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» ont cessé de l'être depuis 1661, par l'effet » de l'échange qui en a transféré la propriété » aux auteurs du cit. Chauvin, comme de » rentes simples foncières, avec réserve, de la » part du ci-devant seigneur de la Jacqueli » nière de la directe, et sur les tenemens qui » devaient lesdites parties de rentes et sur les >> parties de rentes elles-mêmes, sur lesquelles » il s'est réservé deux deniers de Cens; que les » dites parties de rentes ainsi arroturees et de» venues simples foncières, ne sont point frap»pées de la suppression prononcée par les lois » sur les droits féodaux; que l'action du citoyen » Majon contre les débiteurs desdites parties » de rentes, est une conséquence nécessaire » de l'action directe ouverte au profit du cit. » Chauvin contre le cit. Majon, en vertu, » des conventions particulières portées par » l'échange de 1661 »; la cour d'appel de Poitiers confirme le jugement dont étaient appelans Pierre Coudrin, François Coudrin et Jean Pineau.

Par un autre arrêt du même jour, rendu entre les sieurs Majon et Chauvin, le jugement du 17 thermidor an 6, dont le premier était appelant, est pareillement confirmé.

Le sieur Majon acquiesce à ce second arrêt; mais Pierre Coudrin, François Coudrin et Jean Pineau se pourvoient en cassation contre le premier.

«Dans cette affaire (ai-je dit à l'audience de la section civile, le 5 germinal an 13), il se présente à votre examen plusieurs questions de fait et plusieurs questions de droit.

» Les questions de fait devraient naturellement être discutées les premières; mais, la solution pouvant en devenir plus facile après l'examen des questions de droit, c'est de celles-ci que nous croyons devoir d'abord

nous occuper.

» Elles se réduisent à deux points principaux: 10 quel était, avant 1789, relativement à une rente féodale, l'effet du bail à Cens par lequel le seigneur à qui elle était due, la transportait à un tiers? 2o. La rente féodale qui, avant 1789, a été transportée à un tiers, par le seigneur à qui elle était due, a-t-elle conservé son caractère de féodalité dans les mains de ce tiers; et, en conséquence, a-t-elle été, à son égard, abolie par la loi du 17 juillet 1793?

» Sur le premier point, il est un principe incontestable : c'est qu'avant 1789, les rentes féodales pouvaient, tout aussi bien que les heritages féodaux, faire la matière d'un jeu de fief. « Le vassal (porte l'art. 51 de la cou» tume de Paris) ne peut démembrer son fief, au préjudice et sans le consentement

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» de son seigneur; bien se peut jouer et dis» poser, et faire son profit des héritages, ren»tes ou Cens étant dudit fief, sans payer profit » au seigneur dominant; pourvu que l'alié>> nation n'excède les deux tiers, et qu'il en » retienne la foi entière et quelque droit sei»gneurial et domanial sur ce qu'il aliène ». - La coutume de Poitou, dans laquelle s'est élevée la contestation qui vous occupe aujourd'hui, n'est pas tout-à-fait aussi précise : elle se contente de dire, art. 3o, que celui qui tient noblement, peut aliéner, par contrat de vente, partie de son fief; et, sur cette partie qu'il aliène, retenir aucun devoir par dessus ; cependant, comme les rentes féodales font nécessairement partie du fief de celui à ̧ qui elles appartiennent, il est clair que cette coutume, en permettant au vassal de se jouer d'une partie de son fief, lui permet par cela seul, de se jouer de ses rentes féodales, comme de ses héritages féodaux.

» Mais, vous le savez, messieurs, il y avait sous le régime féodal, deux sortes de jeux de fief: le jeu de fief par inféodation, et le jeu de fief par acensement. En se jouant de son fief par inféodation, le seigneur se créait un vassal qui tenait noblement, et à la charge de la foi et hommage, la portion de fief qu'il lui transportait; en se jouant de son fief par acensement, le seigneur se créait un censitaire qui possédait roturièrement la portion de fief aliénée à son profit.

