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feconde qu'en première inftance. Qu'est-ce qu'il faut'; a-t-il dit, pour faire un bon juge? toutes les vertus paifibles & domeftiques qui font le bon pète de famille. Or ce père de famille quittera-t-il fes habitudes les plus chères, pour devenir cofmopolite, paffer l'année parcourir les diftricts de fon département & mener une vie errante? S'il eft élu, il refusera; & c'eft une forte de violence que d'obliger les citoyens à nommer ceux en qui ils n'ont placé leur confiance qu'au fecond dégré. L'autorité des juges ne fera plus un coloffe comme autrefois. Il ne leur reftera que les épines de leurs fonctions. Si vous leur enlevez les feules jouiffances de l'homme de bien, celle qu'il trouve au milieu de fa famille, de fes amis, quel fera leur dédommage

ment?

En fecond lieu, comment un uge qui fera continuellement en route, pourroit-il confacrer le tems néceffaire à l'étude ? Ce fera-t-il accompagner de fa bibliothéque? Noa, Le voilà donc livré à lui-même. On dit qu'il faut rapprocher de la juftice les jufticiables, & prévenir la prédilection ou les animofités des juges pour leurs concitoyens. Mais d'abord dans le nouvel orde des chofes, les tribunaux feront multipliés. La premiere objection eft donc nulle. Quant à la feconde, vous pouvez ordonner que les différens juges feront pris, autant que poffible, dans les différens diftricts: ; par-là les affections particulières, balancées ainfi les unes par les autres, les juges feront forcés de ne s'oc◄ cuper que du bien général. La vénalité abolie, l'éligibilité adoptée, le peuple fera tomber fon choix fur l'homme vertueux & impartial. Ayons meilleure opinion de nos femblables: croyons que d'autres tribunaux, d'autres inftitutions fociales ameneront d'autres hommes; croyons que l'homme qui a des vertus ne les abandonnera pas, parce qu'il eft nommé juge; fon honneur celui de fa famille lui preferira de conferver l'eftime de fes concitoyens. Je conçois qu'on trouvera encore d'honorables victimes qui fe dévoueront pour la chofe publique. La révolution a propagé cet efprit en France. Mais ne feroit-il

pas poffible de concilier leur jouiffance avec leur devoirs? D'après vos excellentes réformes, il y aura moins de procès fans doute; mais ces réformes mêmes en produiront beaucoup dans l'origine. Je conclus à la permanence des tribunaux d'appel.

La compofition des tribunaux, a dit M. Thouret eft la partie la plus délicate de l'ordre judiciaire. Je tiens toujours au tribunal que je vous ai propofé partagé en deux fections, dont l'une fédentaire, l'autre ambulante. C'eft le moyen d'affoiblir l'influence & l'autorité des cours. Un tribunal fouverain, compofé de vingt juges, dominant, comme on vous le propose par économie, fur quatre départemens, pourroit, par fon étendue territoriale, par fa population, par fa permanence, caufer des troubles, & par une confédération avec fes pareils, nous retracer les funeftes exemples de ces parlemens que vous venez d'anéantir. Dans les tribunaux que je vous propofe, il n'y a ni corporation permanente, ni confédération inquiétante, puifqu'ils font peu nonbreux. D'ailleurs, où trouver dans quatre départemens une ville, précisément au centre, pour y placer le fecond tribunal que la fuppreffion des préfidiaux oblige d'aller chercher immédiatement en cas d'appel?

La fuite au N. prochain. 6 SULLIVAN, prêtre, COSTARD, Secrétaire fecrétaire& membre de la & membre de la corref correfpondance. pondance.

Extrait du Patriote François; le 29 avril 1790.

La municipalité d'Angers vient d'arrêter que fes féances feroient publiques; & c'eft un exemple qui doit être imité par le confeil de chaque municipalité & département: les feuls directoires doivent, être fecrets. Cette publicité aura deux bons effets, éclairer le peuple, & tenir fes magiftrats dans les bornes du devoir.

Chez R. VATAR, fils, Libraire, Imprimeur de la Correfpondance de Rennes à l'Affemblée nationale, & du Préfidial, rues Châteaurenault & de l'Hermine, No 791, au premier étage.

No. XXX.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Du vendredi 7 ༡ mai 1790.

BULLETIN DE LA CORRESPONDANCE

DI RENNES.

Suite de la féance du Dimanche a mai 1990.

La fection fédentaire fournira des juges ftudieux. La fection ambulante s'y réuniffant, rendra le tribunal plus impofant, fans offrir une corporation dangereufe. Trois juges inftruiront, cinq jugeront fur le rapport d'un fixième. Ce nombre eft fuffifant. Un plus grand nombre de juges feroit auffi fouvent une addition d'erreurs qu'une addition de lumières.

Je joins auffi l'économie. D'après les calculs du comité, les frais fe monteroient à 9 millions. Je les réduis à 5. Cette confidération feroit nulle, fans doute, fi l'administration de la justice devoit en fouffrir; mais elle peut entrer en confidérations, lorfqu'il n'en est pas ainfi. Enfin, une dernière obfervation eft que la réunion de plufieurs départemens, fous un feul reffort, détruiroit la nouvelle divifion du royaume, & cette unité de régime que vous avez voulu établir. M. Thouret a conclu à la formation d'un tribunal divifé en deux fections, dont l'une fédentaire jugeroit en première inftance, & la feconde ambulante jugeroit par appel.

