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positions, surtout de la disjonctive ou, que l'emphyteote et tout autre seigneur foncier ont les mêmes priviléges que le seigneur Censuel. Cependant il n'en est rien : le Cens seul emporte lods et ventes et amende; seul il jouit de l'imprescriptibilité; et même ce principe est porté si loin, que, s'il arrive que la concession d'un héritage ait été faite à la charge d'un Cens et d'un surcens; procé dant de la même cause, établi par le même contrat, payable au même jour, au même lieu que le Cens, le sur-cens ne participera cependant à aucun des priviléges attachés au Cens. On ne peut néanmoins rien de plus formel que la disposition de la coutume: elle assimile en tout le Cens à la rente foncière. Il y aurait bien des choses à répondre; on se contentera de dire qu'il est vraisemblable que ces expressions ont échappé aux réformateurs; d'ailleurs, la rubrique du titre ne porte que des Censives et droits seigneuriaux, et non des rentes foncières; et suivant une maxime de droit, à rubricá de jure licet argumentari et interpretationem sumere.

S. VII. Division du Cens.

Nous venons de parler du Cens et du surcens; il paraît donc qu'il y a des Cens de plusieurs espèces; ainsi il faut les distinguer.

On trouve fréquemment dans les anciennes chartes, ces expressions chef-cens, menuCens, gros-cens, croix-de-cens, sur-cens. Y a-t-il en effet différentes sortes de Cens? Non le Cens est toujours le même, c'est toujours une prestation seigneuriale, comme on l'a dit plus haut ; et ces dénominations ne désignent que les variétés qui peuvent résulter des titres d'acensement. Ainsi, lorsqu'un fonds est acense moyennant dix sous de Cens et sur-cens, moyennant dix sous de gros-cens et croix-de-cens, ces expressions n'influent en rien sur la nature de la redevance: elle n'est ni plus ni moins censuelle, que si l'on s'était servi simplement de ces mots, dix sous de Cens.

Mais il n'est pas rare de trouver dans les titres cette clause, un sou de Cens et dix sous de gros-cens, sur-cens ou croix-de-cens. Voilà deux prestations bien distinctes: jouis. sent-elles également des prérogatives du Cens? Dumoulin distingue : aut secundum onus est appositum in augmentum primi, et utrumque est unus et idem Census: aut secundum onus est appositum tanquam separatum per se, et tunc verè non est Census, sed reditus fundiarius. Dans ce cas, cette prestation, quoique désignée sous la dénomination de sur-cens, n'emporte cependant ni saisine ni amende;

en sorte que le seigneur n'a, pour l'exiger, qu'une action ordinaire.

Il est difficile de donner une règle sûre et générale pour distinguer, dans tous les cas, si le sur-cens est in augmentum primi ou se paratum per se; tout ce que l'on peut dire de plus certain, c'est qu'à moins que l'identité du Cens et du sur-cens ne résulte clairement des termes de l'acte, il faut toujours ranger ce dernier dans la classe des rentes foncières, comme les moins onéreuses:pro libertate respondendum est.

Il arrive souvent qu'une concession est faite moyennant dix sous de Cens et de rente copulativement : dans ce cas, l'addition de la rente au Cens n'altère point la nature de ce dernier; que, dans l'ordre grammatical, ik précède ou suive la rente, peu importe; et les dix sous se paieront au seigneur tant comme Cens que comme rente foncière, cependant avec toutes les prérogatives du Cens.

Il nous reste encore une observation à faire sur le mot croix-de-cens : quelques auteurs l'ont regardé comme désignant un sur-cens, pensant qu'il était synonyme à incrementum ; c'est une erreur, cette dénomination provient de l'empreinte de la petite monnaie d'autrefois qui, jusqu'au règne de François Ier, a toujours été marquée d'une croix.

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Le seigneur féodal peut se jouer de son fief; il peut en donner une partie en arrièrefief: le preneur à emphyteose peut céder à la même charge le fonds emphyteotique. Il paraît donc que le Censitaire doit jouir du même privilége, et qu'il peut donner le fonds Censuel à la charge, envers lui, d'un Cens seigneurial.

