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avait été arrêté dans sa maison ; ce qu'il soutenait ne pouvoir se faire, même par forme d'exécution, sans l'assistance de deux échevins. Par arrêt du 16 mars 1759, l'emprison nement a été déclaré bon et valable.

La seconde observation est que, dans les coutumes muettes, et notamment dans celle de Lille, les débiteurs peuvent être arrêtés dans leur maison, même à toutes fins.

C'est ce qui a été jugé par plusieurs arrêts. Il y en a un du 26 janvier 1780, qui a confirmé, au rapport de M. Maloteau de Guernes, une sentence des échevins de Lille, par laquelle le Clain pratiqué à la requête des sieurs Fervacke, négocians à Ypres, sur la personne de Charles Vandewalde, dans la maison de Pierre-François Platel, bourgeois de Lille, où il demeurait depuis quelque temps, avait été déclaré bon et valable...

Un autre arrêt, rendu le 8 juillet de la même année, au rapport de M. Rantz de Berchem, a confirmé une pareille sentence des échevins de Lille, prononcée le 24 avril précédent, entre Augustin-Victor Grignon, demandeur en nullité d'emprisonnement, d'une part, et le sieur Rosany, défendeur, de l'autre. Dans cette espèce, Grignon avait un avantage que n'avait point Vandewalde dans la précédente. Celui-ci n'était point bourgeois de Lille, mais Grignon l'était cependant, son emprisonnement, pratiqué dans sa propre maison, a été confirmé. Il alléguait encore d'autres moyens qui n'ont pas produit plus d'effet.

On a prétendu, il y a quelque temps, faire juger le contraire pour la ville de Givet, qui est régie par la coutume de Luxembourg.

Marie-Josephe Gervais, se trouvant redevable de très-fortes sommes envers le sieur Boffin, avocat, celui-ci obtint, sur requête, une ordonnance du prévôt de Givet, qui lui permit de la faire emprisonner à ses risques et périls. Elle fut en effet arrêtée dans un moment où elle était assise sur un banc presque accolé à la porte de sa maison. Cette circonstance, et différens autres moyens qu'elle employ a pour faire déclarer l'emprisonnement nul, donnèrent lieu à une ample instruction. Par sentence du 8 juillet 1769, le prévôt de Givet confirma l'emprisonnement; et sur l'appel, il intervint, au mois d'août suivant, arrêt du parlement de Flandre, au rapport de M. Remy, qui mit purement et simplement l'appellation au néant.

L'année suivante, un avocat de Givet, conda ané par arrêt à payer des sommes assez consi lérables, fut arrêté, faute de paiement, dans son cabinet. Il se pourvut, mais sans

succès. Par arrêt du mois de novembre 1770, au rapport de M. Remy, il fut débouté de sa demande en nullité d'emprisonnement.

[[L'art. 5 du titre 2 de la loi du 15 germinal an 6 confirme expressément cette jurisprudence. Mais il y est dérogé par l'art. 781 du Code de procédure civile, aux termes duquel « le débiteur ne pourra être arrêté dans » une maison quelconque, même dans son » domicile, à moins qu'il n'eût été ainsi or» donné par le juge de paix du lieu, lequel » juge de paix devra en ce cas, se transporter » dans la maison avec l'officier ministériel ». Exécution, Exploit, Main-Mise, Plainte en V. Contrainte par corps, Emprisonnement, Saisie-immobilière, etc. ]] matière civile, Saisie-arrêt, Saisie-exécution,

CLAIN DE RÉTABLISSEMENT. On appelle ainsi, dans la coutume des ville et chefl'objet est de rétablir un bailleur de fonds lieu de Valenciennes, une procédure dont dans la propriété de son héritage, faute par le preneur, ou ses ayant-cause, de lui en payer la rente foncière.

Pour procéder à cette espèce de Clain, il faut, suivant l'art. 43 de la coutume citée, commencer par faire ajour sur l'héritage chargé de la rente.

L'ajour fait, les échevins à qui il en est référé, ordonnent un réajour, ou, pour nous servir des termes adoptés par la coutume ellemême, une iterative et seconde signification. C'est ce qui s'appelle recorder l'ajour.

On a douté si ce record d'ajour ne devait avoir lieu que dans la ville de Valenciennes, ou si l'usage en devait être commun à toutes les villes et villages du chef-lieu.

