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» Car tel était, sous le régime féodal, le résultat de toute aliénation du Cens, qui n'était pas (ou qui d'après la disposition de la coutume, ne pouvait pas être) accompagnée de la réserve de la directe.

» Il était des contrées où l'arroturement par jeu de fief pouyait s'opérer sans réserve d'une redevance annuelle, et par le seul effet de la réserve de la directe, qui alors empor. tait les droits de lods et de retrait.

» Il en était d'autres, et c'était le plus grand nombre, où l'on ne pouvait, par jeu de fief, arroturer un héritage et en retenir la directe, qu'au moyen de la réserve d'une redevance annuelle.

» Dans les premières, le seigneur qui avait fait un jeu de fief, et qui par-là s'était créé une Censive, pouvait aliéner son Cens et conserver la directe; dans les secondes, il ne pouvait pas conserver la directe, sans conserver le Cens, qui en était le signe éminent et exclusif.

» Mais, dans les unes comme dans les autres, si le seigneur aliénait sa rente censuelle, sans retenir expressément la directe, ou, ce qui revenait au même, sans avoir la faculté de la retenir, la directe était de plein droit aliénée avec la rente, et l'acquéreur de celleci devenait, de plein droit, seigneur du fonds qui en était chargé.

>> Inutile de rechercher à laquelle de ces deux classes appartenait la coutume de Poitou, puisque, dans notre espèce, il n'y a point de réserve de la directe dans l'acte par lequel René-Charles Delahay a vendu sa rente Censuelle à Elie Cossin. Ce qu'il y a de constant, c'est que l'art. 30 de cette coutume ne permettait le jeu de fief que moyennant la rétention d'un devoir; et, sans examiner s'il était nécessaire que ce devoir consistât en une redevance annuelle, ou si l'on pouvait, comme en Normandie, en Bretagne et dans beaucoup de pays de droit écrit, ne le faire consister que dans le droit de lods, le retrait, le relief ou tout autre droit casuel, il est certain qu'avant l'acte du 25 juin 1726, RenéCharles Delahay ne possédait sa rente comme féodale, que parcequ'il l'avait retenue à son profit comme récognitive de sa directe, par le bail à Cens que lui ou ses prédécesseurs

avaient anciennement fait des deux métairies et du moulin assujettis à cette prestation. Il est certain, par conséquent, que René-Charles Delahay, en alienant le devoir, la rente féodale qu'il avait originairement retenue sur ces héritages, a fait faillir la condition. sous laquelle ces héritages étaient demeurés dans sa directe; et par conséquent encore, il est certain qu'il a aliéné sa directe, en aliénant cette rente.

» Un exemple célèbre va mettre cette vérité dans tout son jour.

» En 1247, Saint-Louis avait donné aux abbesse et religieuses du Trésor de Vernon, une rente Censuelle à prendre sur 600 acres de terres tenues de son duché d'Alençon, et il la leur avait donnée en franche-aumône : damus et concedimus in puram et perpetuam eleemosynam.

» Depuis cette époque, l'abbaye avait perçu, non-seulement la rente Censuelle sur les 600 acres de terres, mais encore les lods ou treizièmes à toutes les mutations.

» En 1776, le receveur des domaines du frère puîné de Louis XVI, à qui le duché d'Alençon venait d'être cédé en apanage, réclama ses droits de treizième comme inhérens à la seigneurie directe dont il prétendit que Louis IX ne s'était pas dessaisi en donnant aux dames du Trésor la rente qui en était originairement récognitive. Cette rente, disait-il, a' perdu sa nobilité en passant dans les mains de l'abbaye; elle est, dès lors, devenue purement foncière; elle n'a donc pas pu servir de titre à l'abbaye pour s'arroger la seigneurie directe; et si l'abbaye se l'est arrogée de fait, si elle est partie de là pour se faire payer les droits de treizième à toutes les mutations, c'est de sa part une usurpation qui n'a pas pu nuire au domaine de l'État, contre lequel l'église ne peut jamais prescrire.