Cette conséquence, toute naturelle qu'elle paraît, est cependant rejetée par les auteurs, et avec raison. Les coutumes donnent au seigneur une permission expresse de se jouer de son fief, et elles défendent, au moins tacitement, au Censitaire de se jouer du fonds Censuel. Il est vrai que l'emphyteote peut donner à emphyteose; mais les auteurs s'accordent à dire que la seconde concession n'a pas les mêmes

prérogatives que la première, qu'elle n'em- ment des Bouches-du-Rhône, tendant à être porte pas les lods et ventes; en sorte que ce n'est déchargés des rentes imposées sur leurs proautre chose qu'une rente foncière établie sous la priétés, sises aux quartiers de Deffant et dénomination de canon emphyteotique. Or, Valeras, au profit du chapitre de l'église il est permis au Censitaire d'en faire autant; d'Aix, et appartenant maintenant à la répuil peut donner le fonds Censuel à la charge blique, comme étant lesdites rentes, méland'une rente foncière envers lui; mais cette gées de féodalité; subsidiairement, à obtenir rente ne sera point seigneuriale; elle n'emla remise des arrérages, jusques et compris portera ni lods et ventes, ni saisine, ni l'an 11, attendu la persuasion où ils ont dû amende. S'il arrive que ce Censitaire, igno- être que ces rentes étaient supprimées par la rant ses droits, ou voulant en franchir les loi du 17 juillet 1793 et autres subséquentes; bornes, cède l'héritage qu'il tient à Cens, à la charge expresse d'une rente seigneuriale envers lui, l'aliénation sera valable, parcequ'il peut disposer d'un fonds patrimonial; mais la rente qualifiée seigneuriale, sera réduite aux termes d'une simple rente foncière.

Encore un mot : le Censitaire est sur la dernière ligne de la dépendance féodale, et il ne dépend pas de lui d'en étendre les limites; d'ailleurs, le même héritage ne saurait être tenu en Censive de deux seigneurs différens. Enfin, il est contre l'ordre naturel des choses d'établir des droits seigneuriaux sur un fonds roturier.

[[Ainsi, les rentes créées avant 1789 sous la dénomination de Cens seigneuriaux, au profit de propriétaires qui ne possédaient qu'en vertu de baux à Cens, des fonds sur lesquels ils les ont réservées, ne sont pas comprises dans l'abolition des rentes seigneuriales et des Cens seigneuriaux, prononcée par la loi du 17 juillet 1793; et c'est ce qu'ont en effet jugé plusieurs arrêts de la cour de cassation, qui sont rapportés dans mon Recueil de Questions de droit, aux mots Rente foncière, §. 13. Cependant V. le n° suivant.

II. A l'égard du propriétaire du franc-alleu roturier, il est bien constant que le bail à Cens qu'il en a pu faire, ne vaut que, ou comme bail à rente foncière, ou comme bail emphyteotique; et de là, il suit que la redevance qu'il s'est réservée par cet acte, n'est pas abolie par la loi du 17 juillet 1793. C'est ce que j'ai établi dans mon Recueil de Questions de droit, aux mots Rente foncière, S. 14; et c'est ce que décide formellement un décret du 25 nivôse an 13, dont voici les termes :

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» Vu aussi la déclaration du 2 janvier 1769, et le jugement du tribunal civil du département des Bouches-du-Rhône, du 19 germinal

an 7;

» Le conseil-d'état entendu, décrète :

» Art. 1. Les redevances, originairement imposées au profit du chapitre de l'église d'Aix, sur les héritages dont il s'agit, continueront d'être servies comme redevances emphyteotiques, et sans la charge des lods et demi-lods, qui y avait été ajoutée indûment et sans titre par les bailleurs.

» Art. 2. Il ne sera fait néanmoins aucune poursuite pour le recouvrement des ariérages échus jusqu'au 1er vendémiaire an 12, desdites redevances.

» Art. 3. Le ministre des finances est chargé de l'exécution du présent décret ».

Et il ne faut pas croire qu'à ce décret soit contraire celui qui est inséré dans le bulletin des lois, sous la date du 30 frimaire an 12; on verra, dans un plaidoyer, rapporté à l'article Franche-aumône, que ce décret a prononcé sur une toute autre question.