Les échevins de la ville de Bouchain ont soutenu le premier parti, dans une instance que leur avait suscitée Hubert Vairet, laboureur à Wavrechain-lez-Denain. Ils se fondaient sur l'usage, et, d'après cela, ils refusaient de procéder au record d'un ajour qu'ils avaient fait à la requête de ce particulier. Mais par sentence des prévôt, jurés et échevins de Valenciennes, du 16 mars 1740, il leur fut ordonné de préter leur ministère à Vairet, pour poursuivre et outrer les devoirs d'ajour commencés ; et pour l'avoir refusé, ils furent condamnés aux depens en leur nom. Les échevins de Bouchain ont appelé de cette sentence au parlement de Flandre; ils y ont établi, entr'autres choses, que leur refus de procéder au record dont il était question, était légitime, même dans le système de Vairet, puisque celui-ci ne leur avait jamais présenté, à cet effet, son Clain avec l'ajour et le titre qui

en était le fondement. Ils ont d'ailleurs persisté à soutenir que le record d'ajour n'était nullement en usage dans les Clains de réta-> blissement qui se faisaient dans le chef-lieu. Par un arrêt, dont je ne puis pas retrouver la date, mais qui a été rendu au rapport de M. de Beauvoir de Séricourt, le parlement de Flandre a mis l'appellation et ce au néant, émendant, a ordonné à Vairet de présenter aux échevins de Bouchain le Clain, l'ajour et le titre requis pour procéder, par ceux-ci, au reajour, dépens compensés.

II. L'art. 44 de la coutume porte que si, dans la quinzaine de la signification du réajour, le possesseur de l'héritage ne vient pas payer et satisfaire, le bailleur de fonds sera, en personne ou par procureur, rétabli par le mayeur, à l'ordonnance des échevins, dans la possession du bien, pour en jouir de là en avant comme de sa chose propre, aux charges antérieures à sa rente.

Il résulte clairement de ces derniers ter

mes, que le bailleur de fonds n'est obligé d'entretenir aucune des charges et hypothèques postérieures à l'arrentement. C'est aussi la décision expresse de la loi 31, D. de Pignoribus et hypothecis.

Quelque rigoureuse que paraisse cette jurisprudence, elle n'en est pas moins juste. La réversion de l'héritage arrenté dans les mains du bailleur pour défaut de paiement, a sa cause immédiate dans l'arrentement: toutes les charges, toutes les hypothèques constituées depuis, sans l'aveu du bailleur, ne peuvent préjudicier à ses droits : il ne s'était dépouillé de sa propriété qu'à la charge de la commise; le débiteur ayant accepté cette condition, a dû la remplir; et ses créanciers devaient savoir que telle était la nature de sa propriété.

Le possesseur de l'héritage arrenté n'est cependant pas sans ressource. L'art. 45 de la coutume lui accorde la faculté de retirer l'héritage des mains du bailleur de fonds, en payant à celui-ci les arrérages échus et les dépens. Mais cette faculté n'est pas indéfinie : l'exercice en est limité à un an.

III. L'article cité et le suivant ajoutent : « Le même pourra faire en dedans ledit » terme d'un an, le rentier postérieur, ne » soit que ledit fourgaignant (c'est-à-dire,

le bailleur de fonds qui a été rétabli de » la manière que l'on vient de décrire), » veuille avoir l'héritage avec la charge des >> rentes postérieures. Et si, durant le temps » de la poursuite et ajour ci-dessus mention» nés, et auparavant que le rentier fût mis » et établi audit héritage, aucun des sous

>> rentiers paie et satisfait au précédent ren » tier ce qui lui est dû d'arrérages, coûts, » frais et dépens, et requiert être remis et » établi audit héritage, ledit sous - rentier » sera subrogé au lieu du principal poursui»vant, et pourra par-poursuivre les devoirs » commencés; et iceux parfaits, sera par le » mayeur, à l'ordonnance des sept échevins » de ladite ville, en présence d'un juré de » cattel, mis et établi audit héritage, comme » le premier poursuivant ».