» L'affaire portée au parlement de Paris, M. Henrion fut chargé de la défense des dames du Trésor; et il fit pour elles un mémoire dont il nous retrace la substance dans ses Dissertations féodales, aux mots FrancheAumône, S. 20: « Nous observâmes (dit-il) » que Saint-Louis avait donné, non un do» maine corporel, mais un droit de Censive, » droit essentiellement noble, que la clause » de la charte in eleemosynam n'avait pas ar» roturé; que Saint-Louis lui-même n'aurait » pas pu faire descendre dans la classe des » rotures, des rentes purement seigneuriales, » parceque la nature des choses est inaltera»ble. Mais c'est au Cens que la seigneurie est » attachée; en donnant aux dames du Trésor » la Censive sur les 600 acres de terres, Saint

» Louis en a donc aussi donné la directe, et » par conséquent les treizièmes. - On nous » répondit: Ce que vous dites du Cens, de sa » nobilité, de sa connexité avec la directe, » de l'impossibilité de l'arroturer, tout cela » peut être vrai du Cens parisien; cela peut » être conforme au droit commun. Mais il ne » s'agit ici ni de la coutume de Paris, ni du » droit commun féodal. Nous sommes en » Normandie, et cette coutume a un régime wet des principes particuliers. En Norman» die, le Cens perd sa nature féodale; ne forme » plus qu'une rente purement foncière, à » l'instant où il est séparé de la seigneurie à » laquelle il était attaché; et cet arroture»ment s'opère de plein droit, sans stipulation » de la part du seigneur aliénant, et par la » seule autorité de la loi Normande... Dans » les coutumes qui n'autorisent le jeu du fief » qu'avec rétention d'un Cens ou autre droit » seigneurial, c'est au Cens ou autre droit » seigneurial que la directe est attachée; » et par conséquent il n'est point étonnant » qu'elle passe à celui à qui le Cens ou autre » droit seigneurial est transporté. Dans la » coutume de Normandie, qui permet le jeu » de fief sans rétention de Cens ou de rente » seigneuriale, ce n'est point du Cens ou de » la rente seigneuriale que la directe dé » pend.... Vainement dit-on que le vassal ne » peut disposer à titre de roture de ses rentes » seigneuriales, que de pareilles rentes sont » essentiellement nobles, qu'elles ne peuvent » perdre cette qualité en passant dans d'au » tres mains, et qu'on stipulerait inutilement » qu'elles seront roturières, parceque toute » convention qui est contraire à l'essence des » choses, est absolument nulle. Tout cela est » bon dans les coutumes où il n'y a point de directe sans une rente seigneuriale à la» quelle elle soit attachée, et non dans la cou»tume de Normandie', etc. » — Tels étaient les argumens que l'on opposait aux dames du Trésor, dans cette importante contestation; et déjà vous remarquez combien est précieuse pour notre espèce, la maxime à laquelle on était forcé de souscrire, que, dans les coutumes où le jeu de fief n'est permis qu'avec rétention d'un droit seigneurial, soit annuel, soit éventuel (et celle de Poitou est bien certainement de ce nombre), ce droit seigneurial ne pouvait être cédé, que la directe ne le fût en même temps.

» Mais il faut entendre la réfutation qu'a faite M. Henrion de ces argumens.

» Il a commencé par établir que la coutume de Normandie ne reconnaissait pas plus que Ja coutume de Paris, le jeu de fief sans réten

tion d'un droit seigneurial; et que, la seule différence de l'une à l'autre, était que, dans la coutume de Paris, la directe ne pouvait être retenue, et conséquemment le jeu de fief avoir lieu, qu'au moyen de la réserve d'un Cens; tandis que, sous la loi normande, le jeu de fief pouvait s'opérer, et la directe se retenir, par la seule stipulation du droit de lods et ventes ou treizièmes. Puis il a continué ainsi : « Point de bail, à Cens sans » une prestation récognitive de la directe. » Voilà la règle : voici les modifications. Deux » prestations généralement récognitives de la » directe, le Cens et les lods. Le seigneur, » maître de les cumuler, pour se contenter de » l'une d'elles; il peut stipuler que le Cens ne » sera pas productif de lods et ventes, ou, » renonçant au Cens annuel, se contenter des »lods; mais quelque parti qu'il prenne, c'est » à la prestation qu'il impose, qu'est attachée » la seigneurie qui demeure entre ses mains. » Cette seigneurie est attachée au Cens, s'il a » stipulé un Cens annuel; aux lods, s'il a jugé » à propos de renoncer au Cens; enfin, lors» qu'il s'est réservé le Cens et les lods, c'est » au Cens, comme naturellement et éminem»ment récognitif de la directe, que la sei"gneurie demeure annexée.-Cette dernière > assertion n'est autre chose que la consé»quence de cette grande maxime, que par» tout où le Cens et les lods concourent, les »lods ne sont que l'accessoire du Cens. Le » Gens forme la prestation essentiellement » honorifique, essentiellement récognitive de

