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pas lorsqu'elles traitaient en l'an 12; que leur transaction, renfermée dans son objet, est étrangère à la question actuelle ;

» Que les parties prétendent mutuellement tirer avantage des sacrifices qu'elles disent avoir faits dans cette transaction; mais que la cour n'a point à s'occuper de leurs réclamations particulières; qu'elles doivent d'abord faire juger leur contestation au fond; que, si la demande de la dame Girault était accueillie, ce serait alors que chacune d'elles aurait à faire valoir ses prétentions à l'effet de déterminer ce qui devrait former la réserve ». S. II. Le jugement rendu contre un créancier exerçant les droits de son débiteur, en vertu d'une ordonnance de justice qui l'y autorisait, a-t-il force de Chose jugée contre le débiteur lui-même ?

V. le plaidoyer et l'arrêt du 15 avril 1806, rapportés à l'article Cassation, §. 8.

S. III. Peut-on, d'un jugement rendu au profit d'un enfant, en qualité d'héritier de sa mère, tirer une exception de Chose jugée qui paralyse l'action intentée contre lui en qualité d'héritier de son père?

Non; car, pour qu'il y ait lieu à l'exception de Chose jugée, il faut, suivant les lois 12, 13 et 14, D. de exceptione rei judicatæ, le concours de trois choses: Idem corpus, eadem causa petendi et eadem conditio personarum. L'art. 1351 du Code civil dit la même chose.

Le 18 février 1741, Hugues Lostanges, agissant comme époux de Marie-Marguerite Caussanet, vend au sieur Bussière le domaine de Combrecave.

En 1785, le sieur Lostanges, fils du vendeur, à la succession duquel il a renoncé, forme, en qualité d'héritier de Marie-Marguerite Caussanet sa mère, une demande en délaissement de ce domaine. Le sieur Bussière, petit-fils de l'acquéreur, défend à cette demande, et la fait rejeter par une sentence de la sénéchaussée de Figeac, du mois de janvier 1787. Mais sur l'appel, arrêt d'expédient, du 2 mai 1788, qui adjuge le domaine au sieur Lostanges; et le lendemain, transaction qui, en exécution de cet arrêt, liquide les droits respectifs des parties.

En 1793, le sieur Lostanges rétracte sa renonciation à la succession de son père, et se déclare héritier de celui-ci. Informé de ce changement, le sieur Bussière se pourvoit contre le sieur Lostanges, et demande qu'attendu qu'en acceptant la succession de son père, il a renoncé au bénéfice de l'arrêt et de la

transaction des 2 et 3 mai 1788, il soit condamné à lui rendre le domaine de Combrecave. La cause portée, par appel, au tribunal civil du département de Lot et Garonne, jugement y intervient, le 5 prairial an 5, par lequel le sieur Bussière est déclaré non-recevable dans sa'demande, comme contraire à l'arrêt et à la transaction. Mais, sur le recours en cassation formé contre ce jugement, arrêt du 7 messidor an 7, qui,

« Vu les lois 12, 13 et 14, D. de exceptione rei judicatæ, l'art. 5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, l'art. 1 du titre 35 de la même ordonnance, et l'ordonnance du mois d'avril 1560;

» Considérant que, dans le procès terminé par l'arrêt d'expédient du 2 mai 1788 et la transaction du lendemain, Lostanges, procédant comme héritier de sa mère, n'exerçait que les droits de sa mère; que, dans le second procès jugé par les tribunaux civils des départemens de Lot et de Lot Garonne, Lostanges n'ayant été actionné et n'ayant agi qu'en qualité d'héritier de son pere, n'a exercé que les droits de son père; que les parties entre lesquelles l'arrêt d'expédient et la transaction étaient intervenus, ne procédaient donc point ici en la même qualité que dans le premier procès ; qu'ainsi, en admettant en faveur de Lostanges, héritier de son père, l'exception de la Chose jugée et transigée avec lui, comme héritier de sa mère, le tribunal civil du département de Lot et Garonne a fait une fausse application des lois romaines et des dispositions de l'ordonnance de 1667, relatives à la Chose jugée, et de l'ordonnance de 1560, relative aux transactions;