La coutume suppose, dans ces deux textes, que l'héritage arrenté est passé entre plusieurs mains, par le moyen de la cession que l'arrentataire primitif en a faite à un tiers, à la charge de la rente originaire envers le bailleur, et d'une sous-rente envers lui. Le second arrentataire étant en défaut de payer l'une et l'autre redevances, le bailleur se fait réintégrer dans l'héritage; et comme, aux termes de l'art. 44, il le reprend franc et libre de la sous-rente, il faut que le sousbailleur, s'il ne veut pas perdre tous ses droits sur le fonds, se fasse subroger au bailleur même, en lui payant tous les arrérages échus et en l'indemnisant entièrement. Par ce moyen, le sous-bailleur profite lui-même de la commise; et il se fait mettre en possession du bien, à la charge de payer à l'avenir la redevance annuelle due au bailleur.

En vain celui-ci se plaindrait-il de ce qu'on lui enlève le fruit de la commise: sa plainte serait dénuée de fondement, les choses ne faisant, par-là, que retourner dans l'état où il les a placées lui-même par le bail à rente.

Remarquez cependant une différence entre le cas où le sous-bailleur fait l'offre dont il est ici question avant que la commise soit déclarée encourue, et celui où il ne la fait qu'après.

Dans le premier cas, il prend absolument la place du bailleur ; et ce dernier ne pour rait pas l'en empêcher, même en offrant de se charger de la sous-rente. Dans le second cas, le bailleur, en recevant de lui le paie. ment de ses arrérages et le remboursement de ses frais de poursuite, peut déclarer qu'il se charge de la sous-rente, et, par ce moyen, demeurer en possession de l'héritage qui lui a été adjugé, ou plutôt restitué.

Le rapprochement des art. 44 et 45 fait sentir cette différence, qui d'ailleurs est fondée sur une raison très-simple. Avant la prononciation de la commise, il est incertain si le bailleur rentrera dans l'héritage; au lieu qu'après, il en est redevenu propriétaire. Or, on sent qu'il est bien plus aisé de priver

CLAIN DE RÉTABLISSEMENT, Nos IV ET V.

quelqu'un d'une simple expectative, que d'un droit acquis.

La disposition que nous examinons ici, est tirée d'une loi romaine qui a été déjà citée. C'est la 31 du titre de Pignoribus et hypothecis. Elle décide que, si l'emphyteote et celui à qui il a hypothéqué le fonds emphytéotique, sont l'un et l'autre en défaut de payer le canon, le bailleur reprend son heritage aussi libre qu'il l'était à l'époque de l'emphyteose item quæsitum si in solutione vectigalis tàm debitor quàm creditor cessassent, et proptereà pronuntiatum est fundum, secundùm legem, domini esse, cujus potior causa esset? Respondi, si, ut proponeretur, vectigali non soluto, jure suo dominus usus esset, etiam pignoris jus evanuisse. De ces termes, si tàm debitor quàm creditor cessassent, il résulte que le créancier hypothécaire de l'emphyteote peut, en payant lui-même le canon, empêcher le bailleur d'exercer la commise ouverte par le retard de l'emphy

téote.

Et l'on voit que la coutume de Valencien nes applique au sous-bailleur, ce que le droit romain décide à l'égard du créancier hypothécaire.

IV. De là vient la question de savoir si celui qui a acquis une hypothèque sur le fonds arrenté, peut user du privilege que la coutume n'accorde qu'à l'arrentataire primi tif, c'est-à-dire, s'il peut se faire subroger au bailleur, soit pendant les poursuites que fait celui-ci pour faire prononcer la commise, soit dans l'an de la prononciation qui en a été

faite.

L'affirmative ne parait susceptible d'aucune difficulté. Il est vrai que la coutume ne parle que du sous-bailleur; mais le silence qu'elle garde sur les créanciers hypothécaires, n'est pas une raison suffisante pour les ex. clure la loi romaine les autorise à se faire subroger, et il faudrait une disposition expresse pour leur en interdire le droit (1).

V. En est-il de même d'un créancier chirographaire?

Non il n'a pas ce que les lois appellent jus offerendi, c'est-à-dire, le droit de se faire subroger à un créancier hypothécaire, en le payant même malgré lui. Le créancier est, à la vérité, obligé de recevoir; mais il ne se fait pas pour cela de subrogation, à moins

(1)[[ Pourraient-ils encore exercer ce droit après la rentrée du bailleur dans le fonds arrenté? V. l'arrét du 16 juin 1811, rapporté à l'article Commise emphythéotique, no 2. ]]

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qu'il y en ait une convention expresse. (Loi 1, C. de his qui in priorum creditorum locum succedunt; Renusson, de la subrogation, chap. 4, no 25; Matthæus, de Auctionibus, lib. 1, cap. 19, no 90; Dumoulin, de Usuris, no 176.)