Mais que doit-on décider, relativement aux Cens réservés comme seigneuriaux, sur les francs-alleux roturiers, régis par la coutume d'Auvergne? Cette question s'est présentée dans l'espèce suivante.

Le 7 septembre 1756, Antoine-Joseph Huguet de Goelle, propriétaire d'une pièce de terre et d'un petit pré situés dans la justice de Vertaison, coutume d'Auvergne, qu'il déclare être francs, quittes et allodiaux de tous Cens envers tous seigneurs, les cède et abandonne à Alari et Antoine Jaffeux, père et fils, moyennant huit quartons de froment de Cens et directe seigneurie que Cens emporte, usage de chevalier, tiers deniers de lods et ventes.

En 1777, le prieur commandataire de Saint-Claustre de Chauziat, muni d'une reconnaissance Censuelle, du 8 décembre 1502, fait assigner Alari et Antoine Jaffeux, en paiement d'un Cens imposé sur le petit pré qu'il détiennent.

Ceux-ci dénoncent ces poursuites à An

toine-Joseph Huguet, qui reconnaît et acquitte des vices articulés par les lois suppressives

à leur décharge, jusqu'en 1792, la redevance énoncée dans la déclaration de 1502.

Alari et Antoine Jaffeux, de leur côté, et après eux Marguerite Charliat, femme Poisson, et Antoinette Place, veuve Bouchel, qui leur succédent, continuent de payer à Antoine-Joseph Huguet, jusqu'à la publication de la loi du 17 juillet 1793, les huit quartons de froment qu'il s'est réservés par l'acte du 7 septembre 1756.

Mais à cette dernière époque, regardant cette redevance comme abolie, ils cessent de l'acquitter.

Le 23 pluviose an 11, Joseph-Augustin Huguet, fils et héritier d'Antoine - Joseph, les fait assigner au tribunal civil de Clermont

Ferrant.

Le 11 fructidor an 12, jugement contradictoire qui, «< Attendu, que par l'acte du 7 » septembre 1756, Antoine-Joseph Huguet » de Goelle, père du demandeur, a stipulé » des auteurs des défendeurs, un Cens, avec » tous les droits de directe seigneurie sur les » terre et pré dont il s'agit; que, par l'art. 1er » de la loi du 17 juillet 1793, tous les Cens et >> redevances ci-devant seigneuriales sont abo»lis sans indemnité.... ; déboute le demandeur » de sa demande et le condamne aux dépens ». Le sieur Huguet appelle de ce jugement; et le 13 pluviose an 13,

« Attendu que l'un des héritages compris au bail à Cens du 7 septembre 1766, était déjà tenu à Cens du prieur de Chauziat, par le sieur Huguet;

» Que l'autre était possédé par lui à titre de franc-alleu roturier;

» Que ces deux héritages étaient placés dans la justice de Vertaison;

» Qu'il n'est pas établi que Huguet, concedant, fût possesseur de fief, et encore moins que les héritages concédés formassent une dépendance d'un fief à lui appartenant;

» Que celui qui jouit à titre de Cens ou de franc - alleu roturier, ne peut pas se créer à lui-même une redevance féodale, en concédant sa propriété, soit Censuelle, soit allodiale; et qu'il ne lui est pas permis de s'établir seigneur de fief de sa propre autorité; » Qu'aux termes de la loi du 18 décembre 1790, l'on doit distinguer les redevances dites seigneuriales par le titre, d'avec les redevances réellement seigneuriales;

» Qu'enfin, il n'y a, ni dans la personne du concédant par le titre de 1756, ni dans l'objet concédé, aucune prééminence féodale; que l'image ne peut pas produire l'effet de la réalité; et qu'ainsi, ce titre n'est pas empreint

des 25 août 1792 et 17 juillet 1793;

» La cour (d'appel de Riom) dit qu'il a été mal jugé....; émendant, condamne les intimés, comme détenteurs des héritages compris dans l'acte du 7 septembre 1756, à payer à l'appelant, comme rente purement foncière, les cinq dernières années d'icelles antérieures à la demande et les années qui ont couru pendant la litispendance..., et à continuer à l'avenir le paiement de ladite rede

vance..... ).

Recours en cassation de la part de Jean Poisson, de Marguerite Charliat, son épouse, et de la Ve Bouchel.

