'est ce que la cour a pratiqué elle-même, dans sa section criminelle, nous présent, le 27 fructidor an 12; c'est ce que la même section a décidé formellement le 25 brumaire an 13, en maintenant un arrêt de la cour d'appel de Dijon, rendu en chambre du conseil, sur la récusation proposée par les héritiers Roquelaure, contre un magistrat de ce tribunal.

» Ajoutons que, s'il en était autrement pour les actes relatifs à la discipline des officiers ministériels, il en résulterait une grande absurdité. La cour suprême est investie par la loi de la faculté de nommer et de révoquer à son gré les huissiers qui font le service de ses audiences. Or, comment les nomme-t-elle ? Toujours en chambre du conseil, jamais publiquement. Elle peut donc aussi les révoquer en chambre du conseil : c'est la conséquence nécessaire de la règle de droit, nihil tam naturale est quàm unum quodcumque eodem genere dissolvi quo colligatum est. Et cependant, si l'on admettait le système du sieur F....., il faudrait, pour pouvoir révoquer légalement un huissier de la cour, le faire citer à l'audience, et rendre à l'audience un arrêt qui prononcât solennellement sa révocation.

» La troisième proposition du sieur F..... consiste à dire, comme vous vous le rappelez, que la cour de Limoges a, par son arrêt rendu en chambre du conseil, le 28 ventóse an 13, rapporté implicitement l'arrêt qu'elle avait rendu à l'audience le 26 pluviose précédent; et cela est de toute vérité, puisque, par celuici, elle avait ordonné un délibéré sur la question de savoir si le sieur Fournier serait tenu plaider avec le sieur F.; et que, par de donner par écrit les motifs de son refus de celui-là, elle a renvoyé à la Chambre des Avoués un mémoire que le sieur Fournier venait de produire pour justifier son refus. Mais quelle est la loi qu'a violée la cour d'appel de Limoges, en procédant ainsi? D'un côté, l'arrêt du 26 pluviose n'était que de pure instruction; et tout le monde sait que les jugemens de pure instruction peuvent toujours être rétractés par les tribunaux qui les ont rendus, parceque toujours ils sont réparables en définitive. D'un autre côté, comment l'arrêt du 28 ventôse rapporte-t-il celui du 26 pluviose?

En déclarant, sinon en termes exprès, du moins virtuellement, que celui du 26 pluviôse n'a plus d'objet ; et effectivement, il ne pouvait plus en avoir; il n'y avait plus matière à délibérer sur le point de savoir si le sieur Fournier devait écrire les motifs de son refus de plaider contre le sieur F., du moment que le sieur Fournier les avait écrits, du moment qu'il les avait mis sous les yeux de la cour d'appel.

» Quant à la quatrième proposition du sieur F., celle qui tend à établir que la Chambre des Avoués était incompétente à son égard, et qu'elle a excédé ses pouvoirs, il faut bien distinguer les différens élémens dont elle se compose.

» La Chambre des avoués était-elle incompétente pour prendre connaissance des faits imputés au sieur F.....? Elle ne l'était certai'nement pas pour ceux de ces faits qui inculpaient le sieur F..... dans l'exercice de ses fonctions d'Avoué.

» noncer,

» Inutile de dire que les cliens du sieur F..... ne se plaignaient pas de lui. Lorsque, par l'art. 2 de son arrêté du 13 frimaire an 9, le gouvernement a rangé dans les attributions des Chambres d'Avoués, les plaintes et réclamations de la part des tiers contre des Avoués, à raison de leurs fonctions, a-t-il, par cela seul, exclu de ces attributions les écarts, les torts, à raison desquels il n'y aurait point de plainte privée? Non assurément ; et pour nous en convaincre, il suffit de nous fixer sur l'art. 11 du même arrêté qui porte : « Le syn» dic défère à la Chambre des faits relatifs à » la discipline, et il est tenu de les lui désoit d'office, quand il en a connais»sance, soit sur la provocation des parties » intéressées, soit sur celle de l'un des mem»bres de la Chambre ». Ici d'ailleurs, nonseulement c'est sur la dénonciation de son syndic, que la Chambre des Avoués de Limoges a procédé, mais cette dénonciation ellemême a été provoquée, nécessitée par les arrêts de la cour d'appel des 12 et 26 pluviose et 18 ventôse an 13. Or, oserait-on soutenir que les tribunaux n'ont, ni le droit de demander d'office l'avis des Avoués constitués en Chambres, sur la conduite de leurs confrères, ni celui de leur renvoyer, pour être punis par simple forme de discipline, ceux de leurs confreres qu'ils ne jugent pas assez coupables pour les punir eux-mêmes? Oserait-on le soutenir surtout après que vous-mêmes, messieurs, avez, par arrêt du 18 floréal an 12, au rapport de M. Zangiacomi, renvoyé devant la Chambre des avocats près la cour, avocat qui, dans une requête imprimée, s'é