» Ces deux sortes de jeux de fiefs pouvaient également s'accommoder aux domaines corporels. Les domaines corporels n'étant, par eux-mêmes, ni nobles, ni roturiers, un scigneur qui les détachait du gros de son fief, pouvait, par acte d'aliénation qu'il en faisait, sous la réserve d'un droit seigneurial, leur imprimer la qualité d'arrière-fiefs ou de rotures; rien ne le gênait, à cet égard, dans sa détermination. Mais avait-il la même liberté, relativement aux Cens, aux rentes seigneuriales, aux droits recognitifs de la directe? Non.... (V. le no précédent.)

» Que faisait donc, avant 1789, le seigneur qui, au lieu d'aliéner une rente féodale, pour être tenue de lui à foi-hommage, l'aliénait pour être tenue de lui en roture, moyennant un Cens? Il faisait ce qu'il ne pouvait pas faire; et ce qu'il pouvait faire, il ne le faisait pas. Il fallait donc en revenir à la maxime, plus valet quod agitur, quàm quod simulatè concipitur; et, en conséquence, effacer de l'acte, les mots arroturement et Cens; considérer la rente comme vendue avec son véritable et essentiel caractère de rente noble; et réduire la réserve d'un Cens à la stipulation

d'une redevance sèche, d'une redevance dégagée de tout signe de domaine direct.

»Et, dans le fait, on sent bien que ces clauses d'arroturement, ces réserves de Cens, n'étaient imaginées que pour mettre l'acquéreur d'une rente féodale à l'abri du droit de franc-fief. Mais les agens du fisc ne's'y méprenaient pas; et ils ne manquaient jamais d'exiger le droit, comme si la vente eût été pure et simple.... » Ainsi, nulle difficulté sur notre première question. La rente féodale qu'on aliénait, avant 1789, par un bail à Cens, n'était point, pour cela, arroturée; elle conservait sa nobilité primordiale, et c'était comme un droit noble que l'acquéreur la possédait.

» Mais, de ce que l'acquéreur la possédait comme noble, avant 1789, s'ensuit-il qu'elle est aujourd'hui supprimée? Il faut distinguer ou le seigneur qui l'avait aliénée, avant 1789, s'était réservé la directe des fonds qui en étaient grevés, ou il n'avait pas fait

cette réserve.

» Au premier cas, la rente, quoique toujours noble dans les mains de l'acquéreur, n'était, pour lui, qu'une rente foncière; et c'est comme purement foncière que l'on devait la considérer, non-seulement de lui à son vendeur, mais encore de lui aux redevables.

» En effet, il n'était pas au pouvoir du sei gneur qui aliénait sa rente féodale, de diviser la directe qu'il avait sur les héritages assujettis à cette rente; il n'était pas en son pouvoir de vendre une partie de sa directe et de retenir l'autre : la directe, comme la mouvance, était indivisible.....

» Il était donc bien impossible qu'un seigneur, en alienant un droit de Cens, aliénát en même temps pour une partie et conservat pour l'autre, la directe dont ce droit de Cens était récognitif. Il était donc bien impossible que l'alienation de son droit de Cens emportat ipso facto l'aliénation d'une partie de sa directe. Il était donc bien impossible que, par la réserve qu'il faisait de sa directe, sa directe ne demeurât pas tout entière entre ses mains.

» Et de là, il suit nécessairement que l'acquéreur du droit de Cens ne devenait pas, pour cela, seigneur des héritages qui en étaient charges. Mais s'il n'en était pas seigneur, bien évidemment le Cens qu'il avait acheté, n'était pas, ne pouvait pas être, à son égard, récognitif d'une seigneurie. Bien évidemment, ce droit n'avait plus, par rapport à lui, le caractère de Cens proprement dit. Et dès lors, comment ce droit aurait-il pu être supprimé, à son préjudice, par la loi du 17 juillet 1793?

» On va dire sans doute que, dans l'application de cette loi, on doit se reporter à la nature primitive de la rente. Mais pourquoi s'y reporterait-on plutót aujourd'hui au détriment de l'acquéreur, qu'on ne l'eût fait, sous l'ancien régime, au détriment des redevables, dans le cas où ceux-ci auraient eu intérêt de se prévaloir du changement arrivé dans le caractère de la rente, par l'effet de l'aliénation que le seigneur en avait faite, en se réservant la directe?