« Ce recours (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 21 brumaire an 14) est fondé sur divers moyens que l'on peut réduire à trois propositions :

deurs de les admettre à prouver, 1o que le » La première, qu'en refusant aux demanpré sur lequel le prieur de Chauziat avait, en 1777, réclamé un droit de Cens, n'était pas le même pré que le sieur Huguet père avait concédé en 1756, à Jaffeux père et fils; 2o que le sieur Huguet père était seigneur du fief de Goelle et d'une partie du fief de violé l'art. 1 du tit. 20 et l'art. 8 du tit. 21 Verdonnet; la cour d'appel de Riom a de l'ordonnance de 1667;

serait une identité parfaite entre le pré assu» La seconde, que, quand même on suppojetti à un Cens envers le prieur de Chauziat, et le pré concédé aux nommés Jaffeux par le sieur Huguet père, il resterait toujours que le Cens réservé par celui-ci, aurait formé dans sa main un sur-cens; et que ce sur-cens aurait été supprimé par la loi du 17 juillet 1793;

» La troisième, qu'en tout cas, le Cens réservé par le sieur Huguet père, était incontestablement seigneurial, quant à la pièce de terre concédée en même temps que le petit pré; que cela résulte des art. 1 et 2 du tit. 31 de la coutume d'Auvergne; qu'ainsi, en maintenant cette redevance, la cour d'appel a violé tout à la fois et la coutume d'Auvergne et la loi du 17 juillet.

» De ces trois propositions, il y en a une qui ne peut pas nous arrêter long-temps; c'est la première.

» D'une part, en effet, ni l'art. 1 du tit. 20, ni l'art. 8 du tit. 21 de l'ordonnance de 1667, ne contiennent les dispositions que leur prêtent les demandeurs. L'art. 1 du tit. 20 se borne à ordonner que les faits qui gissent en preuve, soient succinctement articulés, et il

ne porte pas la peine de nullité contre tout jugement qui n'admet pas une partie à la preuve des faits qu'elle a articulés succinctement. L'art. 8 du tit. 21 se borne à dire que les jugemens qui ordonneront que les lieux et ouvrages seront vus, visités, toisés ou estimés par experts, feront mention expresse des faits sur lesquels les rapports devront être faits, du juge qui sera commis, etc.; et non-seulement il n'attache la peine de nullité à l'omission d'aucune des choses qu'il prescrit, mais il ne détermine même pas quelles sont les circonstances où il doit être ordonné que des lieux ou ouvrages seront vus par des experts.

» D'un autre côté, les demandeurs n'avaient pas nié précisément l'identité du pré qu'ils détiennent, avec celui qui avait été autrefois tenu à Cens du prieur de Chauziat; ils avaient seulement jeté sur ce point de fait quelques doutes, qui, certes, n'équivalaient pas à une offre positive de preuve. Et quant à la prétendue qualité de seigneur des fiefs de Goelle et de Verdonnet, qu'ils attribuaient au sieur Huguet père, comment auraient-ils pu être admis à la prouver? Il eût fallu pour cela qu'ils articulassent que les héritages concédés à leurs auteurs par le sieur Huguet père, dépendaient de l'un ou de l'autre de ces prétendus fiefs; et c'est ce qu'ils ne faisaient pas.

» La deuxième proposition des demandeurs ne présente pas plus de difficulté. Sans doute, le petit pré concédé à leurs auteurs en 1756, étant déjà, à cette époque, tenu à Cens du prieur de Chauziat, le Cens que le sieur Huguet père s'y est alors réservé, n'a pu être dû que comme sur-cens; mais vouloir inférer de là qu'il a été aboli par la loi du 17 juillet 1793, c'est un vrai paradoxe.