Quel avantage peut-il donc résulter pour un créancier chirographaire, du paiement qu'il fait au bailleur, dans la vue d'arrêter ses poursuites à fin de rétablissement?

L'art. 47 de la coutume va nous l'apprendre: << Lorsque quelqu'un (et par conséquent le pre» mier venu), durant lesdits devoirs d'ajour, » ou paravant la prédite vente ou retraite, » viendra, par forme de gage-bon, payer les » années prétendues, coust et frais, à celui » qui aura ajourné sur quelque héritage, » icelui y sera établi, et le tiendra et en re» cevra les fruits tant et jusqu'à ce que, par » le moyen d'iceux, il soit remboursé et dé» dommagé, dont il sera comptable ».

Il n'est pas difficile d'apercevoir sur quoi cet article est fondé. Il est de principe que le paiement d'une dette peut être fait par un tiers, à l'insu et même contre la volonté du debiteur, pourvu que ce soit en son nom. C'est ce que décident les lois 23, 40, 53, D. de solutionibus; et 39, D. de Negotiis gestis. C'est en partant de ce principe, que la coutume de Valenciennes permet à un tiers de payer les arrerages d'une rente pour empê. cher le décret du fonds, s'il s'agit d'une rente constituée; ou la commise, s'il est question d'une rente foncière. Car l'art. 47 parle autant de l'une que de l'autre : le mot vente s'applique à la première, et le mot retraite à la seconde.

Du reste, nous l'avons déjà dit, cette disposition, que l'on retrouve encore dans l'art. 8 du chap. 96 des chartes générales du Hainaut, a lieu, non-seulement lorsque le créancier consent à recevoir d'un tiers, mais même lorsqu'il le refuse. La loi 72, §. 2, D. de Solutionibus, déclare que les offres faites au créancier par un tiers, au nom et à l'insu du débiteur, constituent le créancier en de. meure; ainsi, le créancier est obligé de recevoir le paiement de sa dette, de quelque personne que ce soit.

On voit d'ailleurs que la coutume, après avoir permis à un tiers d'arrêter les poursuites du créancier ou du bailleur, en le payant, cherche à lui procurer une indemnité complète; et que, pour y parvenir, elle lui permet de tenir le fonds en régie et d'en percevoir les fruits, à la charge de rendre compte à la justice, jusqu'à ce qu'il soit entièrement remboursé. Elle ne lui accorde pourtant pas,

comme elle le fait, par l'art. 79 aux créanciers par ayuwe (V. Ayuwe et Tenue par loi), le droit de faire vendre l'héritage après une jouissance de trois ans et quinze jours; et la raison en est évidente: ce tiers n'a payé les arrérages et les dépens, au nom du débiteur, que pour lui conserver la propriété d'un fonds que son créancier voulait faire vendre ou lui enlever; si donc il allait lui-même en poursuivre le décret, après en avoir joui pendant le terme legal, il détruirait son propre ouvrage, et il reprendrait d'une main ce qu'il a donné de l'autre.

Au surplus, on devine aisément qu'il doit, pendant sa jouissance, payer chaque année les nouveaux arrérages. L'art. 77 de la coutume, en ordonnant aux créanciers par ayuwe de commencer par tenir en régie les fonds du dé biteur, lui enjoint d'acquitter, pendant ce temps, toutes les charges auxquelles ces fonds sont assujettis. Cette disposition s'applique d'elle-même ici; car la jouissance dont parle l'art. 77, ne diffère de celle dont il s'agit dans l'art. 47, qu'en ce que la première est limitée à trois ans et quinze jours, au lieu que celleci n'a d'autre terme que l'entier acquittement de la créance. Du reste, elles se reglent l'une et l'autre par les mêmes principes. Si donc le tiers dont il est ici question, manque à payer une seule année, le créancier le traitera comme tout autre possesseur; c'est-à-dire qu'il ajournera l'héritage pour le faire décréter ou tomber en commise, suivant la nature de la rente.

