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SUPPLÉMENT au No. XV.

Suite de la féance du lundi 29 mars.

Dans ce développement, M. Duport à prouvé que les juges ne devoient en aucune manière prendre part à l'adminiftration; qu'ils ne devoient connoître que des conteftations entre citoyens, & conféquemment que leurs fonctions devoient fe borner à l'application feule de la loi, fans qu'il leur fût permis de l'inter préter. Il a diftingue, dans prefque toutes les procédures, le point de droit & le point de fait. Cés deux objets ne doivent point être confiés aux mêmes mains; de-là la néceffi é des juges des jurés : ceuxci détermineront les faits, ceux-là les appliqueront à la loi. Il a prétendu que l'établiffement des jurés étoit un des grands boulevards de la liberté.

Si les juges font nommés par le pouvoir exécutif, ils doivent être inamovibles, parce que l'inamovibilité rend le magiftrat plus propre à réfifter aux entreprises & aux caprices du pouvoir miniftériel. Si au contraire les juges font choifis par le peuple, ils doivent être amovibles, parce que le magiftrat amovible fera moins difpofé à fronder l'opinion publique. Dans l'un & l'autre cas le juge doit être inftitué par le pouvoir exécutif. De l'amovibilité de juge réfulte la néceffité d'un code de loix claires & fimples; de façon qu'un très-grand nombre de perfonnes foient à portée d'en faire l'application. Cependant la confidération que le peuple accordera au magiftrat demande que celui-ci refte longtemps en place. M. Duport propofe dans chaque canton un juge de paix chargé d'arranger les affaires un juge de police pour toutes les matières de police les fcellés, les tutelles, ratelles & inventaires par les campagnes, fe débarasseront de cet efprit de chicane qui pèfe fur elles plus lourdement que le defporifme & les impôts les plus défaftreux. Par là les campagnes recouvreront cette fimplicité qui peut feule affurer leur bonheur.

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Dans chaque ville de district l'auteur veut qu'il foit éta bli deux hommes de loi, dont les fonctions feront Tom. IV. Abonnement d'avril.

de préfider à l'élection annuelle des jurés, de leur expliquer les faits qu'ils doivent éclaircir, de recevoir leurs décifions, de rendre avec eux les jugemens d'inftruction & les fentences provifoires fur les affaires urgentes fans jugement définitif,

Les juges ambulans fe porteront fucceffivement dans chaque district pour le jugement des affaires dont l'inf truction aura été préalablement faite par devant les jurés.

M. Duport n'avoit pas fini; mais l'heure étant avancée, M. le préfident a levé la féance.

Séance du mardi.

Après la lecture du procès-verbal, M. le préfident annoncé à l'affemblée que M. le garde-des-fceaux lui faifoit part de l'acceptation & fanction que le roi avoit donnés à plufieurs décrets, tels qu'au décret concernant les religieux, à celui de la fuppreffion de la gabelle & autres; fur le remplacement de la fuppreflion des droits fur les anciens amidons, &c. à celui qui ordonne la remife au comité des finances, & à celui des penfions du livre rouge, c'està-dire de ce registre fecret du tréfor royai qui doir contenir la preuve de la plus fcandaleufe dilapidation, enfin à celui fur les droits féodaux, & fur Paliénation de 400 millions de biens du clergé & domaniaux à la municipalité de Paris.

Le mémoire de M. le garde-des-fceaux dont il a été fait lecture à l'affemblee, obferve que le vœu du monarque eft que le tréfor public vienne au fecours des familles ruinées par la fuppreffion, fans indemnité,des droits de péage, hallage & minage. 29. Que le roi a différé fon acceptation fur différens objets qui ont be foin d'interprétation, dont les uns regardent les départemens & les autres les finances. L'affemblée les a renvoyés aux comités refpectifs.

On a enfuite donné lecture de 2 arrêts du confeil; P'un porte qu'à l'avenir les enfans des officiers, tant de mer que de terre, pourront être reçus à S. Cyr ou dans les écoles militaires, fans qu'il foit besoin de faire aucune preuve de nobleffe.

L'autre caffe un arrêt de la chambre des vacations

du parlement dé Nancy, qui a jagé l'appel du fieur Rouleau, rejetté de la lifte des citoyens actifs dans une municipalité du reffort de ce parlement. L'arrêt du confeil fait défense au parlement de connoître à l'avenir de pareilles difficultés, & en réferve, confor mément à la conftitution, la connoiffance à l'affemblée nationale.

M. Goffin a repréfenté que, dans la Lorraine & lés trois Evêchés, les collecteurs refufoient de recevoir pour comptant les quittances du don gratuit, en déduction de l'impofition des eccléfiaftiques pour les derniers mois de 1789. En conféquence, l'affemblée à décrété » que dans la Lorraine, le Barrois & les » trois Evêchés, les collecteurs recevront pour comp >> tant les quittances du don gratuït, en déduction de » l'impofition des eccléfiaftiques pour les 6 derniers » mois de l'année 1789, & que ce décret aura fon » exécution dans toutes les provinces ou le don fuit à lieu.

