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ENIGM E.

Je n'ai pas une plume, & je vole souvent ;

Dans le palais du Roi j'entre fubtilement.

On me bat, on me mouille; il n'eft pas un outrage
Qu'on ne me faffe afin de m'écarter :

Mais en vain croit-on m'éviter ;
Ja me trouve par-tout, à la ville, au village.

(Par le même.)

LOGO GRIPHE.

PAR le fer & le feu, tour à tour maltraitée,
Puis dans un océan jetée,

Je fers aux humains d'aliment.

Qu'on faffe en mes cinq pieds quelque dérangement, Je changerai, Le&teur, auffi-tôt de nature. Retranchez le dernier, j'offre un mets excellent. Coupez en encore un, je ne fuis plus que vent. Réduite à deux, ô l'heureufe aventure!

Tranfpofez-les, vous trouverez

Peut-être tout ce que vous désirez.

(Par le néine. }

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

LES Métamorphofes d'Ovide en vers fran çois, avec des Notes; par M. DE SAINTANGE. Livre VIe. A Paris, chez Moutard, Impr-Libr. de la Reine, rue des Mathurins, Hôtel de Cluni.

DANS

ANS les circonftances actuelles, on n'ofe plus entretenir le Public de vers quelque heureux, quelque important même qu'en fût le fujet. Qu'est-ce qu'une eu rieufe recherche d'expreffion, une harmonieufe combinaifon de mots, pour des efprits preffés de toutes parts de vérités utiles & qu'il tarde de voir mifes en exécution? Il feroit malheureux cependant que nos grands intérêts politiques nous fillent négliger entièrement la Poélie. Ce feroit, au moment où l'on travaille efficacement à la profpérité de l'Etat, abandonner un Art fait pour ajouter à fa fplendeur. Quand les Etats-Généraux auront confommé leur magnifique entreprife; quand la fête de la Liberté fe célébrera dans le calme du bonheur, la Nation alors tournant les yeux vers fes Poëtes, feroit en droit de leur dire:

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Pourquoi vos Lyres font-elles détendues ?

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» que ne les teniez vous prêtes à chanter mes nouvelles profpérités «?

Les hommes doués du talent poétique feroient donc blâmables de céder trop aux circonstances, & de laiffer tomber enc fuétude ce talent aimable. Si le Public, dans ce moment, ne peut pas s'occuper avec intérêt de leurs travaux, c'eft aux Initiés aux Poëtes, aux Amateurs, d'y fuppléer, & de mettre aux bons vers le prix qu'ils doivent avoir & conferver dans tous les temps.

La Traduction en vers d'un Poëne ancien & juftement célèbre, est une des entreprifes les plus importantes que le ta

nt poétique puiffe exécuter. Enrichic une Langue de ce qui fit l'ornement d'une autre, mettre les François & les Françoifes encore plus à portée de connoître, de lire avec agrément ce qui, depuis Augufte jufqu'à nous, a confervé une réputation de gloire to ours entière; c'eft rendre un fervice cilentiel aux Lettres & à fon pays: fi méme la Poéfie eft expofée à je ne tais quel reproche de fr.volité, il faut conve

ir que ce reproche tombe moins fur un tel Ouvrage que fur tout autre. Le principe que ce qui eft ancien fe concilie le ref pect, Major è longinquo reverentia, s'y applique, & donne plus de poids, de confideration au travail poétique.

M. de Saint-Ange a pris avec le Public un engagement dont les premiers faccès le lient à l'accompliffement de fon entreprise.

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Quel Ouvrage, fi l'Auteur l'achève? Ceux qui fe connoiffent en poésie, dit » M. Palillot, ne lui difputent ni le mé» caniline des vers, ni li facilité, ni la cor»rection, ni l'élégance; mais on n'a peutêtre pas été allez frappé de la difficulté qu'il a le plus hearealement furmontée: » c'est d'avoir été prefque toujours fidèle, " avec grace, aux attitudes variées de fon original, quiconque s'eft familiarifé avec Ovide, doit fentit le mérite que fuppofe » une pareille fidélité «.

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Le VIe. Livre vient de paroître nous. exhortons les Lecteurs de la Capitale & des Provinces à s'en occuper; ils y trouveront des vers tels que M. de Saint-Ange fait les faire, qui réuniffent à la clarté, à l'élegance, au naturel, le mérite d'une exprefhon heureufement choifie. Obligés, de rendie court cet Extrait, nous nous contenterons de citer quelques fragmens du nouveau Livre de M. de Saint-Ange: citer les bons vers, c'eft les louer; c'est mettre auffi les connoiffeurs à portée d'en remarquer les beautés, & d'y chercher de 1gères inperfections, telles qu'il en échappe aux talens les plus diftingués, telles qu'on en remarque dans les Ouvrages les plus foignés. On ne peut trop favoir vré à M. de Saint-Ange de fon émulation dans des momens tels que ceux où nous nous trouvons. On fait que la Poffie, l'un des Arts de la Paix, eft faite pour un état de bonheur:

A S

or, dans l'agitation des fcènes effrayantes. dont nous femmes encore environnés, il n'eft point d'imagination poétique qui n'ait dû fe refroidir, & voir pâlir fur la toile fes couleurs.

La verfification latine a de grands avantages fur la nôtre; elle eft plus profodiée, plus variée, plus riche en inverfions & en fynonymes: elle marche entourée d'un appareil poétique qui ne convient pas toujours à notre Langue amie de la clarté, & fur-tout de la précifion. M. de Saint-Ange l'a très-bien fenti; il a évité ces lenteurs harmonieufes & périodiques qui font le caractère, le charme & le défaut des vers de feu M. Colardeau. Citons d'abord an morceau où la difficulté vaincue brille au fuprême degré; c'eft la Fable du Satyre Marlyas.

Sic ubi nefcio quis Lyciâ de gente virorum,
Rettulit, exitium Satyri reminifcitur alter.
Quem Tritoniacá Latous arundine victum,
Affecit pæna. Quid me mihi detrahis, inquit ;
Ah! piget, ah ! non eft, clamabat, tibia tanti
Clamanti cutis eft fummos direpta per artus,
Nec quidquam nifi vulnus erat. Cruor undique manat,
Detectique patent nervi, trepidaque fine ullâ
Pelle micant vena. Salientia vifcera poffes,
Et perlufcentes numerare in pettore fibras.

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