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la seigneurie, de manière que l'aliénation » du Cens emporte de plein droit l'aliénation » de la seigneurie et des lods et ventes. De » consuetudine, dit Dumoulin, d'aprés Jean » Faber, servatur quòd is cui Census solvi» tur est dominus directus et percipit landi» mia....... Que l'on nous permette une ques »tion. Qu'arriverait-il, si le seigneur qui n'a » pas réservé le Cens, mais seulement le treizieme, aliénait le treizième et générale»ment tous les droits dont la coutume grève » les tenures Censuelles? Après ces aliéna» tions, à qui, du seigneur aliénant ou de » l'acquéreur, appartiendraient la seigneurie » de l'héritage grevé? Dirait-on que c'est au » seigneur aliénant? Dumoulin réplique : » Non potest feudum in totum separari fide» litate... esset essentialis dismembratio feudi, » videlicet separatio formæ à materiá et » qualitatis substantialis à subjecto. Comment » en effet concevoir la seigneurie dans une » main, et tous les droits seigneuriaux dans » une autre? Que serait-ce que la seigneurie » sur un immeuble ainsi affranchi de toute

» espèce de droits (envers le prétendu sei» gneur)? Un mot, et rien de plus, une ombre, » une chimère qui bientôt s'évanouirait d'elle» même. — Si, lors de l'acensement de 600 » acres de terres (sur lesquelles est assise la » rente des dames du Trésor), Saint-Louis, » au lieu de stipuler la réserve d'un Cens et » des treizièmes, se fût contenté de cette der» nière prestation, et qu'ensuite il l'eût au» monée aux dames du Trésor, il leur aurait » donc incontestablement donné la seigneurie » des terres acensées. Mais que l'on nous dise » pourquoi la donation du Cens ne produirait » pas le même effet; que l'on nous donne, s'il » est possible, de cette différence une raison » claire, simple et tranchante. Lorsqu'il » existe un Cens sur un héritage, les lods n'en » sont que l'accessoire et la suite : landimia » et mulctæ ex naturá Census generaliter in» sunt ; cette règle est de Dumoulin. En don>> nant le Cens, Saint-Louis a donc aussi donné » les treizièmes. Si cette dernière prestation » eût existé seule, et qu'il l'eût donnée, il » aurait transmis la seigneurie. Comment se » ferait-il donc qu'ayant donné les deux, c'est» à-dire, le Cens, et, par une conséquence » nécessaire, les treizièmes, la seigneurie lui >> fût demeurée? Ainsi, ayant donné plus, >> il aurait cependant donné moins tout » cela est d'une contradiction qui choque les >> notions les plus élémentaires. Disons donc en Normandie, comme partout » ailleurs, le Cens, une fois établi, forme la » prestation récognitive de la directe, et l'a» lienation du Cens emporte nécessairement » l'aliénation de la seigneurie. —NOS MOYENS » ONT PRÉVALU (c'est toujours M. Henrion qui » parle); et par arrêt de la grand'chambre, » au rapport de M. d'Amécourt, les dames du » Trésor ont été maintenues dans la sei>> gneurie directe des 600 acres de terres, et » dans le droit d'en percevoir les treizièmes. » Cet arrêt est du 10 février 1784. »

» Que pourrait-on, Messieurs, objecter ici contre une décision aussi solennelle et aussi positive? Dira-t-on que René-Charles Delahay a fait en 1726, ce que n'avait pas fait SaintLouis en 1247? Dira-t-on qu'en 1247, SaintLouis avait cédé purement et simplement sa rente Censuelle aux dames du Trésor, et qu'en 1726, René-Charles Delahay n'a cédé la sienne à Elie Cossin, qu'à condition qu'il la tiendrait de lui en roture et moyennant cinq sous de Cens?