» Par ces motifs, casse et annulle.... ». §. IV. Le débiteur qui a été condamné à payer, suivant l'offre qu'il en avait faite, sous la condition d'étre remboursé, en cas qu'il retrouvát la preuve que la somme n'est pas due, peut-il, lorsqu'ayant retrouvé cette preuve, il assigne le prétendu créancier, en restitution de la somme payée indúment, étre écarté par l'exception de Chose jugée ? Un arrêt de la cour de cassation, du 24 frimaire an 10, a rejeté la demande du sieur Grisart, en cassation d'un jugement qui avait décidé pour la négative; et il a motivé le rejet de cette demande, sur ce que « l'action en » restitution formée contre Grisart, n'avait » pour but que le remboursement d'une » somme payée pour double emploi, et non » la réformation du jugement rendu à son >> profit ».

§. V. Les légataires particuliers qui n'ont pas été parties dans l'instance en nullité du testament, sont-ils liés par le jugement qui a, contradictoirement avec le légataire universel, déclaré le testament nul?

V. le plaidoyer et l'arrêt du 28 brumaire an 14, rapportés à l'article Ministère public, S. 6, no 4.

S. VI. Lorsqu'après avoir parcouru les tribunaux à qui n'en appartenait pas la connaissance, mais qui sont devenus compétens par prorogation tacite, une cause arrive devant le tribunal qui s'en trouve le juge naturel, ce tribunal peut-il écarter, comme dénués d'une autorité légitime, les jugemens rendus en dernier ressort par les tribunaux précédemment saisis, qui en ont décidé quelques questions incidentes ou préjudicielles, et statuer sur ces questions, comme si elles étaient encore entières?

La négative est établie dans mon Recueil de Questions de droit, aux mots Chose jugée, S. 3.

§. VII. Lorsque, dans une instance relative à un objet sur lequel il avait été transigé précédemment, l'une des parties a demandé que la transaction fut déclarée nulle quant à cet objet, sans que l'autre ait, à son tour, conclu à ce qu'en ce cas, la transaction füt annullée pour le tout; le jugement qui déclare purement et simplement la transaction nulle, et en conséquence adjuge à la partie réclamante les fins de sa demande, est-il censé annuller la transaction dans tous ses autres points?

Non. V. ibid., aux mots Main morte (droit de), S. 2.

S. VIII. L'autorité de la Chose jugée cesse-telle, lorsque, postérieurement au jugement à qui elle est acquise, il survient une loi interprétative de laquelle il résulte que ce jugement a été mal rendu ?

Non. V. ibid., aux mots Chose jugée, §. 8. S. IX. En plaidant sur l'exécution d'un jugement avec des personnes qui n'étaient point parties dans l'instance sur laquelle il a été rendu, se prive-t-on du droit de leur opposer que ce jugement leur est étranger? Lorsqu'un jugement a été rendu avec une partie des héritiers d'un défunt, et en leur faveur, ceux des héritiers qui n'étaient pas en nom dans l'instance, peuvent-ils s'en prévaloir, et l'opposer comme Chose jugée à celui contre lequel il a prononcé?-Celui

.

qui a plaidé pour se faire adjuger la propriété d'un fonds et qui en a été débouté, peut-il, par action nouvelle, demander, en vertu d'un autre titre, l'usufruit de ce même fonds?

V. ibid., aux mots Chose jugée, §. 9, un arrêt du 21 vendémiaire an 11, qui, sur les deux premières questions, juge pour la négative, et qui adopte l'affirmative sur la troisieme.

§. X. Pour écarter l'exception de Chose jugée, tirée mal à propos d'un jugement dans lequel on n'a pas été partie, est-il absolument nécessaire de former une tierce-opposition à ce jugement?

V. Curateur, S. 2; Opposition (tierce), §. 6; et mon Recueil de Questions de droit, aux mots Chose jugée, §. 11.

S. XI. Le jugement qui a prononcé sur la nature d'une portion d'un bien, a-t-il, pour l'autre portion du même bien, l'autorité de la Chose jugée ?

V. le §. 17 ci-après, et le plaidoyer, ainsi que l'arrêt du 25 thermidor an 13, rapportés

à l'article Franche-aumóne.