» Supposons, par exemple, que l'acquéreur, après avoir acheté la rente, eût laissé écouler trente années sans en exiger les ar rérages et s'en faire passer titre nouvel. Aurait-il pu exciper de la nature primitive de la rente, pour écarter la prescription que les redevables lui auraient opposée? Cancerius, Dunod, d'Argentrée, Hevin, Poulain Duparc, et un arrêt du parlement de Rennes, du mois de juin 1742, répondent que non..... » Disons donc que, lorsqu'un seigneur, en aliénant son droit de Cens, se réservait la directe sur les héritages qui la devaient, ce Cens devenait, par-là même, à l'égard des redevables, une prestation purement foncière; et que, conséquemment, un droit de Cens ainsi aliéné avant 1789, ne serait pas aujourd'hui supprimé (1).

» Il en était autrement lorsque, par l'acte d'aliénation de son droit de Cens, le seigneur ne se réservait pas la directe, ou, ce qui est la même chose, lorsque, par la disposition du statut local, il ne pouvait pas se la ré

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» Ainsi, nul doute que, par le défaut de réserve de la directe, dans l'acte d'aliénation d'une rente seigneuriale, la directe ne passat à l'acquéreur avec la rente; nul doute, par conséquent, que l'acquéreur ne devînt de plein droit seigneur des héritages sur lesquels la rente avait été originairement imposée; et par conséquent encore, nul doute que la rente n'ait été, en ce cas, supprimée dans les mains de l'acquéreur, par la loi du 17 juillet 1793, comme elle l'aurait été dans les mains du seigneur primitif, si celui-ci n'eût pas aliéné à la fois sa rente et sa di

recte.

» Maintenant, que voilà les points de droit bien éclaircis, abordons notre espèce; et voyons d'abord quelle était la nature des rentes aujourd'hui en litige, à l'époque du traité fait en 1661, entre Jousseaume, seigneur de la Jacquelinière, et André Brunet.

(1) V. l'article Champart, no 3.

» Le traité de 1661 énonce que ces rentes sont foncières et roturières. Mais en les qualifiant ainsi, le seigneur de la Jacquelimère détermine bien moins la nature qu'elles ont actuellement, que celles qu'elles doivent, dans son intention, avoir entre les mains d'André Brunet, à qui il les transporte, ou plutôt à qui il a l'air de les transporter. Et ce qui nous paraît le prouver démonstrativement,

» C'est 10 que plus bas il est dit qu'André Brunet tiendra ladite rente, ▲ L'AVENIR, roturièrement; expressions qui annoncent assez que jusqu'alors, ces rentes n'avaient pas été considérées comme roturières, et que par conséquent elles étaient féodales;

» C'est 20 que, par la même clause, le seigneur de la Jacquelinière charge André Brunet de tenir ces rentes à deux deniers de Cens; stipulation nulle sans doute, puisqu'on ne peut pas acenser un droit de Cens; mais de laquelle il résulte toujours que, dans l'opinion du seigneur de la Jacquelinière, ces rentes lui étaient dues à cause de son fief, qu'elles étaient récognitives de sa seigneurie, qu'elles étaient seigneuriales;

» C'est 30 que, depuis le traité de 1661, ces rentes ont toujours été reconnues pour nobles et féodales; que c'est ainsi qu'elles sont qualifiées par deux quittances de 1744 et 1788; qu'elles le sont de même par la reconnaissance que les auteurs des demandeurs en ont fournie en 1788 au seigneur de la Jacquelinière;

» C'est 4° que, par l'arrêt de la cour d'ap. pel de Poitiers, il est expressément déclaré qu'elles étaient nobles et féodales dans le principe.

» Il est donc évident que, si ces rentes n'avaient pas été aliénées avant 1789, par le seigneur de la Jacquelinière, elles auraient été en 1793 frappées dans sa main et à son préjudice, de la suppression prononcée par la loi du 17 juillet.

» Une autre vérité non moins constante, c'est si ces rentes ont été véritablement que, aliénées en 1661, par le seigneur de la Jacquelinière, elles n'ont pas été valablement arroturées par le traité passé à cette époque; que la clause d'arroturement contenue dans cet acte, doit être réputée non écrite; et que ces rentes ont dû passer dans les mains de l'acquéreur André Brunet, avec la même nobilité qu'elles avaient dans celles du vendeur. » Une troisième vérité qui n'est plus douteuse, c'est que, dans la même hypothèse, c'est-à-dire, en supposant toujours que ces rentes ont été réellement aliénées en 1661,

par le seigneur de la Jacquelinière, si celuici ne s'est pas réservé la directe sur les héritages qui en étaient grevés, elles ont été transférées avec la directe même à André Brunet; que conséquemment André Brunet est devenu seigneur des héritages qui les devaient; et que, par une conséquence ultérieure, elles ont été supprimées en 1793, au préjudice des successeurs d'André Brunet, comme elles l'auraient été à la même époque, au préjudice du seigneur de la Jacquelinière, dans le cas où il n'en aurait été fait aucune alienation par ce dernier.