» Mais d'abord, nous avons déjà démontré que la clause de tenir en roture et à la charge d'un Cens, doit être considérée, dans l'acte de 1726, comme nulle et non écrite.

TOME IV.

» Ensuite, voudrait-on soutenir que, dans l'acte de 1726, le bail à Cens doit être interprété de manière à valoir comme bail à fief? Eh bien! Dans cette hypothèse, assurément trés-gratuite, il se trouvera la plus parfaite similitude entre la donation faite par SaintLouis aux dames du Trésor, et la cession faite par Delahay à Coss in.

» Comment Delahay a-t-il cédé à Cossin la rente dont il s'agit dans notre espèce? Par bail à fief, dit-on, et nous voulons bien le supposer. Comment Saint-Louis avait-il donné aux dames du Trésor la rente qu'il avait sur 600 acres de sa directe? Par franche-aumône. Et qu'était-ce que la franche-aumône dans notre ancienne jurisprudence? Rien autre chose qu'un bail à fief, dans lequel les prières que l'église s'obligeait de faire pour son donateur, en acceptant sa libéralité, tenaient lieu du droit seigneurial dont la réserve caractéri sait essentiellement le jeu de fief ordinaire. C'est ce que M. Henrion prouve dans son article Franche-aumóne, par des détails aussi savans que lumineux; et c'est ce qu'a jugé notamment un arrêt du parlement de Paris, du 14 juillet 1778, rendu entre le marquis de Courtanvaux, seigneur de Tonnerre, et les religieux de Saint-Germain-d'Auxerre.

» Il s'agissait d'un moulin situé dans la seigneurie de Villers-Vineux, mouvante de celle de Tonnerre. Les religieux le possédaient en vertu de la donation que le seigneur de Villers-Vineux leur en avait faite en 1189, et par laquelle il ne s'était réservé aucun droit seigneurial. Le marquis de Courtanvaux prétendait que ce moulin était grevé, envers la seigneurie de Tonnerre, des mêmes droits que la seigneurie de Villers-Vineux, dont il avait été démembré en 1189. « Il n'est entré » (disait son défenseur), dans les mains des » religieux, qu'avec les mêmes qualités qu'il » avait dans celles du seigneur donateur. Il » était féodal et mouvant du comté de Ton» nerre; et comme la foi est imprescriptible, >> il est demeuré assujetti à cette mouvance. » Le seigneur de Villers-Vineux eût pu en » disposer par jeu de fief, et en l'aliénant, y » retenir quelque devoir seigneurial; mais » les bénédictins d'Auxerre conviennent qu'ils » ne doivent aucune charge féodale qu Cennsuelle à la seigneurie de Villers - Vineux; » l'aliénation a donc opéré un démembre»ment; le moulin forme donc, dans la main » des religieux, un fief distinct et séparé; » les religieux en doivent donc la foi et tous » les droits seigneuriaux au seigneur suzerain » de Villers-Vineux ».

» Mais, dit M. Henrion, §. 25, « les magistrats

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» ont vu la chose d'un œil différent : ils ont » vu dans l'acte de 1189, une donation en >>franche aumône; en conséquence, ils ont jugé le jeu de fief régulier, malgré le défaut » de réserve d'un droit seigneurial, ce droit » étant représenté par les prières dont les >> religieux sont tenus pour le donateur; et »jugeant la prétention du marquis de Cour» tanvaux, d'après les règles du jeu de fief, » qui interdisent toute réclamation au sei» gneur dominant, jusqu'à l'ouverture du fief » servant, ils ont rejeté cette prétention, » mais avec cette modification très-remarquable: sauf au marquis de Courtanvaux » à agir en cas d'ouverture du fief de Villers» Vineux. Cet arrêt (continue M. Henrion) juge donc qu'une donation en franche-au» móne, est un jeu de fief, que l'Eglise (en » vertu de cette donation), tient sous la mou»vance du seigneur donateur; et que les droits » du seigneur dominant sont suspendus jus» qu'à l'ouverture du fief, c'est-à-dire, de la » partie demeurée dans les mains du dona»teur; mais qu'alors il est fondé à exercer » ces droits sur la totalité du fief ».

