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No. X.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Du lundi 22 mars 1790. BULLETIN DE LA CORRESPONDANCE

DE RENNES.

A

Paris 20 mars 1790.

SEANCE du mercedi 17 mars 1790.

Près la lecture du procès-verbal, l'affemblée a décrété, fur la motion d'un de fes membres, que les féancès commenceront à l'avenir à neuf heures précises du

matin.

M. le préfident a fait lecture d'une lettre qui lui a été écrite par M. de Montmorin, miniftre des affaires étrangères, au fujet d'une lettre à lui préfentée par deux particuliers fe difant députés des états belgiques.

M. le marquis de la Fayette a oblervé que quelque refpect qu'il eût pour le congrès du Brabant, il ne pouvoit y reconnoître les vrais caractères qui émanent de la liberté du peuple, & il a conclu à ce que l'affemblée, imitant la fageffe du roi, ne reçoive pas le paquet qui lui eft adreffé par le préfident du congrès.

M. le vicomte de Noailles a dit qu'on ne pouvoit abandonner les affaires préfentes de la conftitution, pour s'occuper des intérêts du peuple brabançon.

L'affemblée a décrété qu'elle pafferoit à l'ordre du jour.

Auffi-tôt la difcuffion a été reprife fur le plan de la municipalité de Paris relatif à la vente des biens da clergé.

Tom.IV. Abonnemens de mars,

M. le marquis de Montefquiou a appuyé le plan de la municipalité, & l'avis du comité des finances qui y eft conforme.

M. de la Borde a combattu principalement la partie du plan de la municipalité, qui tend à payer les inté rêts dés affignats par le fort.

M. Thouret a dit, il s'agit de favoir comment on réa lifera la vente des 400 millions des biens eccléfiaftique & du domaine.

Vendra-t-on les biens à la ville de Paris & aux autres municipalités, ou les emploiera-t-on comme fimples agens entre la nation & les acquéreurs?

Le crédit & la confiance dans les affignats dépendent de la vente effective. Il faut, pour amener la confiance, que le clergé foit dépoffédé de fait des 400 millions de biens dont la vente à été décrétée ; tranfmettre la propriété à des corps ou des particuliers.

L'abandon du feizième du produit eft jufte, puifqu'il doit tourner au profit des infortunés, par l'entreprise des ouvrages publics qui feront exécutés fur ce produit. M. Thouret a appuyé le plan de la municipalité de Paris dans tous les points.

Enfuite différens amendemens ont été propofés fur les divers articles, & ils ont été fucceffivement décrétés avec leurs amendemens, de la manière qui fuit :

« L'affemblée nationale décrète :

» 1°. Que les biens domaniaux & eccléfiaftiques, dont elle a précédemment ordonné la vente par fon décret du 19 décembre dernier, jufqu'à la concurrence de quatre cents millions, feront inceffamment vendus & alliénés à la municipalité de Paris, & aux municipalités du royaume, auxquelles il pourroit convenir d'en faire l'acquifition.

» 2°. Qu'il fera nommé à cet effet par l'affemblée nationale douze commiffaires pris dans toute l'affemblée, pour avifer, contradictoirement avec les membres élus par la municipalité de Paris, au choix & à l'estimation defdits biens, jufqu'à concurrence de deux cents millions; que l'aliénation définitive defdits biens fera faite aux clauses & conditions qui feront définitive

ment arrêtées; & en outre, à la charge par la munici palité de Paris de tranfporter au fufdit prix de l'ef timation, telle portion desdits biens qui pourroit convenir aux autres municipalités, aux mêmes claufes & condi tions accordées à celle de la capitale;

» 3°. Qu'il fera rendu compte préalablement par les commiffaires, à l'affemblée nationale, du résultat de leur travail, & de l'eftimation des experts, dans le moindre délai poffible;

» 4°. Que nonobftant le terme de quinze années portés dans le plan de la municipalité de Paris les commiffaires de l'affemblée nationale s'occuperont des moyens de rapprocher, le plus poffible, les échéances de remboursement de la liquidation générale ; & pour y parvenir plus efficacement, ordonne que fous l'inf pection defdits commiffaires, lefdites municipalités feront tenues de mettre fans retard lefdits biens en vente au plus offrant & dernier enchériffeur les délais prefcrits, dès le moment qu'il fe préfentera quelque acquéreur, qui portera lefdits biens au prix fixé par l'eftimation des experts. »

dans

La fatisfaction du public s'eft manifeftée par de vifs applaudiffemens dans les tribunes. Il étoit facile en effet d'appercevoir que fi on ne s'étoit décidé à réaliser la vente des biens du clergé, deftinés à être aliénés, les finances auroient couru rifque d'une fubvertion totale, qui auroit avec elle entraîné celle du royaume. La féance a été levée à 5 heures.

