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la dignité de la religion, & au caractère de l'affem blée nationale.

» Décrète qu'elle ne peut ni ne doit délibérer fur la motion propofée, & qu'elle va reprendre l'ordre du jour concernant les dîmes eccléfiaftiques ».

Après avoir fermé la difcuffion par un décret rendu à la pluralité des fuffrages par appel nominal, on a demandé la priorité pour celle de M. de la Rochefoucault. Une majorité marquée avoit fait prononcer à M. le préfident qu'elle avoit obtenue cette faveur; mais la mauvaife humeur de la minorité lui faifoit encore invoquer un fecond appel nominal quand MM. Malouet, Montlaufier, l'abbé Desmarre, & plufieurs prélats ont déclaré que la majorité étoit en faveur de la motion de M. de la Rochefoucault. Un de MM. les fecrétaires étoit déjà à la tribune pour commencer l'appel, lorfque la force de la vérité & l'aveu de ces membres de la minorité ont laiffé au préfident la liberté de prononcer fur la motion fufdite. On en a fait une troisième lecture. M. Duval d'Eprémefnil s'eft préfenté à la tribune fous prétexte de l'amender. Il a débuté ainfi Je rappelle à l'affemblée qu'il n'y a point de pays policé qui ne reconnoiffe une religion de l'état. J'obferverai que le refpect de la religion catholique, apoftolique & romaine ne doit pas empêcher de déclarer dans cette affemblée quelle eft la religion nationale. Cette déclaration doit être faite en termes fimples, clairs fans aucune équivoque. La rédaction de M. de la Rochefoucault n'a point ce caractère: les termes en font tortueux, embaraffés; je l'obferve à tous les chrétiens fincères comme moi. Ici on n'a pu s'empêcher de rire un inftant. Cependant ce chrétien fincère a continué: quant les juifs virent jefus-chrift étendu fur l'arbre de la croix, ils lui dirent: «je vous falue roi des juifs. » L'orateur s'eft contenté d'une réticence, & eft defcendu de la tribune.

M. de Mirabeau l'aîné a dit que l'opinant devoit être rappellé à l'ordre.

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M. de Clermont Lodeve remplaçant le préopinant a débuté ainfi M. le préfident, fi vous ne rappellez M. de Mirabeau (l'aîné) à l'ordre, je lui apprendrai le respect qu'il doit à l'affemblée...... M. le préfident, ftrictement attaché à fon devoir. & fentant toute la dignité de fes fonctions, a confervé fon fang-froid, a pris en main le réglement de

l'affemblée, & a enjoint fermement à l'opinant, en le rap pellant à l'ordre, de fe renfermer dans la question.

M. de Clermont Lodeve a trouvé étonnant que l'affemblée nationale balançât à déclarer la religion catholique, apoftolique & romaine, la religion nationale. On prétexte en vain que les faits la déclarent affez hautement je n'en doute point; mais l'affemblée peut-elle fe compromettre en reconnonlant une vérité qui eft grayée dans le cœur de tous fes membres? S'eft-elle compromise en déclarant que la couronne étoit héréditaire dans la maifon de Bourbon, que la perfonne du roi étoit facrée & inviolable? Non fans doute. Eh bien! c'eft ici la même chofe. Ce qu'elle a fait pour le roi, elle doit à plus forte raifon le faire pour la religion.... Pourquoi voulez-vous nous donner l'échange, s'eft-on écrié à la gauche du préfident, & pourquoi ne nous parle-t-on jamais de religion, que lorfqu'il s'agit des intérêts du clergé. Nous la reconnoiffons, cette religion fainte, une & éternelle. Les faits prouvent affez notre refpect & notre devouement pour elle.

M. Deftourmelle, pouffé par la timorité de fon ame & la fainteté de fon ferment à fes commettans, a lu l'article de fes cahiers qui lui enjoint de maintenir & conferver la conf titution du Cambrefis, jurée par Louis XIV en 1677. Cet article eft ainfi conçu: « Je jure (c'eft Louis XIV qui parle) de maintenir la religion catholique, apoftolique & romaine fans permettre la liberté de confcience ni aucun prêche ». Le préopinant a fait un amendement conforme à l'article de fon cahier.

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M. de Mirabeau l'aîné étoit à la tribune; le parti droit ne vouloit point l'entendre ; cependant, après beaucoup de tumulte, M. de Folleville a capitulé. Nous confentons à entendre M. de Mirabeau major; mais à condition que M. de Mirabeau junior fera entendu ( ce font là fes expreffions. La trêve à été conclue à fes conditions. M. de Mirabeau major, fans entrer dans la difcuffion, il ne le devoit pas puifqu'elle étoit fermée, s'eft contenté de rappeller ce qui étoit arrivé à la féance du 13 février dernier, où la même motion, faite par M. l'évêque de Nanci, avoit caufé le même trouble dans l'affemblée, où il avoit été déclaré folemnellement, & à l'unanimité, que ce feroit faire une injure à l'assemblée nationale, que de douter un feul inftant du refpect qu'elle apour la religion de fes pères.

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Un des préopinans, a-t-il dit, nous a rappellé une claufe de la capitulation du Cambrefis, mais fous un règne que je ne qualifie point ici, où la révocation de l'édit de Nantes a eu lieu; je laiffe à penfer fi on peut citer à l'affemblée" conftituante de France un tel modèle à imiter; mais puifqu'il eft permis de citer ici l'hiftoire, je vais rapporter un fait hiftorique. De la tribune où je parle, de l'endroit où je fuis, on peut voir la fenêtre ou Charles IX, égaré par le fanatifme, tira le coup d'arquebufe qui fut le figual de la Saint Barthelemi. Des vérités auffi hardies n'ont fait qu'augmenter encore le trouble & l'aigreur opiniâtre: cependant M. de Foucault a élevé fa voix de tonnerre au-deffus des clameurs de l'affemblée: Si nous n'avons pas la liberté de parler, notre miffion eft finie.