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» C'était donc par un véritable bail à fief, que Saint-Louis avait cédé aux dames du Trésor, en 1247, la rente Censuelle qu'il s'était précédemment réservée en aliénant 600 acres de terres de son domaine; et conséquemment nulle différence entre la cession faite par Saint Louis aux dames du Trésor en 1247, et la cession faite par Dalahay à Cossin en 1726, toujours dans la supposition très-gratuite que celle-ci, nulle comme bail à cens, ait pu et dû valoir comme bail à fief, au lieu de produire son effet comme alienation pure et simple.

>> Or, il a été jugé, et solennellement juge, que le bail à fief de la rente de Saint-Louis emportait translation de la directe dont cette rente était récognitive: pourquoi donc le bail à fief de la rente de Delahay n'aurait-il pas également dépouillé Delahay même, de la seigneurie directe des héritages qui étaient assujettis à cette rente? Pourquoi Cossin ne serait-il pas devenu seigneur de ces héritages, par l'effet du bail à fief de Delahay, comme le monastère du Trésor était devenu, par l'effet du bail à fief de Saint-Louis, seigneur des 600 acres de terres qui précédemment relevaient de ce monarque?

» Qu'est-ce que Saint Louis s'était réservé par sa charte de 1247, sur les 600 acres de terres grevées de sa rente? Rien: ce n'était que sur la rente même qu'il avait retenu des prieres qui, dans le bail à fief connu sous

le nom de franche-aumóne, équipollaient à un droit seigneurial.

>> Qu'est-ce que René- Charles Delahay s'est réservé par son prétendu bail à fief de 1726, sur les deux métairies et le moulin des demandeurs? Rien : ce n'est que sur la rente même qu'il a retenu un Cens de cinq sous.

» Il y a donc parité absolue entre les deux espèces; et encore une fois, puisque, dans l'une, il a été décidé que Saint-Louis avait aliéné sa directe en 1247, il n'y a ni raison ni prétexte pour ne pas décider également que Delahay avait cédé la sienne en 1726.

» Et l'on peut d'autant moins douter qu'en effet Delahaye eût, en 1726, cédé sa directe à Cossin, que, depuis et jusqu'à la suppression du régime féodal, Cossin s'est constamment montré envers les demandeurs, non en créancier d'une simple rente foncière, mais en propriétaire d'un vrai Cens, d'une rente véritablement seigneuriale. Les pièces qui constatent ce point de fait important, sont sous vos yeux; et c'est pour vous, messieurs, un nouveau motif d'annuller l'arrêt qui vous est dénoncé. - C'est à quoi nous concluons. »

Arrêt du 10 février 1806, au rapport de M. Zangiacomi, par lequel,

« Vu l'art. 1 de la loi du 17 juillet 1793; » Considérant qu'il a toujours été de principe, sous le régime féodal, que les droits essentiellement nobles et récognitifs de la directe, ne pouvaient être arroturés par voie d'acensement;

» Considérant que la rente dont il s'agit, due par les tenemens de Magny et de la Chagnelière, était évidemment récognitive de la directe que le ci-devant seigneur de la Marvallière avait sur ces mêmes tenemens;

sible d'arroturer cette rente, cette operation » Considérant qu'en supposant qu'il fût posn'aurait pu valablement se faire, sans que le cidevant seigneur de la Marvallière se réservât la directe sur les tenemens grevés de la rente;

» Considérant, en fait, que, par le contrat de vente de 1726, le ci-devant seigneur de la Marvailliére n'a fait aucune réserve de directe sur ces tenemens, mais seulement sur

la rente vendue;

» Qu'une conséquence nécessaire de ce fait d'arroturement insérée dans le contrat de et des principes ci-dessus, est que la clause 1726, était nulle de plein droit et a toujours dû être regardée comme non écrite;

» Que, par une conséquence ultérieure, la rente n'a pas cessé d'être féodale, même après l'aliénation de 1726; qu'elle est restée telle entre les mains des nouveaux proprié taires, et de ceux-ci aux redevables;

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Le 14 mai 1661, le sieur Jousseaume, seigneur de la Jacquelinière, cède, à titre d'échange, à André Brunet, quatre parties de rentes en grains, lesquelles rentes qui sont foncières et roturières, sont dues par les teneurs des domaines de la Morandière, la Bretinière, la Taillerie et la Billiaire, situés dans l'enclave de sa seigneurie, et rendables à son château le jour de Notre-Dame de demi-août.