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Aucun rapporteur ne fe trouvant alors à l'affemblée, M. le préfident a été chargé d'avertir les rapporteurs des différens comités de fe rendre dès le commencement des féances. 2". D'avertir en même tems tous les · membres de l'affemblée de fe trouver exactement, à l'heure de 9 heures, afin d'éviter la perte du temps.

M. Martineau a propofé que les membres qui font de plufieurs comités optent, afin que le travail ne foit pas concentré dans 40 ou 50 perfonnes

au lieu de 1200.

M. Garats'eft élevé contre ceux qui follicitent d'être membre de prefque tous les comités, & a fait remarquer qu'il étoit fcandaleux de voir plufieurs membres folliciter eux-mêmes des fuffrages pour entrer dans les comités, tandis que l'affemblée prend toutes les précautions poffibles pour déconcerter P'intrigue & la cabale.

M. de Traci a invoqué la liberté des fuffrages en difant que chaque membre avoit, fans doute, le droit de nommer à différens comités ceux que la confciencè lui difoit en être capables.

La difcuffion fur cet objet alloit fe continuer lorfqu'on a demandé l'ordre du jour, il a été faivi. M. Duport a récapitulé ce qu'il avoit dit le jour d'hier &

continué le développement de fon plan d'organisation de l'ordre judiciaire. Il a cité l'exemple de l'Angleterre, où la methode qu'il propofe eft fuivie avec fuccès: il a principalement infifté fur la difficulté de mettre actuellement ce plan en exécution à laquelle femble foppofer nos ufages, nos mœurs, nos coutumes; il ne s'eft pas diffimulé les inconviens d'un paffage fubit à un ordre de chofes fi différens de l'ancien & pour y préparer, il demande qu'il foit établi pour un temps des tribunaux pour juger les affaires commencées & celles qui auroient des rapports avec l'ancien régime. Mais ces tribunaux ne feront jamais à portée de l'organisation de l'ordre judiciaire. A la fin de foa projet, M. Duport a propofé plusieurs ar ticles conftitutionels comme fuit:

L'affemblée nationale décrète comme articles confe titutionnels ce qui fuit.

I. Le roi étant le chef du pouvoir exécutif fuprême, aucun jugement ne pourra être exécuté qu'en fon nom & par des officiers qui tiennent de lui leur autorité.

II. Il fera inftitué, dans tout le royaume, des jurés pour décider les queftions de fait, tant au civil qu'au criminel.

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III. En conféquence, aucun jugement ne pourra être rendy, tant au civil qu'au criminel, que les faits n'aient été préalablement convenus par les parties, ou décidés par les jurés.

IV.Les faits ayant été convenus entre les parties, op décidés par les jurés, le jugement fera rendu par des juges élus par les citoyens pour un temps déterminé.

V.Il fera défigné dans chaque district une ville pour y tenir les affifes, dans laquelle ville feront établis deux officiers de juftice, qui rempliront alternativement, l'up les fonctions de juges d'affifes, & l'autre celles qui doi vent être exercées fur les lieux, & qui feront déterminées.

» VI. Il fera établi dans les mêmes villes un officier deftiné à exercer les fonctions de la partie publique.

»VII.Les jugemens des juges d'affifes pourront être revuspardes grands juges,&lorfque ces jugemens auront été rendus contre la teneur précife de la loi, ils feront par eux caffés & renvoyés à d'autres juges d'affiles.

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»VIII. Les grands juges feront élus alternativement dans les départemens; ils feront communs à tout le royaume, & fe transporteront, pour rendre leurs jugemens, dans les chefs-lieux d'arrondiffement qui feront défignés à cet effet.

» IX. Dans chacun defdits chefs-lieux d'arrondiffement il fera établi un officier civil, pour faire devant les grands juges les rapports des affaires dont la révision aura été demandée, & un officier nommé par le roi, chargé de faire exécuter tous les jugemens qui auront été rendus dans toute l'étendue de l'arrondiffement.

» X. Les juges ne pourront s'arroger aucune fonction publique autre que celles qui leur feront expreffément attribuées par la conftitution, fous peine de forfaiture; & ils feront tenus, fous la même peine, de tranfcrire immédiatement & fans obfervations, & d'exécuter & faire exécuter fans délai, en ce qui les concerne, tous les décrets du corps législatif.

XI. Il fera, en outre, établi dans chaque canton un arbitre ou juge de paix, chargé fpécialement de concilier les parties. Ce juge fera fufceptible des diverfes fonctions qui lui feront attribuées, foit par cette convention, foit par les légiflatures, fans pouvoir jamais devenir un élément ou un dégré de la juftice contentieufe.

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Ce plan a été fort applaudi, à raifon des principes de morale qui en font la base, & des phrafes heureuses qui en font l'ornement; mais plufieurs parmi ceux même qui lui ont prodigué le plus d'éloges, le regarde comme un beau rêve, dont l'exécution eft impoffible.

M. Chabrou a lu auffi fon plan, dont le fond eft absolument le même, avec cette différence que M. de Chabrou veut que le roi ne foit pour rien dans la nomination des juges; qu'il nomme feul fon procureur, fans que le peuple prenne part à ce choix. Il regarde les dégrés de jurifdiction comme inutiles. Dans fon refume, il a propofé les articlés fuivants :

10. Que la juftice fera rendue par des juges d'affifes & des jurés.

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