un

tait livré contre des magistrats dont il demandait la prise à partie, à des excès qui vous ont paru ne devoir pas rester impunis. » Mais si la Chambre des Avoués de Limoges n'était pas incompétente pour prendre connaissance de ceux des faits imputés au sieur F..... qui étaient relatifs à ses fonctions d'Avoué, ne l'était-elle pas du moins pour prendre connaissance de ceux de ces faits qui étaient antérieurs à sa réception dans cette place? Elle l'était sans doute, pour en prendre connaissance d'office; mais elle ne l'était pas et elle ne pouvait pas l'être, pour en prendre connaissance d'après l'ordre qu'elle en avait reçu de la cour d'appel. Que la cour d'appel ait pu lui donner un pareil ordre, c'est ce que l'on ne saurait contester raisonnablement. Les tribunaux sont essentiellement chargés de veiller à ce qu'il n'existe auprès d'eux que des officiers ministériels d'une probité intacte et constamment reconnue; si donc ils s'aperçoivent, après la réception d'un Avoué, que leur religion a été trompée dans la désignation qu'ils ont faite de sa personne au gouvernement; si surtout ils découvrent, dans sa conduite passée, des faits qui, se liant avec sa conduite actuelle, décèlent en lui des habitudes répréhensibles, leur devoir est de faire connaître au gouvernement l'indignité du choix auquel ils l'ont déterminé par leur présentation; et puisque, pour remplir ce devoir avec la certitude de ne pas se tromper, ils ne peuvent mieux faire que de prendre l'avis des Chambres d'Avoués, il est clair qu'en ce cas, les Chambres d'Avoués peuvent rechercher et leur indiquer les faits qui, de la part de l'Avoué inculpé, accusent sa vie passée, tout aussi bien que ceux qui accusent sa vie présente.

» Mais si la Chambre des Avoués de la cour d'appel de Limoges était compétente pour prendre connaissance de tous les faits imputés au sieur F....., n'a-t-elle pas du moins excédé ses pouvoirs, et par la manière dont elle procédé, et par la manière dont elle a conçu son avis? Le sieur F..... soutient l'affirmative.

» D'abord, suivant lui, elle a excédé ses pouvoirs, en instruisant contre lui sans avoir fait homologuer, ainsi que le prescrivait l'art. 3 de l'arrêté du 13 frimaire an 9, les décisions par lesquelles elle avait successivement rejeté l'exception déclinatoire qu'il lui. avait proposée, et les récusations qu'il avait présentées contre deux de ses membres.

» Mais quels sont les actes des Chambres d'Avoués qui sont sujets à homologation? Ce sont les simples avis. L'art. 5 de l'arrêté du

13 frimaire an 9 y est formel. Or, ce n'est point par simple avis que la Chambre des Avoués de Limoges a dû prononcer sur l'exception déclinatoire et sur les récusations du sieur F............. : elle a dû y statuer, comme elle l'a fait, par des décisions proprement dites; c'est par des décisions proprement dites, qu'elle a dû écarter les obstacles que le sieur F..... cher chait à apporter à ce qu'elle se constituat. Elle n'a donc eu, à cet égard, rien à faire homologuer.

>> Ensuite, suivant le sieur F....., la Chambre des Avoués de Limoges a encore excédé ses pouvoirs, en donnant un avis tendant à ce qu'il fût repoussé du barreau; et cela résulte de l'art. 9 de l'arrêté du 13 frimaire. Aux termes de cet article, une Chambre d'Avoués ne peut donner son avis pour la suspension d'un Avoué, que lorsqu'elle est placée près d'un tribunal où le nombre total des Avoués est au moins triple de celui de ses propres membres. Or, il n'existe que onze Avoués près la cour d'appel de Limoges.