VI. Il nous reste à examiner une question qui, d'après ce que nous avons supposé jusqu'à présent, semble n'en pas devoir être une. C'est de savoir si le Clain de rétablissement peut être intenté pour défaut de paiement des arrérages d'une rente constituée, comme il peut l'être pour défaut de paiement des canons d'une rente foncière.

Il m'est passé par les mains une ancienne let tre d'un avocat du Quesnoy, datée du 27 jan. vier 1710, qui attestait que l'usage de cette ville était constamment pour l'affirmative; qu'en conséquence, toutes les fois que l'on agissait par ajour, faute de paiement des arrerages d'une rente constituée, le mayeur commençait par faire trois publications de quinzaine en quinzaine; qu'ensuite, il se transportait sur l'héritage avec deux échevins; que, s'il n'y trouvait pas assez de meubles pour payer les arrérages et les frais, il mettait le créancier en possession du fonds; et que celui-ci devenait propriétaire incommutable, lorsque le débiteur ne payait pas dans l'année.

Je ne sais si cet usage se pratique encore

bien constamment, mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'il est abusif, et que le parlement de Flandre ne manquerait pas de le réformer si l'occasion s'en présentait.

En effet, le droit romain defend tout pacte commissoire, en matière d'hypothèque; ou, si l'on veut, il annulle toute convention par laquelle un débiteur, en donnant une chose en gage à son créancier, stipule qu'elle appartiendra à celui-ci, faute par lui d'avoir acquitté sa dette dans un certain temps. C'est la disposition textuelle de la loi 3, C. de pactis pignorum, et l'on ne peut disconvenir qu'elle ne soit très-équitable, puisqu'elle empêche un créancier d'enlever frauduleusement à son débiteur un effet ou un héritage qui, le plus souvent, surpasse de beaucoup en valeur la somme qu'il a droit d'exiger. Aussi a-t-elle été reçue dans nos mœurs, avec cette unanimité de suffrages qui annonce la justice et l'équité. (V. du Luc, liv. 10, chap. 4; Papon, titre des Hypothèques, art. 2; Maynard, liv. 6, chap. 27; Charondas, en ses Observations, au mot Gage; Rousseaud de la Combe, Jurisprudence civile, au mot Gage, no 18.)

Or, l'usage prétendu observé dans la ville du Quesnoy, ne diffère point d'un pacte commissoire. Peu importe au débiteur dépouillé d'un bien, souvent précieux, pour une dette modique, que cela soit arrivé par l'effet d'un usage ou d'une convention. Le pacte commissoire a même quelque chose de moins odieux que cet usage au moins, dans le premier cas, le débiteur ne peut imputer la perte de son héritage qu'à sa facilite; mais, dans le second, il n'a rien à se reprocher, si ce n'est de vivre dans un pays où l'on tolère de tels abus.

En vain, pour justifier cet usage, feraiton valoir la faculté que l'art. 44 de la coutume accorde au créancier d'une rente foncière, de rentrer dans la propriété de son heritage, quand le débiteur est en défaut de payer.

Quelle différence! Le créancier d'une rente foncière a été propriétaire du fonds arrenté; le créancier d'une rente constituée ne l'a jamais été du fonds hypothéqué. Le premier, en reprenant le fonds, ne cause aucun tort réel au débiteur; il ne lui enlève, à proprement parler, rien du sien; il ne fait que remettre les choses dans leur premier état. Le second, au contraire, fait au débiteur un tort véritable; il lui óte un bien qui lui a toujours appartenu; il s'enrichit à ses dépens.

Dans le premier cas, l'héritage n'a été arrenté qu'à la charge tacite ou expresse de la commise cette charge n'a rien d'illicite;

et le débiteur qui l'a prévue ou consentie, n'a pas droit de s'en plaindre quand elle produit son effet. On ne peut pas dire la même chose dans le second cas : l'héritage n'a pas été hypothéqué à la charge de la commise; cette charge, étant réprouvée par les lois, ne peut être stipulée, ni expressément ni tacitement ainsi, on ne peut opposer aucune fin de non-recevoir au débiteur qui réclame contre ce droit odieux.

Il y a donc tout lieu de croire que cette pratique, si elle existe encore, n'échappera plus long-temps à la vigilance du ministere public. Le parlement de Flandre ne ferait, en la proscrivant, que suivre l'exemple du conseil souverain de Brabant, qui, par arrêt du 15 juin 1651, a aboli un usage semblable, quoique l'observation en fût constatée par plusieurs jugemens. (Stockmans, décis. 95.)