§. XI bis. 1o. Quel est, sous le rapport de l'autorité de la Chose jugée, en ce qui concerne la preuve et la légitimité d'une créance, l'effet d'un jugement qui colloque un créancier dans un ordre, mais pour le paiement intégral duquel les fonds à distribuer ne suffisent pas? —2o. Le jugement qui, dans l'ordre du prix d'un bien, a privé un créancier de son rang légitime, a-t-il, contre ce créancier, qui n'en a pas appelé en temps utile, l'autorité de la Chose jugée dans la nouvelle distribution qui se trouve ensuite à faire des deniers devenus libres par l'annullation ou la réduction de collocations antérieures du même ordre?

– 3o. A-t-il l'autorité de la Chose jugée contre le même créancier, dans l'ordre du prix d'un autre bien?

I. La première de ces questions est traitée à l'article Ordre des créanciers, §. 8.

II. La seconde et la troisième se sont présentées, et je les ai traitées dans l'espèce suivante :

Le 16 thermidor an 9, vente par expropriation forcée, devant le tribunal de première instance de Mortain, d'un domaine saisi sur le sieur Collet de Saint-James. L'adjudication est faite aux sieurs de Bachelier d'Ages et d'Inglemare, pour 600,000 francs.

Le 1er frimaire an 10, ouverture du procèsverbal d'ordre. Dans la foule des créanciers qui se présentent, il faut remarquer, 1o la dame Sevin, réclamant une créance de 110,000 francs; 2o le sieur de Bachelier d'Agès, créancier par acte notarié du 15 messidor an 6, inscrit dans le délai fixé par l'art. 37 de la loi du 11 brumaire an 7; 3o la dame de Merville, veuve d'Houdetot, créancière, tant en son nom qu'en celui de ses enfans, par un jugement du 14 messidor an 6, non inscrit, mais rappelé dans un acte notarié du 10 vendémiaire an 7, en vertu duquel seulement elle a pris une inscription dans le délai que lui accordait l'article cité de la loi du 11 bru> maire suivant.

Le 29 pluviose an 10, le tribunal de Mortain rend un jugement d'ordre.

Il colloque d'abord les créanciers privilé giés, puis les créanciers bypothécaires.

Parmi ces derniers, il colloque la dame Sevin au septième rang; il colloque ensuite d'autres créanciers, antérieurs tant au sieur de Bachelier qu'à la dame d'Houdetot.

Ces collocations faites, il ne reste à distribuer, entre le sieur de Bachelier et la dame d'Houdetot, que 9,516 francs; et voici, à cet égard, comment le tribunal prononce :

«Considérant que, par jugement du 14 messidor an 6 et par acte du 10 vendémiaire an 7, la veuve d'Houdetot est créancière, sur Collet, d'une somme de 100,000 livres de principal, avec les intérêts à 5 pour 100 sans retenue, et que lesdits titres ont été valablement inscrits tant pour le principal que pour deux années d'intérêt lors échues; mais que la somme à distribuer sera insuffisante pour la remplir de la totalité de ses demandes;

» Le tribunal ordonne que la veuve d'Houdetot, aux qualités qu'elle procède, sera revalidée sur les autres biens de Collet, pour la somme de 106,358 francs 56 centimes, à elle restant dus; ordonne pareillement que Bachelier sera revalidé, en quinzième ordre, sur les autres biens de Collet.... ».

Le 26 germinal an 10, ce jugement est signifié, par le créancier poursuivant l'ordre, à tous les créanciers colloqués ou revalidés.

Le sieur de Bachelier et la dame d'Houdetot appellent conjointement de la disposition qui colloque avant eux la dame Sevin, et de quelques autres qui, selon eux, élèvent trop haut les sommes réclamées par certains créan

ciers.

Le 15 janvier 1811, le sieur de Bachelier appelle séparément, et contre la dame d'Houdetot, de la disposition qui la colloque avant lui.

La dame d'Houdetot oppose à cet appel une fin de non-recevoir tirée de ce qu'il a été interjeté après les trois mois de la signification faite par le créancier poursuivant.