» On a beau dire que la loi du 17 juillet 1793 supprime même les droits féodaux et Censuels qui avaient été maintenus par celle du 25 août 1792, et que la loi du 25 août 1792 mettait le sur-cens au rang des droits féodaux et des redevances seigneuriales qu'elle maintenait, lorsqu'ils étaient fondés sur des titres constitutifs. Tout ce qui résulte de là, c'est qu'il y avait des sur cens qui tenaient à la féodalité; et en effet, dans les pays de droit écrit, on considérait comme seigneuriales toutes les redevances qui, dans une concession faite par un seigneur, avaient été stipulées en même temps que le Cens et par addition au Cens même. Mais dans aucun temps, dans aucun pays, on n'a réputé seigneuriale une redevance que le censitaire primitif se réservait, en transférant à un tiers

l'héritage qu'il avait pris à Cens de son seigneur direct: partout et en tout temps, les redevances ainsi constituées ont été réputées simples rentes foncières; et c'est précisément pour le maintien de ces redevances, qu'a été fait l'art. 2 de la loi du 17 juillet 1793.

» A des notions aussi élémentaires, aussi triviales, qu'opposent les demandeurs? L'art. 17 du chap. 17 de la coutume d'Auvergne. « D'après cet article, disent-ils, on reconnais»sait en Auvergne des seigneurs purement » Censiers, en même temps que des seigneurs » directs. Ici, le prieur de Chauziat aurait » été le seigneur direct; mais le seigneur Hu» guet aurait été le seigneur Censier: la pres»tation imposée par celui-ci, n'aurait pas » moins été féodale; et puis, les lois ont sup» primé, non-seulement les droits féodaux, > mais encore les droits Censuels. La coutume » dit que Cens sur Cens n'a lieu; mais elle con» serve le sur-cens par l'effet de la prescrip» tion; et alors ce n'est pas le plus ancien » seigneur, c'est le nouveau qui le perçoit. » Il faut donc bien que le sur-cens soit dû au >> nouveau seigneur, selon sa nature, et par » conséquent à titre féodal; car si le nouveau » seigneur ne pouvait pas le réclamer à titre » féodal, à quel autre titre le réclamerait-il ? » Par lui-même, un Cens ne peut pas subsis» ter avec un autre Cens ».

» Si tel était véritablement le résultat des dispositions de la coutume d'Auvergne concernant le sur-cens, il faut en convenir, ces dispositions contrasteraient d'une manière bien choquante, par leur absurdité, avec toutes les idées reçues généralement sur cet objet. Mais, gardons-nous de faire à la mémoire des rédacteurs de cette coutume, une injure qu'ils n'ont pas méritée.

» Par l'art. 4 du chap. 20, la coutume déclare que Cens sur Cens n'a point de lieu sans le consentement du seigneur direct; et que si, de fait un sur-cens est stipulé par le Censitaire, sans que le seigneur direct y ait consenti, le seigneur direct peut le confisquer à son profit, en obtenant à cet effet un jugement qui en prononce la confiscation. Ainsi, dans cette coutume, le preneur à Cens d'un héritage ne peut pas, de son autorité privée, le bailler à rente foncière; il ne le peut qu'avec le consentement du seigneur direct qui lui en fait la concession. Mais s'il obtient ce consentement, à quel titre jouira-t-il de la rente foncière qu'il se sera réservée en aliénant l'immeuble qu'il tenait lui-même à Cens? En jouira-t-il comme d'un Cens? Non, certes, la coutume ne le dit pas; et ce serait fouler aux pieds tous les princi.

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pes, que d'ajouter à son texte une disposition aussi bizarre.

>> Eh bien! ce qu'opérerait le consentement exprès du seigneur direct à ce que son Censitaire, en alienant son héritage, s'y réservat une rente foncière, la prescription, quisuppose toujours un consentement tacite, l'opére également. Si le seigneur direct laisse écouler 30 ans sans réclamer contre le bail à rente fait par son Censitaire, le bail à rente conserve tout son effet; le Censitaire-bailleur reste propriétaire incommutable de la rente foncière qu'il s'est réservée; mais comme le consentement tacite ne peut pas avoir plus d'efficacité que le consentement formel, cette rente ne devient pas, pour cela, une rente Censuelle par rapport au Censitaire-bailleur qui l'a stipulée; elle n'est toujours pour lui qu'une prestation foncière; et il ne devient pas, pour cela, seigneur du fonds qui lui doit cette rente en même temps qu'il doit un Cens au bailleur primitif; c'est toujours dans les mains du bailleur primitif que réside la seigneurie du fonds. Tel est le vœu de l'art. 17 du tit. 17: Combien que Cens sur Cens n'ait lieu par la coutume du pays, toutefois ledit sur-cens se peut prescrire par le laps et espace de 30 ans; mais la directe seigneurie demeure et appartient au premier seigneur direct.