M. Tronchet lui a fuccédé à la tribune. Le but direct de l'organisation judiciaire, a-t-il dit, eft d'obtenir une bonne administration de la juftice: or, voyons fi les moyens qu'on vous propofe y conduifent. On vous dit que la juftice rendue par des juges ambulans. fera plus facile, plus prompte, moins difpendieufe & Tom. IV. Abonnement de mai,

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plus jufte, fi je peux m'exprimer ainfi. D'abord, elle ne fera pas plus facile. Il n'eft pas besoin que le jufticiable foit toujours auprès de fon juge, puifque les follicitations ne feront pas admifes.

La justice ne fera point plus prompte; il eft des proces d'un genre tout particulier, pour lefquels il faut néceffairement des délais. Tous les procès ne commençent pas le même jour. Dans un tribunal permanent, un procès s'inftruit pendant que l'autre fe juge. Dans vos tribunaux d'aflifes, il faudra que tous vos procès soient inftruit à une époque fixe, ce qui ne fera pas poffible : tel procès qui demandoit encore huitaine pour être inftruit, ne fera donc pas jugé lors de la tenue des affifes, & le jugement en fera remis à un an? cependant, dans un tribunal permanent, il eût été jugé fous quinzaine. 11 s'en fuit que la juftice ne fera point plus prompte. Vous ne pourriez parer à cet inconvénient qu'en établiffant quatre affifes par an; vous tomberiez dans un autre inconvénient plus grave encore; les frais de juftice deviendroient plus difpendieux que jamais par le déplacement continuel de vos juges ambulans.

Vous voulez arracher les plaideurs des mains des avocars, des gens de pratique, qui s'engraiffent du fang des peuples! Mais les moyens que quelques préopinans vous indiquent, je veux dire l'établissement des juges d'affifes, n'empêcheront aucun des abus anciens. L'homme fufceptible de corruption fera toujours le même homme, quoique vous le rendiez ambulant ; la corruption galopera avec lui. Ce n'est point donc là le moyen de remédier au mal; il faut l'attaquer dans fa fource; c'est dans la réforme de la jurifprudence, de la légiflation que vous trouverez le remède propre & efficace à ce mal invétéré.

M. Tronchet a enfuite examiné ce qui peut procurer une bonne juftice. Deux chofes : 1°. les lumières extérieures, c'est-à-dire, les enquêtes, les informations & les inftructions; 2°. les lumières intérieures, qualités inhérentes à la perfonne du juge, l'application, l'étude, la droiture du coeur, & la jufteffe de l'efprit.

En admettant les juges d'affifes, les inftructions

reftent toujours les mêmes; car vos juges ambulant feront obligés de s'en rapporter aux inftructions déjà faites aux tribunaux fdentaires; & comme on juge toujours d'après les inftructions, ce jagement en feconde inftance fera à-peu-près illufoire, puifqu'il ne fera que confirmer le premier, & que les inftructions refteront toujours ès mêmes mains. De-là il s'enfuit que les juges d'affifes feront privés de ces lumières extérieures. Il a prouvé également qu'un juge ambulant ne pourroit point avoir les lumières intérieures qui lui feront néceffaires. Il ne pourra être appliqué, il ne pourra sę recueillir, il ne pourra confulter fa bibliothèque ; & quelque inftruit que vous le fuppofiez, a-t-il dit, fa mémoire peut lui faire faux-bond Un homme qui veut juger fainement doit réfléchi, doit mûrir fon jugement; & pour ce, il faut qu'il puiffe combiner les opinions des grands hommes qui ont exifté avant lui, non pour juger comme eux, mais pour difcuter avec foi-même, fe combattre, & parvenir par ce moyen, à un fage réfultat. En vain nous dira -t-on qu'il faut brûler tous nos in-folio, il en eft qu'il faut réferver. Quant à nos livres de jurifprudence, à la bonne heure; moi même je brûlerai tous ceux que vos fages reformes ont rendus & rendront encore inutiles.

M. Tronchet eft paffé enfuite à la grande objection que l'on fait contre la réfidence des tribunaux d'appel; que c'eft créer de nouveaux parlemens. J'avertis d'abord que je ne veux, a-t-il dit, ni de la chofe, ni du nom. Ces tribunaux ne pourront jamais être ce qu'étoient nos parlemens, & même il ne pourront jamais le devenir, parce qu'ils trouveront toujours des obftacles invincibles fur leur route. D'ailleurs la conftitution des uns & des autres eft effentiellement différente. Les parlemens prenoient part à l'adminiftration, à la législation. Les états de 1560 les avoient autorisés à fe regarder comme les intermédiaires entre le roi & le peuple : delà la latitude de leur pouvoir. Pour être admis dans un parlement, il falloit être riche, puiffant, décoré d'un grand nom. Aujourd'hui vos tribunaux feront roUS

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