Le 6 avril 1808, premier arrêt de la cour d'appel de Caen, qui'rejette cette fin de nonrecevoir et ordonne de plaider au fond.

Le 9 juin suivant, second arrêt qui rejette de l'ordre la créance de la dame Sevin, et en réduit d'autres; « ordonne en conséquence » qu'il sera procédé à une nouvelle collocation » des sommes provenant tant des réductions » opérées par le présent, que de la colloca» tion accordée par le jugement dont est ap» pel, à la dame Sevin, et réformée par le » present; et vu le procès en priorité d'hypo>>thèque pendant en la cour entre le sieur de » Bachelier et la dame d'Houdetot, ajourne » la collocation et distribution desdites som

»mes ».

Le 27 du même mois, troisième arrêt qui accorde au sieur de Bachelier la priorité sur la dame d'Houdetot.

Le 4 août de la même année, quatrième arrêt qui, distribuant les deniers restans, colloque le sieur de Bachelier pour la totalité de ses créances, adjuge ensuite à la dame d'Houdetot les deniers demeurant libres, et la revalide pour une somme de 33,278 francs, formant le surplus de sa créance.

La dame d'Houdetot se pourvoit en cassation contre les arrêts des 6 avril et 27 juin. Quant à l'arrêt du 4 août, elle le fait signifier elle-même au sieur de Bachelier et en poursuit l'exécution, mais sous la réserve de l'attaquer : ce qu'elle ne fait

pas.

Le 17 janvier 1809, arrêt de la cour de cassation qui «< annulle l'arrêt rendu entre les » parties par la cour d'appel de Caen, le 6 » avril 1808; et par suite, l'arrêt définitif de » la même cour, du 27 juin suivant, sans » entendre rien préjuger sur l'effet de la reva» lidation portée par le jugement d'ordre du » tribunal de Mortain, du 29 pluvióse an 10, » dans les autres ordres qui auraient pu ou » qui pourraient avoir lieu sur les biens du » sieur Collet de Sainte-James, débiteur com» mun; remet les parties au même état où » elles étaient avant l'arrêt du 6 avril; et pour » être fait droit, les renvoie devant la cour » d'appel de Rouen ».

Le 7 juillet 1810, arrêt de la cour de Rouen qui, faisant droit entre le sieur de Bachelier et le sieur d'Inglemare, cessionnaire des droits de la dame d'Houdetot par acte du 29 mars précédent, déclare le sieur de Bachelier non-recevable dans son appel de la disposition du jugement d'ordre du 29 pluvióse

an 10, par laquelle la dame d'Houdetot est juin, qui avait infirmé le jugement d'ordre du colloquée avant lui.

Le sieur de Bachelier retourne devant la cour d'appel de Caen pour faire prononcer, entre lui et le sieur d'Inglemare, sur la distribution des deniers provenans des collocations réformées par l'arrêt de cette cour, du 9 juin 1808. Mais, par arrêt du 23 février 1811, cette cour se déclare incompétente.

Le 7 mai suivant, arrêt de la cour de cassation qui renvoie les parties devant la cour de Paris, « pour y être dit droit sur les erre» mens portés en l'arrêt de la cour d'appel » de Caen, du 9 juin 1808 ».

Le 15 mai 1812, arrêt de la cour de Paris, ainsi conçu:

« Le jugement d'ordre rendu par le tribunal de Mortain, le 29 pluviòse an 10, et infirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 27 juin 1808, lequel a été cassé par arrêt de la cour de cassation du 17 janvier 1809, qui a renvoyé les parties devant la cour d'ap pel de Rouen, laquelle a jugé, par son arrêt du 7 juillet 1810, que Bachelier était nonrecevable dans son appel dudit jugement du 29 pluviôse an 10, dont il s'est désisté, a-t-il fixé, d'une manière positive et invariable, l'hypothèque de la veuve d'Houdetot et celle de Bachelier sur les deniers à distribuer provenant du prix de la vente du domaine de Mortain?