» Enfin, une quatrième vérité que nous croyons avoir également mise dans le plus grand jour, c'est que, toujours dans l'hypothèse d'une alienation faite de ces rentes en 1661, si le seigneur de la Jacquelinière s'est réservé la directe des héritages sur lesquels ces rentes étaient assises, ces rentes n'ont formé, dans la personne d'André Brunet et de ses successeurs, que des fiefs passifs; qu'André Brunet et ses successeurs ne les ont jamais possédées comme récognitives de seigneurie; qu'elles auraient été prescriptibles contre eux de la part des redevables; et que par conséquent les redevables ne peuvent pas aujourd'hui prétendre qu'elles aient été supprimées par la loi du 17 juillet 1793.

» Il serait même, à cet égard, superflu d'examiner si la coutume de Poitou était du nombre de celles qui permettaient de conserver la directe, quand on aliénait le Cens; ou si elle appartenait à la classe des coutumes qui, regardant la directe comme essentiellement attachée au Cens, ne souffraient point que l'on aliénat celui-ci sans aliéner celle-là. Car tous les auteurs conviennent que, dans ces dernières coutumes, on pouvait se réserver la directe, quand on n'aliénait le Cens qu'en partie, et c'est ce qu'aurait fait le seigneur de la Jacquelinière dans l'hypothèse qui nous occupe en ce moment, puisque, d'une part, le traité de 1661 ne transporte à André Brunet que certaines portions de rentes qui y sont énoncées, et que, d'un autre côté, les héritages grevés de ces rentes, l'étaient en même temps de la prestation annuelle d'une poule et de quatre pots de vin, prestation qui ne formait avec ces rentes qu'un seul et même Cens récognitif de la seigneurie directe, prestation que le seigneur de la Jacquelinière n'avait pas aliénée en 1661, et que la déclaration de 1788 rappelle comme lui étant encore due.

» Or, peut-on douter que, par le traité de 1661, le seigneur de la Jacquelinière ne se soit réserve la directe sur les héritages grevés

des rentes dont il s'agit? En se réservant, par ce traité, le droit de les percevoir luimême, il annonce clairement qu'il entend conserver la seigneurie dont elles sont récognitives; il prouve manifestement qu'il ne veut pas que les possesseurs de ces héritages s'habituent, en payant en d'autres mains que les siennes, à ne plus le regarder comme leur seigneur.-Aussi voyons-nous que, le 7 avril 1788, les auteurs des demandeurs en cassation ont encore reconnu le seigneur de la Jacquelinière pour leur seigneur direct : « Te»nons et avouons (ont-ils dit), tenir rotu»rièrement de vous, M. Charles-Marie Majon, » à cause de votre fief et seigneurie de la Jac» quelinière, les domaines qui suivent...., » lesquels sont sujets envers vous, mondit » seigneur, avec les autres teneurs du fief et >> tenement de la Morandière, aux rentes no»bles, féodales, foncières, solidaires et in» divisibles, portant fief et juridiction, sa» voir 10 à la fête de Notre Dame de mi» août, vingt boisseaux de bled, etc. »

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» Mais de tout cela devons-nous conclure que les rentes dont il s'agit, n'ont pas été comprises dans la suppression décrétée le 17 juillet 1793?

>> Nous le devrions sans contredit, si ces rentes avaient été, à proprement parler, aliénées en 1661 par le seigneur de la Jacquelinière; puisque dans cette hypothese, elles auraient été, dès 1661, séparées de la directe dont elles étaient récognitives; puisque, dans cette hypothèse, elles auraient été, dès 1661, converties, par rapport aux redevables, en prestations non récognitives de seigneurie; puisque, dans cette hypothese, André Brunet et ses successeurs les auraient possédées comme purement foncières, quoique nobles à leur égard, comme formant dans leurs mains des fiefs passifs.

