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es de la nation font fans propriétés, quel vafte champ. pour l'intrigue, fi le roi n'inftitue pas les juges! Le candidat mettra une partie de la fortune à corrompre le peuple; & cette vénalité fera plus dangereufe que l'an

cienne.

S'il m'étoit permis d'énoncer mon opinion, je dirois que j'ai toujours penfé que le roi doit nommer les juges; mais vous avez décrété le contraire. Les principes démocratiques ont fait de tels progrès, qu'aujourd'hui les plus fages même ont perdu de vue cette vérité. Je me borne à couclure, conformément au projet du comité, à ce que le peuple élife, & le roi confirme les juges.

M. Chabroud a dit: rien n'eft plus dangereux que de remettre entre les mêmes mains les différentes branches du pouvoir exécutif. .... Ici l'opinant a été interrompu.

M. de Virieu, fur le front du quel on lira toujours un parjure mental, s'eft écrié: «Laiffez donc faire ces aveux ; nous fommes trop heureux qu'on les faffe. » Cependant l'opinant a continué: I faut bien fe garder de laiffer le pouvoir executif s'emparer du pouvoir judiciaire, fans quoi il n'aura plus de bornes. En vain nous citera-t-on l'exemple de nos aïeux: Nos aïeux étoient des hordes de fauvages, & dans des temps plus rapprochés, des hommes paffant leur vie au milieu des camps: il falloit bien que le roi qui leur commandoit eût le droit de juger leurs difficultés. L'habitude de juger s'eft perpétuée parmi les rois; mais ce droit n'eft pas pour cela inhérent au trône; le peuple a le droit de le reprendre & de le déléguer ; & l'intérêt public demande qu'il ne le délègue point entre les mains du pouvoir exécutif. La fonction de ce pouvoir eft de faire exécuter les jugemens, mais il ne doit y avoir aucune influence.

Il a conclu pour que le roi n'eût aucune influence dans l'institution des juges, & que les fonctions fe bornaffent à donner des patentes a aux juges pour la noto

riéré de leur création.

M. l'abbé Maury a commencé par définir le pouvoig

exécutif. C'est, a-t-il dit, la force publique appliquée à la loi. Il a rappellé ce décret folemnel, & que perfonne ne lui contefte : le pouvoir exécutif fuprême réfide effentiellement entre les mains du roi. Où fera donc l'influence du monarque fut les jugemens, s'il ne participe en rien à l'inftitution des juges? - C'est demander fans s'en appercevoir, comment le roi ferat-il defpote, puifqu'il n'aura pas dans les tribunaux des créatures à lui? Voilà comme on raifonne, lorsque l'éloquence n'eft pas fondée fur des principes de moralité & de vertu. M. l'abbé a plus fait, il a avoué, dans les élans de fon éloquence, une vérité incontestable, mais qu'il étoit de fon devoir & de fes principes de taire. La yoici les rois fe font emparés du pouvoir judiciaire. Perfonne n'en doute; & c'eft pour les empêcher de le faire à l'avenir, qu'il faut prendre les plus grandes précautions.

En vain M. l'abbé Maury a-t-il voulu faire oublier cette vérité par de belles figures, des comparaisons éblouiffantes, des citations favantes. Quand il me dira que la justice eft l'emblême de la royauté; quand M. l'abbé eût dit que la royauté eft l'emblême de la divinité on ne lui contefteroit pas ces vérités. Mais on lui répondra avec raison : vous, M. l'abbé Maury, qui connoiffez fi amplement votre histoire, combien dans le monde entier comptez-vous de rois qui ont été réellement l'emblême de la divinité? M. l'abbé répondroit, en dépit de fes principes, que fur cent rois, à peine en peut-on compter quatre, qui n'aient été que ce qu'ils devoient être.

Un vrai roi eft prefqu'un dieu; mais Titus même ne fut pas un vrai roi; Titus eut des défauts.

M. l'abbé a comparé la conftitution à un vafte & fuperbe édifice. L'affemblée nationale en pofe les fondemens; c'eft elle qui taille & qui cimétrife les pierres de l'édifice; le roi en eft le ciment. Cette figure eft vraie, le tout eft d'appliquer le ciment. Sans doute, il faut que toutes les parties foient liées; mais il ne faut pas que le ciment domine. L'expérience nous a appris

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que la fcie & le marteau ne mordent pas facilement fur un ciment couvert de la craffe des abus.

M. l'abbé s'est écrié en finiffant: Eft-ce donc là cette force que vous vous propofiez de rendre au pouvoir exécutif, & que vous prétendiez devoir réfuiter de la couftitution?

M. de Mirabeau a répondu par des idées aux belles phrafes de M.l'abbé. Il a commencé par faire fentir que Ï'on n'étoit pas d'accord fur le fens du mot d'inftitution: les uns entendent par-là de fimples provisions; d'autres entendent par-là la difpofition du droit même de juger; de-là la fluctuation des idées.

L'unité du pouvoir exécutif eft indépendante de la nomination des juges: fon unité n'eft pas attaquée dans le pouvoir judiciaire, lorfqu'on lui referve de faire exécuter les décrets & les fentences des juges.

C'est donc un fophifme de dire que c'eft divifer le pou voir exécutif, que de ne pas lui donner de l'influence dans l'établiffement des juges?

