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SUPPLÉMENT au N. X X X.
Suite de la féance du mardi 4 mai.

Outre cette incapacité, a-t-il dit, il en existe unề
autre, fuite inféparable, & prefque inévitable de la
perfuafion où eft un homme nommé à une place à
vie, qu'il n'a plus à fe gêner; qu'il en fait affez.......
Il peut arriver que les menées, les intrigues, la
baffeffe même des candidats faffent élever aux nobles
fonctions de juges, des hommes qui ne le méritent
point. Les peuples feront done punis d'un inftant
d'erreur, & ils verront leur fortune & leur vie entré
les mains d'un être qui ne devra fa place redoutable
qu'à l'hypocrifie, ou à d'autres défauts auffi capitaux ?
L'opinion publique s'élevera contre de pareils juges
delà des haines, des animofités contre l'homme qui
applique la loi, peut-être même contre la loi elle-
même; car on confond affez volontiers, parmi le
peuple, la perfonne & la chofe même;

Enfin, M. Reubell a pofé l'article en ces termes : les juges peuvent-ils être réélus, oui ou non ?

Sur ce, M. Garat, l'aîné, mécontent de ce qu'on venoit de faire, s'eft écrié vous venez de rendre un décret qui nous donnera des juges fans fermeté & fans courage. A l'inftant des élections, les juges, pour être continués, intrigueront & feront gagner le procès à l'homme qui fe préfentera à leur tribunal , pour peu qu'ils aient l'efpoir qu'il peut leur gagner des fuffrages, & les faire continuer dans leurs fonctions. Vous n'avez point d'autre moyen de parer à cet inconvénient que de prohiber la réélection, fi ce n'est après un laps de temps.

M. de Virieù s'eft joint à M. Garat, & a conclu
comme lui.

M. Barnave a combattu pour la réélection; il a fair
fentir
efficace d'animer les gens
c'étoit un moyen
que
de bien à faire leur devoir de juges, & d'ôter aux
intriguans qui auroient capté le fuffrage de leurs con-
citoyens tout espoir d'être continués. Il a conclu à ce
que les juges puffent être réélus. Un vote prefque
unanime a confacré ce principe : ainfi il a été décidé,
Tom. IV
Abonnement de mai.

(

Queles juges pourroient être réélus fans intervalle. La féance s'eft levée à trois heures.

Séance du landi 3 mai, au foir.

A l'ouverture de la féance, on a fait lecture d'un grand nombre d'adreffes envoyées à l'affemblée natio nale par des affemblées primanes, & différentes municipalités; on a diftingué fur cut l'adreffe de 68,000 hommes armés des provinces d'Aunis, Saintonge, & Poitou, qui annoncent le dévouement le plus parfait aux décrets de l'affemblée, & la ferme résolution de les maintenir de tout leur pouvoir, Cette adreffe fera

inférée dans le procès-verbal.

M. Defmeuniers a commencé le rapport fur l'organifation de la municipalité de Paris. :

Il y a eu une affez longue difcuffion.

Je me contente de donner l'article décrété. Article premier du décret fur l'organisation de la municipalité de Paris.

L'ancienne municipalité de la ville de Paris, & tous les offices qui en dépendoient, la municipalité provifoire, fubfiftante à l'hôtel-de-ville, ou dans les fections de la capitale, connues aujourd'hui fous le nom de diftrict, font fupprimées & abolies; & néanmoins la municipalité provifoire, & les autres perfonnes en exercice, continueront leurs fonctions jusqu'à leur remplacement. >>

La féance s'eft levée à dix heures.

Séance du mardi 4 mai 1790.

M. de Laipaud a lu le procès-verbal de la féance d'hier matin.

Un membre du comité des finances a expofé que le comité avoit été confulté pour favoir fi les notaires & hifiers des gabelles étoient fupprimés.

Il a propofé un projet de décret; il a été adopté comme fut:

Décret. L'affemblée nationale, fur le rapport de fon comité des finances, déclare que les notaires & huifiers aux greniers à fels ne font point compris dans les difpofition de l'article 2 du décret du 23 avril der

mier; en conféquence, elle décrète que ces officiers continueront, comme par le paffé, les fonctions qu'ils exerçoient en concurrence avec les autres notaires & huiffiers, & ce, jufqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu. »

A l'ordre du jour étoit la queftion de favoir pendant combien de temps les juges refteroient en place & en activité.

M. Milfcent a ouvert la difcuffion : On a avancé que les juges, s'ils rettoient longtemps en fonctions, entreprendroient fur la liberté du peuple; mais on ne l'a pas prouvé. En effet, comment concevoir que des juges nommés par le peuple, expofés à la cenfure fille natu relle de la liberté de la preffe, pouvant être traduits, par tout citoyen, devant leurs fupérieurs, s'ils prévariquoient, ne participant en rien à la légiflation, comment concevoir, dis-je, que de pareils juges pourront attaquer la liberté ?