» Mais est-il bien vrai que, par le traité de 1661, le seigneur de la Jacquelinière ait réellement aliéné ces rentes? Le traité même semble, au premier coup d'œil, ne laisser aucun doute sur l'affirmative. Jousseaume a cédé et transporté avec promesse de garantir... audit Brunet, cinq charges et deux boisseaux de bled, faisant partie de plus grandes rentes dues audit Jousseaume..., sur les lieux de la Morandière..., lesquelles rentes sont dues par les teneurs des domaines y sujets.

» Ce n'est cependant là qu'une vaine apparence. Car si Jousseaume transportait à Brunet le corps même des rentes dont il parle, ce serait à Brunet que ces rentes devraient à l'avenir être payées directement; Brunet en serait, dès lors, propriétaire absolu; et les

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redevables, une fois que le transport leur aurait été notifié, ne pourraient plus payer qu'entre les mains de Brunet.

» Eh bien! Le traité de 1661 dit précisé ment le contraire de tout cela. D'après ce traité, le seigneur de la Jacquelinière doit continuer de recevoir lui-même les rentes des mains des redevables; et c'est dans son château, c'est le 15 août de chaque année, qu'il doit les recevoir. Quand il en a fait la recette, il doit en délivrer les produits à Brunet, non pas le 15 août, mais le 1er septembre ; il doit même les faire conduire dans la maison de Brunet.

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» Ce n'est pas tout. Il s'oblige, à défaut de paiement de la part des redevables, de payer lui-même pour eux.

» Donc ce n'est pas le corps même des rentes qui lui sont dues, qu'il cède à Brunet; donc il ne fait que se constituer, envers Brunet, débiteur personnel de rentes de la même valeur que celles qui lui sont dues. Donc les rentes qui lui sont dues, continuent de lui appartenir. Donc elles conservent, à l'égard des redevables, leur caractère primordial de rentes récognitives de sa seigneurie. Donc elles étaient encore seigneuriales, lorsqu'a paru la loi du 17 juillet 1793.

» Qu'importe que, par une clause particulière du traité de 1661, Jousseaume confere à Brunet le droit de poursuivre lui-même les redevables et de faire saisir leurs fonds?

» D'abord, par la même clause, il autorise aussi Brunet à faire saisir son fief de la Jacquelinière ; et conséquemment il confirme de plus en plus l'idée que, par ce traité, il ne fait que se constituer, envers Brunet, debiteur personnel des rentes qu'il lui assigne.

» Ensuite, que signifie par elle-même la permission qu'il donne à Brunet de procéder par saisie sur les fonds grevés de rentes? Que signifie-t-elle surtout, quand on la rapproche des clauses qui la précèdent? Elle signifie, et elle signifie seulement, qu'il fait en faveur d'André Brunet, et pour la plus grande sûreté de celui-ci, ce que nos anciens praticiens appelaient un assignat démonstratif, ce qu'on appelle dans le droit romain adjectio solutionis gratiá, une indication de paiement, avec hypothèque spéciale sur les fonds indiqués. Mais elle ne décharge pas le seigneur de la Jacquelinière qui fait cette indication, de l'obligation personnelle qu'il s'est imposee, de payer lui-même les rentes, au défaut ou en cas de retard des redevables.

» Et de là il suit évidemment que ce qui s'est passé en 1744, n'a pu ni dù rien changer à la condition primitive de ces derniers. En

1744, les successeurs d'André Brunet ont fait condamner les redevables à leur payer les arrérages échus des rentes: ils en avaient le droit, d'après la clause dont nous venons de parler; mais ils n'ont pas perdu pour cela leur action personnelle contre le seigneur de la Jacquelinière; et les redevables ne sont, pour cela, ni devenus leurs débiteurs directs, ni moins restés débiteurs directs du seigneur de la Jacquelinière lui-même.

» Aussi ont-ils continue depuis de reconnaître, d'avouer le seigneur de la Jacquelinière, non-seulement pour leur seigneur di rect, mais encore pour propriétaire des rentes qu'ils avaient été condamnés, en 1744, de payer aux successeurs d'André Brunet.

» Aussi, le seigneur de la Jacquelinière a-t-il reçu, le 21 avril 1788, la reconnaissance, l'aveu, que les redevables lui avaient passé à ce sujet le 7 du même mois.