Il est dit dans l'acte de cession, que Brunet tiendra lesdites rentes, à l'avenir, roturièrement dudit sieur Jousseaume, à deux deniers de Cens, à cause de son fief dudit lieu de la Jacquelinière.

Il y est en même temps stipulé, 1o que, le 1er septembre de chaque année, Brunet se rendra au manoir seigneurial de la Jacquelinière, pour assister au mesurage des grains qui y auront été apportés par les débiteurs; que, le mesurage fait, Jousseaume fera conduire les grains au domicile de Brunet; et que, dans le cas où les débiteurs n'auraient pas encore payé à cette époque, Jousseaume sera tenu de parfaire ce qui en manquera; 2o qu'à défaut de paiement de la part des débiteurs, Brunet pourra procéder par saisie, non-sculement sur les fonds sujets aux quatre parties de rente, mais encore sur le bien de la Jacquelinière, que ledit sieur Jousseaume y a solidairement affecté.

Le 30 mai 1744, Marie Barrion, héritière d'André Brunet, obtient, contre les détenteurs de ces fonds, un jugement par défaut qui les condamne à la reconnaître pour vraie propriétaire des rentes dont il s'agit, à lui en payer les arrérages échus, à les continuer à l'avenir, et à lui en passer titre nouvel.

En 1760, Charles Barrion, frère et héritier de Marie Barrion, se pourvoit contre le seigneur de la Jacquelinière, en paiement des

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C'est aussi du seigneur de la Jacquelinière, que continuent de relever les héritages qui sont grevés de ces rentes.

Le 7 avril 1788, Pierre et Louis Coudrin lui font une déclaration notariée, par laquelle ils reconnaissent tenir de lui divers immeubles

qu'ils désignent, lesquels (disent-ils) sont sujets envers vous, mondit seigneur, avec les autres teneurs dudit fief et tenement de la Morandière, aux rentes nobles, féodales, foncières, solidaires et indivisibles, portant fief et juridiction.... 1o à la fête de NotreDame demi-aoút, 20 boisseaux de bled-seigle, mesure de deffens, 44 boisseaux d'avoine menuc, etc.

Cette déclaration est reçue, le 12 du même mois, par le procureur fiscal de la Jacqueli nière.

Les choses en cet état, surviennent les lois des 25 août 1792 et 17 juillet 1793, qui suppriment, la première, les rentes féodales non fondées sur des titres primitifs de concession d'immeubles; la seconde, toutes les rentes féodales sans distinction.

Dès ce moment, les redevables cessent de payer à Maurice Majon, successeur de Jousseaume, les rentes que celui-ci avait cédées, en 1661, à André Brunet; et Charles Chauvin, successeur d'André Brunet, cesse de les recevoir de Maurice Majon.

Mais, en l'an 6, Charles Chauvin fait assigner Maurice Majon en paiement de ces rentes; et le 17 thermidor de cette année même, il obtient au tribunal civil du département des Deux-Sèvres, un jugement conforme à ses conclusions.

Maurice Majon, à son tour, fait assigner Pierre Coudrin, François Coudrin et Jean Pineau, propriétaires des tenemens de la Morandière, la Bretinière, la Taillerie et la Bil. liaire; et conclut à ce qu'ils soient condamnés à lui payer les quatre parties de rentes dont ces tenemens sont grevés envers le domaine ci-devant seigneurial de la Jacquelinière. Le 27 germinal an 7, jugement contradic toire qui les y condamne en effet.

Appel. que

Le 6 pluviose au 11, « Considérant les » quatre parties de rentes dont il s'agit, quoi» que nobles et féodales dans leur principe,

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