Séance du jeudi 18 mars 1790.

Il a été fait lecrue du procès-verbal de la féance de mardi au foir, dont la rédaction avoit été différée à caufe du retard de celle du décret rendu dans cette féance fur les lettres-de-cacher. (*)

(*) Nous avions donné ce décret dans le dernier fupplément, pour fatisfaire à l'impatience de nos abonnés; mais comme il avoit décrété, fauf rédaction, nous le donnerons au premier fupplément tel qu'il a été rédigé & reçu dans cette féance-ci, tant avec le préambule qu'avec les changemens & redactions que l'on a fait depuis.

Il fut arrêté, fur la motion de M. de Biauzat, que lẹ comité des lettres-de-cachet propoferoit un article pour faciliter aux religieufes détenues loin de leur monaltère les moyens de fournir aux frais de leur voyage pour s'y rendre, ou dans leur famille. L'opinant cita à cette occalion l'exemple d'une religieufe de l'abbaye de Eclache de Clermons, que fon abbeffe a fair transférer, en vertu de lettre-de-cachet, dans un couvent du Languedoc. Le comité y a pourvu par l'article XI du décret qui a été adopté fous la rédaction qui fuit: voyez le fupplément prochain.)

Il a auffi été fait lecture du procès-verbal de la Icance d'hier.

M. Goffin a fait remarquer fur l'article IV du décret rendu fur la pétition de la ville de Paris, que ces mots, portés dans le plan de la municipalité de Faris, étoien inutiles & prefentoient un mauvais fens: l'affemblée en a décrété la fuppreffion.

La difcuffion du projet de décret pour le remplacement de la gabelle étoit à l'ordre du jour, & elle a été reprise.

M. de Delav d'Agier a propofé d'impofer les 40 millions deftinés à remplacer les deux tiers de l'im pôt de la gabelle, de manière qu'il en foit réparti un quart fu les impôts réels ou territoriaux, un quart fur la capitation, un quart fur les vingtièmes des maifons, & un quart fur les entrées qui fe perçoivent aux portes des villes.

M. Viellard a fait remarquer qu'il feroit injufte de faire fupporter un nouvel impôt au prorata des entrées des villes, attendu que l'ancien régime avoit forcé plufieurs villes de payer leurs impôts par la voie des entrées; ce qui fait que les droits d'entrées font à différens taux, dans différentes villes, mêmes voifines, étant perçu 28 liv. fur une pièce de vin l'entrée de cette ville, & 12 liv. feulement à l'entrée de telle autre.

M. du Pont a annoncé que le comité des finances propofera un projet de décret qui laiffera aux villes le foin de répartir fur leurs habitans l'équivalent de

la gabelle, de la manière qui leur paroltra le plus convenable.

M. de Cazalès a dit que le projet du comité, & ceux propofés par quelques-uns des préopinans, tendent a rejeter fur le bled l'impôt de la gabelle; il a cru que tel feroit le résultat de la répartition fur l'impôt de la taille, des vingtièmes & autres impôts réels & il a propofé de répartir les quarante millions repréfentatifs de l'impôt de la gabelle, par un impôt perfonnel, comme l'étoit la gabelle; l'opinant a propofé d'adopter le fyftême de l'impôt du timbre.

M. Begouin a appuyé l'opinion de M. Viellard, par l'obfervation que la ville du hâvre s'impofa elle-même en 1758 en octrois, & de manière à payer le don gratuit en trois ans ; que cette impofition a été continuée après les trois ans, & fubfifte encore: d'où il a conclu que ce feroit une injuftice de faire fupporter le nouvel impôt par cette ville, en proportion des octrois qu'elle paie.

M. Maury a dit que l'impôt direct en remplace ment de la gabelle fe convertiroit en impôt territorial, s'il étoit réparti dans la forme propofée par le comité; il a fait l'éloge de la manière de penfer de M. de Cazalès, & il y a ajouté que le mode d'impofition propofé par le comité formoit un impôt fur le pain.

Le fyftême de l'opinant étoit d'impofer un fol fur chaque livre de fel, & de faire payer cet impôt par les vendeurs.

Dans le développement de ce fystême, l'opinant s'eft permis quelques expreffions peu flatteufes pour le premier miniftre des finances; ce qui a occafionné de grands murmures.

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M. Démeunier a ramené la difcuffion à la question de favoir comment fera réparti l'impôt de 40 millions décrété par l'article II, pour être fupporté par les provinces ci-devant affujetties à la gabelle.

L'honorable membre, pour diffiper les inquiétudes que le difcours de M. Maury auroit pu caufer, a annoncé à l'affemblée que la contribution des ci-de

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