Il ne faut pas même sortir du territoire du chef-lieu de Valenciennes, pour trouver un exemple d'une pareille proscription. L'art. 66 de la très-ancienne coutume, rédigée en 1534, autorisait, pour toute cette partie du Hainaut, la pratique que l'on prétend s'être conservée au Quesnoy. Il portait expressément « qu'une personne puissante de » vendre, pouvait charger son heritage situé >> en ladite ville, banlieue et chef-lieu d'i

» celle, de rente héritière et à rachat par » déshéritance, pour en adhériter celui vers » lequel ladite rente se constituerait, et pour, » sur icelui héritage, prendre et avoir cha >> cun an icelle rente, et à défaut de paie» ment de trois termes, par ajour, Clain » et loi, être mis et établi à l'héritage, pour » à lui appartenir, de telle condition » dite rente faisant auparavant ». L'ancienne coutume, homologuée en 1540, n'abrogea ni ne confirma cette disposition; et d'abord on inféra du silence qu'elle avait gardé sur ce point, que l'intention du legislateur était de la laisser subsister.

que

la

Cette opinion, qui était encore en vigueur au commencement du 17e siècle, donna lieu à une sentence du siége échevinal de Beaurepaire, par laquelle le débiteur d'une rente constituée fut débouté de la demande en nullité de la commise à laquelle son héritage avait été déclaré soumis, faute par lui d'avoir payé trois termes d'arrérages dont il était redevable. Mais, sur l'appel porté au grand conseil de Malines, arrêt intervint, le 24 décembre 1605, qui, sans avoir égard à l'usage observé depuis si long-temps dans le chef-lieu de Valenciennes, infirma la sentence, condamna le créancier à abandonner TOME IV.

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l'héritage dont il s'était mis en possession, et ne lui réserva que le droit d'en poursuivre le décret.

Cet arrêt occasiona de grands mouvemens dans la province: on voulut s'en prévaloir pour faire annuler toutes les commises prononcées jusqu'alors. Les troubles auxquels cette prétention donna lieu, obligèrent le magistrat de Valenciennes de demander aux archiducs Albert et Isabelle la confirmation de toutes les commises antérieures à cet arrêt, et la nullité de toutes celles qui auraient pu être prononcées depuis, ou qui pourraient l'être à l'avenir pour rentes constituées.

les archiducs leur accordèrent le premier Par lettres patentes du 26 novembre 1612, point; et avant de rien statuer sur le second, ordonnérent que la coutume de Valencien nes serait rapportée au conseil privé de Bruxelles, pour y être réformée.

La nouvelle coutume, qui fut en conséquence homologuée en 1619, nous fait voir que ce second point fut alors accordé, comme l'avait été le premier, en 1612; car en bornant, par l'art. 42, le créancier d'une rente constituée, dont le débiteur est en retard,

au droit de demander le décret du fonds

chargé de cette rente, elle proscrit bien virtuellement l'usage d'adjuger au créancier la propriété de ce fonds, à titre de commise; et je vois, par d'anciennes notes manuscrites que le magistrat de Valenciennes l'a ainsi juge, le 11 juillet 1630, en donnant charge exerce à la poursuite du nommé Labbe, pour d'enquête sur un Clain de rétablissement laquelle était hypothéqué un héritage situé une rente constituée de 87 livres 10 sous, à

à Anzin.

Ainsi, la prétendue pratique de Quesnoy est doublement abusive, par son opposition

à l'équité la plus frappante et à la loi la plus

précise.

[[ VII. Toutes les dispositions de la coutume de Valenciennes, que l'on vient de parcourir et de discuter sont abrogées par l'art. 7 de la loi du 30 ventóse an 12.

Mais ne conservent-elles pas encore leur autorité pour les baux à rente qui ont été faits sous l'empire de cette coutume? V. Commise emphyteotique, no 2. ]]

* CLAMABLE. Ce terme, dans la coutume de Normandie, désigne un bien sur lequel on peut exercer le retrait, soit seigneurial, soit lignager ou conventionnel. V. Clameur. (M. GUYOT.) *

* CLAMANT. Dans quelques coutumes, ce terme désigne le demandeur; et dans quelques

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