» La veuve d'Houdetot ayant été appelée, par ce jugement d'ordre du 29 pluviose an 10, à toucher 9,516 francs, par préférence à Bachelier; cette somme étant la seule qui restait à distribuer du prix du domaine de Mortain; mais l'infirmation de plusieurs dispositions qui prononçaient des collocations en faveur de plusieurs créanciers, ayant fait rentrer dans la masse à distribuer une somme de 172,077 francs 67 centimes, est-ce le cas d'ouvrir un nouvel ordre pour la distribution de cette somme, comme le prétend le sieur Bachelier? Cette nouvelle distribution n'est-elle pas, comme le prétend d'Inglemare, cessionnaire des droits de la dame d'Houdetot, la suite de l'ordre ouvert à Mortain le 1er frimaire an 10, et jugé par la sentence du 29 pluviòse suivant? Cette nouvelle distribution n'est-elle pas l'exécution de ce jugement et le complement de l'ordre arrêté par ce jugement; et les deniers rentrés à la masse, ne doivent-ils pas être remis à chacun des créanciers colloqués, suivant l'ordre qui leur a été assigné par ce jugement?

» L'arrêt de la cour d'appel de Caen, du 4 août 1808, qui a fait un nouvel ordre en exécution de l'arrêt de cette même cour du 27

29 pluviose an 10, et rejeté la collocation faite par ce jugement, pour donner à Bachelier une hypothèque antérieure à celle de la veuve d'Houdetot, doit-il subsister et recevoir son exécution, quand les arrêts des 6 avril et 27 juin 1808, dont celui du 4 août suivant n'était que l'exécution, comme le prétend d'Inglemare, ont été cassés par arrêt de la cour de cassation du 17 janvier 1809, qui a remis les parties au même et semblable état qu'elles étaient avant les arrêts des 5 avril et 27 juin 1808 ?

» La veuve d'Houdetot a-t-elle repris son rang d'hypothèque? Cet arrêt du 4 août 1808 ne doit-il pas être regardé comme non avenu, ne doit-il pas être regardé comme l'exécution des arrêts cassés ?

» La cour de Paris, saisie par l'attribution qui lui a été faite par l'arrêt de la cour de cassation du 7 mai 1811, de la connaissance de la distribution à faire, par suite de celle commencée par le jugement du 29 pluviôse an 10, changera-t-elle l'ordre des collocations arrêtées par ce jugement confirmé? Ou, sans s'arrêter aux demandes de Bachelier, ordonnera-t-elle que d'Inglemare, cessionnaire de la veuve d'Houdetot, sera payé des sommes détaillées dans ses requêtes et demandes, sur les deniers à distribuer, par privilege et préférence à Bachelier, en principaux, intérêts et frais?

» N'est-ce pas le cas d'ordonner qu'il sera délivré à d'Inglemare un bordereau de collocation desdites créances en principaux, intérêts et frais, pour être le montant d'icelui payé par les acquéreurs du domaine de Mortain en déduction de leur prix ?

» Bachelier ne doit-il pas être condamné aux dépens faits tant à Rouen qu'à Caen et en la cour, sur ladite demande, pour être, lesdits dépens taxés par un seul et même exécutoire? Ne doit-il pas être autorisé à employer ces dépens en frais et mises d'exécution de ses titres, pour en être payé par même privilége et préférence?

» La cour, faisant droit sur le renvoi de la cour de cassation prononcé par arrêt du 7 mai 1811, ensemble sur les autres demandes des parties;

» Considérant que le jugement du tribunal civil de Mortain, du 29 pluviose an 10, a prononcé sur l'anteriorité du rang de la créance de la veuve d'Houdetot ; que ce jugement est devenu définitif, au moyen de l'arrêt de la cour d'appel de Rouen qui a jugé Bachelier non-recevable dans son appel; que la distri bution à faire actuellement, ne constitue pas

un nouvel ordre; que l'arrêt de la cour d'appel de Caen, du 4 août 1808, ordonnant bordereau de collocation, est devenu sans effet par suite des dispositions de l'arrêt de la cour de cassation du 17 janvier 1809;

» Sans s'arrêter aux conclusions et demandes de Bachelier, dont il est débouté, ordonne que le jugement du tribunal de Mortain, du 29 pluviose an 10, continuera d'être exécuté, quant à la disposition qui a fixé l'antériorité de la créance de la veuve d'Houdetot sur celle de Bachelier; qu'en conséquence, par le gref. fier de la cour, il sera delivré bordereau de collocation à d'Inglemare, pour sa créance en principal, intérêts et frais, et à Bachelier sur le surplus des deniers, si surplus y a; condamne Bachelier aux dépens faits tant à Caen qu'à Rouen et en la cour, pour en être payé par même privilége et préférence ». Le sieur de Bachelier d'Agès se pourvoit

en cassation contre cet arrêt.