>> Ce raisonnement serait bon, si la Chambre des Avoués de Limoges eût, d'office et de son propre mouvement, donné son avis pour la suspension du sieur F..... En prenant l'initiative pour la suspension du sieur F....., elle aurait vraiment excédé les limites de ses attributions.

» Mais ce n'est point là ce qu'elle a fait : elle n'a donné son avis pour la suspension du sieur F...., que parcequ'elle y était provoquée par la cour d'appel. Et assurément, la cour d'appel avait bien le droit de lui demander cet avis. L'arrêté du 13 frimaire ne le lui defendait pas; et en ne le lui défendant pas, il le lui permettait. Quoi de plus naturel en effet, que de laisser à un tribunal qui peut, de lui-même, suspendre un Avoué, la faculté de s'éclairer préalablement des lumières de la Chambre à laquelle cet officier est immédiatement subordonné? En consultant préalablement cette Chambre, quel tort fait-il à l'avoué inculpé? Loin de lui en faire aucun, il lui ménage un moyen de plus de se justifier. » Mais après tout, quand le sieur F.... parviendrait à établir qu'il y a tout à la fois incompétence et excès de pouvoir dans les opérations de la Chambre des Avoués de Limoges, serait-ce une raison pour accueillir sa demande en cassation de l'arrêt du 2 fructidor an 13? Cet arrêt ne juge rien à cet égard; il ne peut donc, à cet égard, violer aucune loi. En renvoyant à statuer sur l'avis de la Chambre des Avoués, jusqu'après un examen plus approfondi des faits, il laisse entières et la question d'incompétence et la question d'ex

ces de pouvoir. Il est, par rapport à ces questions, dans les véritables termes d'un arrêt préparatoire; et nous n'avons pas besoin de rappeler ici que, par la loi du 2 brumaire an 4, le recours en cassation est interdit contre ces sortes d'arrêts.

» A l'égard de la cinquième proposition du sieur F....., ce n'est sans doute pas pour s'en faire un moyen qu'il l'a consignée dans son mémoire. Que lui importe, en effet, que ce soit d'office ou sur les conclusions expresses du ministère public, que la cour d'appel de Limoges a déclaré nulle la délibération par laquelle les avocats avaient arrêté de ne plus communiquer avec lui? Si elle l'a fait sur les conclusions expresses du ministère public, elle a bien jugé. Si elle l'a fait d'office, c'està-dire, en ajoutant aux conclusions que le ministère public avait prises à son audience, elle a encore bien jugé, et n'en a pas moins procédé régulièrement. Mais, dans un cas comme dans l'autre, elle n'a rien fait dont le sieur F..... ait intérêt ni par conséquent droit de se plaindre.

» Reste la sixième proposition du sieur F....: il y a, suivant lui, oppression et abus de pouvoir dans les dispositions définitives de l'arrêt du 2 fructidor an 13, qui le concernent.

» Mais 1o si cette prétendue oppression, si ce prétendu abus de pouvoir, ne sont ni les causes, ni les effets de la violation formelle d'une loi positive, quel remède pouvez-vous y apporter ? Le mal jugé au fond, l'injustice, l'iniquité même, ne sont pas des moyens de cassation.

» 2o. S'il y avait oppression et abus de pouvoir dans la disposition de l'arrêt qui déclare le sieur F..... non-recevable et non fondé dans ses demandes en reparation d'injures contre les sieurs Bourdeau et Fournier, à qui en şerait la faute? Au sieur F..... lui-même, qui, en faisant défaut à l'audience du 2 fructidor an 13, s'est placé dans le cas précis de la disposition de l'ordonnance de 1667, qui veut que, sans examen, le défaut encouru par le demandeur, emporte l'absolution et le renvoi du défendeur.

» 3o. Peut-on dire qu'il y a oppression et abus de pouvoir dans la disposition de l'arrêt qui, à raison des outrages auxquels le sieur F..... s'était livré envers la Chambre des avoués, l'a condamné à se présenter devant elle pour y subir une censure avec réprimande? Que la Chambre des Avoués ait bien ou mal procédé à l'égard du sieur F.....; qu'elle ait, si l'on veut, mis de la passion dans les recherches qu'elle a faites sur sa conduite; qu'elle ait, si l'on veut, porté dans ces recherches l'esprit d'une

« PreviousContinue »