>> Voilà tout ce que dit la coutume, et, comme vous le voyez, messieurs, il s'en faut beaucoup qu'elle ait adopté cette étrange dis tinction qu'imaginent les demandeurs, entre le seigneur Censier et le seigneur direct; il s'en faut beaucoup qu'elle élève le Censitaire qui baille son fonds à rente, au rang de seigneur Censier.

» Et de là il suit évidemment qu'en ce qui concerne la rente foncière que le sieur Huguet s'était réservée, sous la dénomination de Cens, sur le petit pré compris dans l'acte du 7 septembre 1756, la cour d'Appel de Riom a fait une très-juste application de la maxime consacrée par plusieurs de vos arrêts, que l'on doit considérer comme purement foncière, et par conséquent comme maintenue par l'art. 2 de la loi du 17 juillet 1793, toute redevance stipulée, même avec la qualifica. tion de Cens ou de rente seigneuriale, par le bailleur d'un héritage déjà grevé d'un Cens envers un seigneur direct.

» Reste la troisième proposition des demandeurs, et nous devons dire qu'elle se présente sous des dehors plus spécieux que les deux premières.

>> La coutume d'Auvergne était bien constamment allodiale : c'est l'opinion de tous

ses commentateur; c'est la jurisprudence de tous les anciens tribunaux; c'est un point reconnu et proclamé, dans les termes les plus précis, par l'arrêt de la cour du 24 vendémiaire an 13, rendu au rapport de M. Ruperou, et sur nos conclusions, en faveur des sieur et dame Delasalle, ci-devant seigneurs de Blanzat.

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>> Le sieur Huguet, père, est donc censé avoir, avant l'acte du 7 septembre 1756, possédé allodialement la pièce de terre sur laquelle est, en grande partie, assise la redevance qu'il s'est réservée par cet acte. Et non-seulement c'est ainsi qu'il est présumé l'avoir possédée jusqu'alors, c'est encore ainsi qu'il a luimême déclaré, par cet acte, la posséder réellement.

» Mais, cela posé, en se réservant, sur cette pièce de terre, le Cens mentionné dans l'acte du 7 septembre 1756, le sieur Huguet n'est-il pas devenu, de plein droit, seigneur direct de cette pièce de terre? Et le Cens qu'il s'y est réservé, n'est-il pas devenu seigneurial de plein droit ? N'eût-il même pas été seigneurial, dans le cas où l'acte du 7 septembre 1756 serait resté muet sur sa qualité ?

» L'affirmative paraît, au premier abord, incontestable; et l'art. 2 du chap. 31 de la coutume d'Auvergne semble la justifier d'une manière sans réplique: Celui, porte-t-il, qui acquiert Cens ou rente sur héritage quitte et allodial, il acquiert la directe seigneurie, posé que de la directe ne soit fait aucune mention.

» Cependant observons une chose essentielle : c'est que, dans cet article, la coutume attache à la réserve d'une simple rente sur un fonds allodial que l'on concède, le même effet que la réserve d'un Cens : qui acquiert Cens ou rente sur héritage quitte et allodial; qu'ainsi, pour acquérir, ou plutôt pour se réserver la directe seigneurie d'un heritage allodial, il n'est pas nécessaire, en le concé dant, d'y retenir un Cens, et qu'il suffit d'y retenir une rente quelconque, soit en argent, soit en denrées ou en portions de fruits.

» D'après cette donnée, l'argument que tirent ici les demandeurs de l'art. 2 du ch. 31 de la coutume, se trouve évidemment n'être que la répétition de celui qu'on opposait aux sieur et dame Delasalle, dans l'affaire jugée à leur avantage, par l'arrêt de la cour, du 24 vendémiaire an 13.-La coutume d'Auvergne, leur disait-on, est allodiale; donc, en Auvergne, point de seigneur sans titre; donc vous possédiez comme allodiaux, avant la concession que vous nous en avez faite, les héritages sur lesquels vous réclamez le droit de persière ou champart, qui en a été le prix;

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