« Vous n'avez à examiner dans cette cause (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 29 avril 1813) qu'une seule question, celle de savoir si l'art. 1351 du Code civil est violé par l'arrêt que vous dénonce le demandeur.

» Suivant cet article, l'autorité de la Chose

jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait L'objet du jugement. Il faut que la chose de mandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la méme qualité.

» Ici, nous trouvons bien une identité parfaite entre la cause de la demande formée par le sieur de Bachelier, devant la cour de Paris, et la cause de la demande qu'il avait précédemment formée devant le tribunal de première instance de Mortain, dont le jugement du 29 floréal an 10 était passé en force de Chose jugée.

» Nous trouvons bien aussi une identité parfaite entre les parties qui avaient figuré dans l'instance terminée par le jugement du tribunal de première instance de Mortain, du 29 pluviose an 10, et les parties qui ont depuis figuré dans l'instance terminée par l'arrêt de la cour de Paris, qui vous est dénoncé.

» Mais y trouvons-nous la même identité entre la chose qui avait été demandée au tribunal de Mortain, et la chose qui a été depuis demandée à la cour de Paris? Voilà le point où gît toute la difficulté de cette affaire.

» Quelle était, devant le tribunal de Mortain, la chose demandée par le sieur de Ba

TOME IV.

chelier, d'une part, et de la dame d'Houdetot, de l'autre?

» C'était, et c'était uniquement la somme de 9516 fr. qui restait à distribuer, d'après la préférence qu'avaient obtenue sur eux les créanciers colloqués dans les treize premiers rangs.

» Quelle était, devant la cour de Paris, la chose demandée par l'une des mêmes parties et contestée par l'autre ?

» C'était la somme de 175,000 fr. qui se retrouvait à distribuer d'après la réformation que la cour d'appel de Caen avait faite, le 9 juin 1808, des dispositions du jugement d'ordre du tribunal de Mortain.

» Il n'y a donc pas d'identité entre la chose demandée successivement à Mortain et à Paris. L'arrêt de Paris n'a donc pas dû prendre le jugement de Mortain pour régle immuable.

» C'est ainsi que raisonne le sieur de Bachelier; et, comme vous le voyez, son raisonnement repose tout entier sur la supposition qu'une somme de 9516 fr. est la seule chose qui ait été en litige, entre lui et la dame d'Houdetot, devant le tribunal de Mortain.

» En admettant cette supposition, pourrait-on écarter le raisonnement du sieur de

Bachelier, par le premier motif de l'arrêt de la cour de Paris, lequel consiste à dire que le jugement du tribunal de Mortain a prononcé sur l'antériorité de rang de la créance de la veuve d'Houdetot?

» Non, car ce motif confond évidemment la cause de la demande, avec la chose demandée.

» Dans la supposition dont il s'agit, la dame d'Houdetot et le sieur de Bachelier se disputaient, devant le tribunal civil de Mortain, une somme de 9516 fr.; et dans l'état où étaient alors les collocations qui les primaient tous deux, ils ne pouvaient, devant ce tribunal, se disputer que cette somme. Cette somme était donc, pour eux, ce que l'art. 1351 du Code appelle la chose demandée.

» Pour appuyer chacun la demande qu'ils faisaient de cette somme, que disaient-ils respectivement?

» Le sieur de Bachelier disait à la dame d'Houdetot: Je dois vous primer, parceque je suis inscrit à la date du 15 messidor an 6, et que vous ne l'êtes qu'à celle du 10 vendémiaire an 7.

» La dame d'Houdetot, de son côté, disait au sieur de Bachelier: Je dois vous primer, parceque vous n'êtes inscrit qu'à la date du 15 messidor an 6, et que je suis censée l'ètre

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