Perfonne ne le troubloit; il parloit même hors fon rang, & fans avoir obtenu la parole: les voilà ces factieux, les voilà ces defpotes, &c. &c. Pour couper court à ces déclamations, M. le préfident a fait encore relire, pour la cinquième fois, la motion, pour terminer la délibération s'il étoit poffible; mais inutilement. La minorité déchaînée le plaignoit du defpotifme de la majorité; &, par une de ces inconféquences que l'efprit de parti empêche de voir & de fentir, cette animofité vouloit cominander & exerçoit un véritable defpotifme, puifqu'il eft de principe que l'on doit céder au vou du plus grand nombre, & elle y réfiftoit opiniâtrement; elle réclamoit la liberté des opinions.

La majorité a cédé à la minorité; elle a entendu 1o. M. de Mirabeau junior dire: fi le fanatifme a abufé du nom facré de la religion, pour caufer les horreurs de la Saint Barthélemi, les fcélèrats fe font fervi du nom facré de la liberté pour violer l'afyle de nos rois. Après cette belle tirade M. de Foucault a interpellé ainfi MM. le maire de Paris & le commandant de la garde nationale. Je dis à l'un qu'il faffe retirer ces citoyens attroupés autour de la falle, à l'autre ces foldats armés qui nous environnent. Mes commettans ne m'ont point envoyé ici pour faire des loix le fabre à la main; dites le fabre fur la tête, s'eft écrié Mirabeau junior, mais rien n'eft capable d'intimider notre courage.... M. de la Fayette, à de telles interpellations, a répondn, avec le fang-froid qui caractérise la vertu d'un fage: M. le maire de Paris m'a Communiqué fes craintes fur des troubles, qui fans doute font peu fondés, j'ai cru devoir doubler la garde citoyenne

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toujours prête à facrifier fa vie pour maintenir la liberté dans les délibérations de l'affemblée nationale, & garantir l'inviolabilité de chacun de fes membres en particulier; je faifi cette occafion pour affurer de plus en plus l'affemblée nationale des fentimens inviolables de dévouement & de refpect de la garde nationale envers l'affemblée & fes membres.

Ce que j'ai dit plus haut, en parlant de MM. de Mirabeau & Cazalès, prouve la vérité & la fainteté du difcours de M. de la Fayette. Aufli a-t-il été applaudi prefque généralement. M. de Faufigny, de Saint-Simon, & quelques autres ont encore clabaudé quelques minutes; cependant ils fe font tus, honteux fans doute d'avoir douté un feul inftant de la pureté des intentions de la garde citoyenne. M. le préfident, pour fe conformer au décret ci-deffus, a confulté l'affemblée pour reinettre à demain l'ordre du jour, & l'affemblée après l'avoir décidé ainfi, s'eft levée à quatre heures & demie. Point de féance du foir.

La correfpondance de Rennes à l'assemblée nationale, prévient le public qu'elle n'avoue, qu'elle ne garantit d'autre bulletin que celui foufcrit de fes fecrétaires.

ó SULLIVAN, prêtre, COSTARD, Jecrétaire fecrétaire & membre de la & membre de la corref correspondance. pondance.

ANNONCES.

Recueil des décrets de l'affemblée nationale acceptés ou fanc tionnés par le Roi, feconde partie, contenant les décrets depuis le 6 novembre 1789, jusqu'au 31 janvier 1790 inclufivement, 80. La troisième partie inceffamment.

L'ami de la paix, où lettre d'un cure, membre de l'affemblée nationale, à fes paroiffiens, au fujet des troubles qui affligent fa Province, 8°.

On reçoit des abonnemens par la pofte, pour la province & pour tout je royaume. Le prix eft de 2 liv. 5 f. & 3 liv. par mois, franc de port. On prévient d'affranchir le port des lettres & de l'argent ; fans cette précaution les lettres ne feroient point reçues.

Chez R. VATAR, fils, Libraire, Imprimeur de la Correfpondance de Rennes à l'Affemblée nationale, & du Préfidial, rues Châteaurenault & de l'Hermine, N° 791, au premier étage.

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No. X X 11.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Du lundi 19 avril 1790.

BULLETIN DE LA CORRESPONDANCE

DE RENNES

M.

Paris 17 avril 1790.

Séance du mercredi 14 avril 1790.

Muguet a fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille; il ne s'eft élévé aucune réclamation : fur la rédaction feulement, on a obfervé fur une motion faite hier par M. Foucault, tendante à faire écarter de trois lieues du lieu des féances de l'affemblée nationale les troupes armées, qu'il falloit mettre les mo tifs M. Foucault avoit développés pour appuyer fa que motion. Cet incident a penfé être le fignal du tumulte; a craint de voir régner encore dans le fénat françois cette rumeur bruyante, que l'efprit de parti, l'intérêt & l'égoïfme y font régner depuis quelques jours.

on

M. de Cazalès s'eft préfenté à la tribune, fous prétexte de remercier la garde nationale des fervices qu'elle lui avoit rendus hier; mais, dans la réalité fon but étoit de perfuader que fon parti n'étoit pas li bre hier en délibérant & de jetter encore dans le foyer de la difcorde quelques alimens propres à la nour rir. Heureufement les faits démentent tout ce que ces meffieurs pourroient dire: La conduire des François oft Tom.IV Abonnement d'avrik

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