On vous propofe de limiter à trois ans la durée des fonctions de juges; mais ce n'eft qu'au bout de ce temps qu'ils ont acquis quelque expérience: ils feront continués, me répondra-t-on; mais l'intrigue, la cabale, les refpecteront-ils ? Le chicaneur qui aura perdu fon procès criera partout au moment de l'élection, qu'il a été jugé avec partialité. Le juge doit-il defcendre dans l'arêne pour répondre à cette efpèce d'efcrime? Si vous fixez les élections à des époques trop rappro chées, les juges intégres & éclairés le décourageront. Les avocats employés n'abandonneront pas leur cabinet. Les autres ne font avocats que de nom; ils ne peuvent être juges, parce qu'ils n'en ont pas la capacité.

La carrière d'un juge étoit de vingt ans ; après ce terme il obtenoit des lettres de vétérance. Je propose dix ans pour la durée de fes fonctions; & s'il étoit élu trois fois, c'eft-à-dire, après vingt ans d'exercice, je voudrois que l'affemblée nationale décrétât une rés compenfe.

M. Muguet a propofé quatre ans. Nommer les juges pour dix ans, a-t-il dit, c'eft, fous d'autres termes, les nommer à vie. Quand la première élection populaire feroit le fruit de l'intrigue, fe feroit une raifon d'en tenter une secondę.

M. d'André: On vient de vous dire que la magiftrature est une profeffion, que l'expérience des juges ne s'acquiert que par une longue habitude; de-là je concluerois qu'il faut des juges inamovibles : vous les avez profcrits; écartons donc ces moyens. Je propofe quatre ans. Un avocat peut quitter fon cabinet pour quatre ans, & s'il s'eft bien conduit comme juge, il fera loin d'avoir perdu la confiance.

Il faut, a dit M.Voydel, que le terme foit affez long pour que l'opinion publique puiffe fe fixer, & pas affez pour que le prévaricateur en abufe. Je limite la durée à fix ans.

Enfin, après bien des fluctuations, & de ces impatiences caractéristiques d'une grande affemblée, après plufieurs épreuves douteufes, M. Prieur a propofé d'aller aux voix fur l'alternative de fix ou huit ans.

L'affemblée confultée à cet effet a décidé conformément à l'opinion de M. Prieur. Sur 851 votans 577 ont été pour que les juges fuffent réélus au bout de fix ans, & 274 pour qu'ils ne le fuffent qu'au bout de huit ans. La féance s'eft levée à trois heures & demie.

Séance du foir, 4 mai.

Entre autres adreffes a été lue celle de la municipalité de Rennes, qui offre de prendre part pour trois millions dans l'acquifition des biens eccléfiaftiques, aux mêmes conditions que la municipalité de Paris, & celle de la petite ville de Panat, en Bourbonnois, qui demande d'y participer pour cinq cent mille livres.

Un membre du comité des rapports a rendu compte des troubles qu'ont produit à Touloufe le fanatifme & la fupperftition. Les citoyens s'y feroient égorgés, le zo avril dernier, fans la conduite fage, prudente & patriotique de la municipalité.

Le décret qui eft intervenu dans cette affaire porte que l'affemblée approuve la fage prévoyance de la municipalité de Toulouse, & renvoie au comité des recherches des écrits anonymes, & un ordre donné par un vicaire-général de cette ville, en vertu duquel la tranquillité publique a été troublée.

6 SULIVAN, prêtre, CoSTARD, Secrétaires & membres de la correfpondance.

RENNES, Chez R. VATAR, fils, libraire, 1790.

No. XXX1

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Du lundi 10 mai 1790.

BULLETIN DE LA CORRESPONDANCE

DE RENNES.

Paris & Mai 1790.

Suite de la féance du 4mai au foir 1990.

M. Huot étoit chargé du rapport de l'affaire de Tous louse, qui a pensé avoir les fuites les plus funeftes, & rendre cette ville encore une fois le théâtre du fanas tifme & de fes horreurs. « Toujours difpofé à anathématifer quiconque ofe toucher à l'encenfoir, le clergé de Toulouse a fait imprimer avec profufion cinq à fix petits livrets dignes d'être comparés, pour la pieuse démence qui y règne, à ces écrits du quinzième fiécle, enfantés par le fanatifme & dictés par l'ambition la plus coupable. On vouloit faire revivre probablement, dans le dix-huitième fiècle, les guerres de la Fronde. Il y a trop long-temps, fans doute, que cette malheureuse terre méridionale ne s'abreuve plus du fang humain. Tout doit être à feu & à fang, puifque déformais les prêtres ne font plus une claffe privilégiée, puifqu'on leur ôte l'adminiftration du patrimoine des pau vres; adminiftration dont toute la génération présente attefte la fageffe, prône l'économie & la conduite, au point qu'on dit par-tout que tous les pauvres étoient contens. Ces livrets étoient intitulés, l'un Prières chrétiennes aux pieds de la croix ; au aútre Avertissement Tom. 17. Abonnement de mai

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