M. de Mirabeau a conclu pour l'ajournement. Après bien des débats, & des cris de la part de la minorité la question a été ajournée à demain, & la féance s'est levée à quatre heures,

A la féance du foir, on s'eft occupé du projet de la municipalité de Paris, dont il a été décrété quelques articles.

Séance du jeudi 6 mai 1790.

MM. Muguer & Roederer ont fait lecture des procèsverbaux des deux dernières féances.

L'affemblée a repris l'ordre du jour, qui étoit de continuer la délibération d'hier.

M. de Beaumets a obfervé que les mots d'inftitu-/ tion & d'inveftiture, dont on s'étoit fervi hier, étoient obfcurs, & avoient coûté à l'Europe le fang de deux millions d'hommes, lors des fameufes querelles des empereurs & des papes. Il a propofé de pofer la queftion fous une forme adoptée après des débats qui ont occupé les trois quarts de la féance; car MM. le Chapelier, Delley, d'Agier & Malouet, ont pofé aufli la question à

leur manière. Tantôt la priorité étoit invoquée pour l'une ou l'autre de ces rédactions nouvelles, tantôt pour celle qui fut hier la matière de la difcuffion. Enfin la priorité a été accordée à celle de M. de Beaumets; mais on a été fur le point d'être obligé, pour une miférable priorité, de fe fervir de l'appel nominal que demandoit de toutes forces le côté droit, ou plutôt M, de Folleville, à la tête d'une vingtaine d'aboyeurs. Voici les trois questions que M. de Beaumets a fubftituées à celle d'hier.

Le roi aura-t-il le pouvoir de refufer purement & fim-plement fon confentement à l'admiffion d'un juge nommé par le peuple?

Les électeurs préfenteront-ils auffi plufieurs fujets, pour qu'il choififfe parmi les sujets proposes?

Le juge élu par le peuple recevra-t-il du roi des lettres-patentes fcellées du fceau de l'état ?

:

M. Malouet a comba tu cette férie de queftions : la décision de la première, a-t-il dit, préjuge les deux autres. Cette première question, jugée à la négative, décide la démocratie: Oui, Muffieurs, je ne crains pas de le dire, le nation pofféde éminemment la fouveraineté; mais une fection du peuple ne peut en exercer les droits cependant fi elle feule nomine un juge, c'est exercer le pouvoir judiciaire; c'est faire ce qui appartient au roi, dont émane ce pouvoir. Dire après cela que la justice fe rend au nom du roi, ce n'est plus que fe fervir de termes illufoires. Dans le fait, vous dépouillez le trône de tout ce qu'il a d'impofant, vous mettez fa dignité royale après fes tribunaux. En tout cas, je demande que la feconde queftionde M. Beaumets foit mife la première aux voix.

M. Barnave a fait fentir que les trois questions étoient très-diftinctes, & que la première ne préjugeoit en rien les autres. M. Malouet a-t-il con

:

tinué, vient de vous dire qu'une fection du peuple ne peut exercer le pouvoir judiciaire je lui réponds, que lorfqu'il s'agit de nommer un juge, la nation commet fes pouvoirs à un district, comme lorfqu'il s'agit de nommer à une législature, à une adminif

tration; l'analogie eft entière. Les juges exercent, dans chaque fection, au nom de la nation, comme le font les législateurs, les adminiftrateurs. La feconde objec tion eft que le pouvoir judiciaire émanant du roi, les officiers de juftice doivent tenir de lui leur pouvoirs. Je m'appuie fur Montefquieu, l'auteur favori des adverfaires, & je foutiens qu'il eft faux, fouverainement faux, que le pouvoir judiciaire foit une émanation du pouvoir exécutif. Quelle eft la pofition du pouvoir exécutif vis-à-vis des juges? Il est à côté du tribunal pour faire exécuter le jugement.

Enfin la décifion des deux premières queftions à la négative eft le palladium de la liberté. S'il en eft autrement, vous n'avez fait que changer le defpotifme, un defpotifme franc & ouvert qui n'attaquoit pas les mœurs, en defpotifme de corruption. Car les miniftres dépouillés de tout ce qu'ils avoient envahi, s'envelopperont d'autant plus dans cette dernière reffource. Ils emploiront tout pour féduire.

Quel eft l'homme vertueux qui fe mettra fur les rangs? Le choix du ministre l'humilieroit en définitif. Le candidat fera obligé de fe montrer franc & loyal devant le peuple; à la cour, bas & rampant devant un fubalterne, devant une femme. Je dis enfin que c'est dépouiller le peuple de ces droits pour les remettre dans les mains de la portion la plus corompue de la nation: je dis qu'on ne peut foutenir l'opinion de donner au roi le choix des juges, fans avoir pour objet de nous replonger dans l'efclavage. Je demande la queftion préalable fur la motion de M. Malouet.

La fuite au N. prochain.

*SULIVAN, prêtre, COSTARD, fecrét. & membres de la correspondancea ANNONCES.

Adreffe de l'affemblée nationale aux François, fur l'émission des Affignats monncie, 8°.

Ode patriotique dédiée aux repréfentans du peuple à l'assemblée nationale. Par M. N. Électeur de l'Evêché de Saint Malo, à l'affemblée du Peuple à Rennes.

RENNES, Chez R. VATAR, fils, libraire, 1790.

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