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tions, et la manière de les lever pour fournir aux dépenses communes.

Par le troisième, la confédération garantira à chacun de ses membres la possession et le gouvernement de tous les états qu'il possède actuellement, de même que la succession élective ou héréditaire, selon que le tout est établi par les lois fondamentales de chaque pays; et, pour supprimer tout d'un coup la source des démêlés qui renaissent incessamment, on conviendra de prendre la possession actuelle et les derniers traités pour base de tous les droits mutuels des puissances contractantes; renonçant pour jamais et réciproquement à toute autre prétention antérieure; sauf les successions futures contentieuses, et autres droits à échoir, qui seront tous réglés à l'arbitrage de la diéte, sans qu'il soit permis de s'en faire raison par voies de fait, ni de prendre jamais les armes l'un contre l'autre, sous quelque prétexte que ce puisse être.

Par le quatrième, on spécifiera les cas où tout allié infracteur du traité seroit mis au ban de l'Europe, et proscrit comme ennemi public; savoir, s'il refusoit d'exécuter les jugements de la grande alliance, qu'il fit des préparatifs de guerre, qu'il négociât des traités contraires à la confédération, qu'il prît les armes pour lui résister ou pour attaquer quelqu'un des alliés.

Il sera encore convenu par le même article qu'on armera et agira offensivement, conjoin

tement, et à frais communs, contre tout état au ban de l'Europe, jusqu'à ce qu'il ait mis bas les armes, exécuté les jugements et règlements de la diéte, réparé les torts, remboursé les frais, et fait raison même des préparatifs de guerre

contraires au traité.

Enfin, par le cinquième, les plénipotentiaires du corps européen auront toujours le pouvoir de former dans la diéte, à la pluralité des voix pour la provision, et aux trois quarts des voix cinq ans après pour la définitive, sur les instructions de leurs cours, les réglements qu'ils jugeront importants pour procurer à la république européenne et à chacun de ses membres tous les avantages possibles; mais on ne pourra jamais rien changer à ces cinq articles fondamentaux que du consentement unanime des confédérés.

Ces cinq articles, ainsi abrégés et couchés en règles générales, sont, je ne l'ignore pas, sujets à mille petites difficultés, dont plusieurs demanderoient de longs éclaircissements: mais les petites difficultés se lèvent aisément au besoin; et ce n'est pas d'elles qu'il s'agit dans une entreprise de l'importance de celle-ci. Quand il sera question du détail de la police du congrès, on trouvera mille obstacles et dix mille moyens de les lever. Ici il est question d'examiner, par la nature des choses, si l'entreprise est possible ou non. On se perdroit dans des volumes de riens, s'il falloit tout prévoir et répondre à tout. En

se tenant aux principes incontestables, on ne doit pas vouloir contenter tous les esprits, ni résoudre toutes les objections, ni dire comment tout se fera; il suffit de montrer que tout se peut faire.

Que faut-il donc examiner pour bien juger de ce systéme? Deux questions seulement; car c'est une insulte que je ne veux pas faire au lecteur, de lui prouver qu'en général l'état de paix est préférable à l'état de guerre.

La première question est, si la confédération proposée iroit sûrement à son but et seroit suffisante pour donner à l'Europe une paix solide et perpétuelle.

La seconde, s'il est de l'intérêt des souverains d'établir cette confédération et d'acheter une paix constante à ce prix.

Quand l'utilité générale et particulière sera ainsi démontrée, on ne voit plus, dans la raison des choses, quelle cause pourroit empêcher l'effet d'un établissement qui ne dépend que de la

volonté des intéressés.

Pour discuter d'abord le premier article, appliquons ici ce que j'ai dit ci-devant du systême général de l'Europe, et de l'effort commun qui circonscrit chaque puissance à peu près dans ses bornes, et ne lui permet pas d'en écraser entiè rement d'autres. Pour rendre sur ce point mes raisonnements plus sensibles, je joins ici la liste des dix-neuf puissances qu'on suppose composer la république européenne; en sorte que,

chacune ayant voix égale, il y auroit dix-neuf

voix dans la diéte:

SAVOIR;

L'empereur des Romains.
L'empereur de Russie.

Le roi de France.
Le roi d'Espagne.
Le roi d'Angleterre.
Les états-généraux.
Le roi de Danemarck.
La Suède.

La Pologne.

Le roi de Portugal.

Le souverain de Rome.

Le roi de Prusse.

L'électeur de Bavière et ses co-associés.
L'électeur palatin et ses co-associés.
Les Suisses et leurs co-associés.

Les électeurs ecclésiastiques et leurs associés.
La république de Venise et ses co-associés.
Le roi de Naples.

Le roi de Sardaigne.

Plusieurs souverains moins considérables, tels que la république de Gênes, les ducs de Modène et de Parme, et d'autres, étant omis dans cette liste, seront joints aux moins puissants, par forme d'association, et auront avec eux un droit de suffrage, semblable au votum curiatum des comtes de l'empire. Il est inutile de rendre ici cette énumération plus précise, parceque, jus

qu'à l'exécution du projet, il peut survenir d'un moment à l'autre des accidents sur lesquels il la faudroit réformer, mais qui ne changeroient rien au fond du systême.

Il ne faut que jeter les yeux sur cette liste pour voir avec la dernière évidence qu'il n'est pas possible ni qu'aucune des puissances qui la composent soit en état de résister à toutes les autres unies en corps, ni qu'il s'y forme aucune ligue partielle capable de faire tête à la grande confédération.

Car comment se feroit cette ligue? seroit-ce entre les plus puissants? Nous avons montré qu'elle ne sauroit être durable; et il est bien aisé maintenant de voir encore qu'elle est incompatible avec le systême particulier de chaque grande puissance, et avec les intérêts inséparables de sa constitution. Seroit-ce entre un grand état et plusieurs petits? mais les autres grands états, unis à la confédération, auront bientôt écrasé la ligue: et l'on doit sentir que la grande alliance étant toujours unie et armée, il lui sera facile, en vertu du quatrième article, de prévenir et d'étouffer d'abord toute alliance partielle et séditieuse qui tendroit à troubler la paix et l'ordre public. Qu'on voie ce qui se passe dans le corps germanique, malgré les abus de sa police et l'extrême inégalité de ses membres y en a-t-il un seul, même parmi les plus puissants, qui osât s'exposer au ban de l'empire en blessant ouvertement sa constitution, à moins qu'il ne

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