» Aussi l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers énonce-t-il formellement que, depuis le jugement de 1744, les redevables ont continué, jusqu'en 1789, de payer directement leurs rentes au seigneur de la Jacqueliniere; et ce seul fait est décisif..

» Aussi, les successeurs d'André Brunet ont-ils obtenu, le 25 juillet 1761, long-temps après le jugement de 1744, une sentence qui a condamné le seigneur de la Jacquelinière, personnellement, à leur payer ces rentes.

» Le jugement de 1744 n'a donc pu rien innover, et de fait il n'a rien innové, soit à la condition des parties respectives, soit à la nature des rentes; et si vous considérez, messieurs, que ce jugement a été rendu par défaut, qu'il n'existe aucune preuve qu'il ait jamais été signifié, vous demeurerez bien profondement convaincus qu'il ne peut, sous aucun rapport, servir à la justification de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers.

» Et vainement la cour d'appel de Poitiers a-t-elle dit que l'action du cit. Majon, contre les débiteurs des rentes, était une conséquence nécessaire de l'action directe ouverte au profit du cit. Chauvin, contre le cit. Majon, en vertu des conventions particulières portées par l'échange de 1661.

» Il ne s'agit pas ici de savoir si les rentes dont le seigneur de la Jacquelinière, représenté aujourd'hui par le sieur Majon, s'est constitué, en 1661, débiteur personnel envers André Brunet, sont ou ne sont pas éteintes par la loi du 17 juillet 1793. Il n'est question que des rentes qui, en 1661, étaient dues directement au seigneur de la Jacquelinière lui-même; et certainement ces rentes sont éteintes, puisque, de l'aveu de la cour

d'appel de Poitiers, elles étaient nobles et féodales dans leur principe; puisqu'elles n'ont jamais été aliénées par le seigneur de la Jacqueliniere; puisque le seigneur de la Jacquelinière les percevait encore en 1788, comme récognitives de sa seigneurie.

» Et le sieur Majon pressent si bien la cassation de l'arrêt qui a jugé le contraire, qu'il finit par conclure subsidiairement à ce que cette cassation soit déclarée commune avec le sieur Chauvin. Mais là-dessus, preno ns garde à une équivoque.

» Sans doute, en obtenant la cassation de l'arrêt qu'ils attaquent, les demandeurs doivent être remis, envers toutes les parties, dans l'état où elles étaient avant cet arrêt. Sans doute, par-là, les demandeurs se trouveront rétablis, envers le sieur Chauvin, dans le droit de faire juger par la cour d'appel à laquelle vous renverrez la cause, que le sieur Chauvin n'a plus d'action hypothécaire sur leurs héritages, qu'il ne peut plus user de la faculté que lui accordait le traité de 1661, de procéder sur leurs héritages par voie de saisie.

» Mais, de là s'ensuivra-t-il que le sieur Majon sera aussi, de son côté, rétabli dans le droit de faire juger qu'il ne doit plus payer au sieur Chauvin les rentes auxquelles il s'est obligé en 1661, envers André Brunet? Non, certainement. Ce n'est pas l'arrêt attaqué par les demandeurs, qui a condamné le sieur Majon à payer ces rentes au sieur Chauvin ; c'est un autre arrêt rendu le même jour, et que le sieur Majon n'attaque pas, que probablement même il n'a plus le droit d'attaquer.

» A quel propos donc déclareriez-vous expressément l'arrêt de cassation commun avec le sieur Chauvin? Vous le déclarerez suffisamment commun avec lui dans l'intérêt des demandeurs, par cela seul que vous remettrez les demandeurs, envers le sieur Chauvin, comme envers le sieur Majon, dans l'état où ils se trouvaient avant l'arrêt dont il est ici question. Mais le déclarer commun avec le sieur Chauvin dans l'intérêt du sieur Majon, vous ne le pourriez pas sans violer l'autorité de la chose jugée entre deux particuliers.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de casser purement et simplement l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers ».

Arrêt du 5 germinal an 13, au rapport de M. Busschop, par lequel,

« Vu l'art. 5 de la loi du 25 août 1792... ; » Considérant que les rentes dont il s'agit, ont toujours conservé leur qualité primitive de nobles et féodales, jusqu'à l'époque de la

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