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Tout a l'humeur gaftone en un Auteur Gascon
Calprenède & Juba parlent du même ron;

& qui, malgré la profcription de ce terrible Ariftarque, a trouvé des Lecteurs & en trouve encore, vient enfin d'être débarraffé des longueurs qu'on lui reprochoit, des détails minutieux, & des évènemens qui ne fervoient qu'à ralentir la marche de l'astion le Rédacteur lui a confervé l'intérêt du récit, & l'apparence de la vérité qui faifoit lire les fictions les plus outrées, & pardonner une foule de défauts qu'il n'a pas été au pouvoir du Rédacteur de fupprimer, parce qu'ils font trop liés à l'astion principale: il en rend compte dans une Préface, où il nous a parn un peu trop févère vers la Calprenède. Quoi qu'il en foit, Cléopâtre, revue & corrigée, obtiendra un plus grand nombre de Lecteurs, & me vieillira pas fi vite: il feroit hors de propos d'en entreprendre l'analyfe. Nul Roman n'eft plus connu que Cléopâtre, & les différences qui exiftent entre l'ancienne édition & celle qu'on neus donne aujourd'h, feront aifément fenties; nous ne doutons point que la nouvelle n'obtienne une préférence méritée.

VARIÉTÉS,

LE Droit public des François, ou Réflexions Concernant le Décret du Parlement de Rouen, contre le Procureur du Roi de Falaife.

COMME

IME on e bientôt arrêté quand on ne penfe que d'après les autres! Comme les plus profondes études font incapables de fuppléer cette vive pénétration qui mefure une idée avec la rapidité de l'éclair, & que la Nature feule donne à fes favoris! Ou plutôt comme faps elle il n'eft point d'études profondes, mais feulement des matériaux ramaflés fans, ordre & avec beaucoup de peine dans des têtes incapables de les digérer! Enfin comme les notions des hommes fe confondent par les moyens même qu'ils prennent pour les diftinguer! Ils ne favent pas que pour ofer clafer, il faut avoir profondément analyses qu'il n'appartient qu'à Dieu peut-être de clafier les objets, parce que lui feul les connoît parfaitement; & que même alors en les féparant, il faut laifler des marques qui en indiquent la fuite, car il n'y a point de chofes fi diftin&tes en apparence qui ne demeurent liées entre elles par des rapports qui ne tombent pas toujours fous les fens. Le monde moral, ainfi que le monde phyfique, tourne dans un cercle qui fe tient de toutes parts; ce n'eft pas en coupant ce cercle, mais en y attachant des marques diftinctives que l'on pourra fuivre la fucceffion des cbjets qui y

culent Diftinguer, mais non pas féparer, telle eft la règle que nous devons fuivre dans toutes nos divifions; car tout le tient, & c'est confondre que de féparer.

Comment donc veut-on nous faire croire que toutes les parties d'un tout ne reflemblent pas à lui-même ? Qu'une Nation qui s'affemble & qui a le droit de s'affembler, qui eft l'auteur & la fin de toutes fes délibérations, ne réunifle pas d'ellemême tous les pouvoirs qui doivent concourir à la formation & au maintien de fon existence ? Que l'Affemblée Nationale par conféquent, qui a le droit d'abolir & de créer, n'ait pas auffi celui de juger & de punir dans des matières fur-tout qui la concernent particulièrement; ( & qu'eft-ce qui ne la concerne pas en ce moment?) Qu'on ne s'y trompe pas, abolir & créer, c'eft exercer le pouvoir exécutif; & cependant, fans l'un & l'autre de ces deux actes, comment une Conftitution pourroit-elle fe former? D'où il fuit qu'une Nation aflemblée renferme néceffairement les deux pouvoirs, ou du moins fuppofe la fufpenfion du pouvoir exécutif: car autrement qu'est-ce qui empêcheroit l'Agent du pouvoir exécutif de maintenir les anciennes Loix avec les forces dont il eft déjà revêtu, & de s'oppofer ainfi à la 1éforme, en tenant les mains liées aux Réformateurs Lorfqu'après la formation des Loix, ce pouvoir exécutif reprend fon cours, qu'eft-il autre chofe qu'un pouvoir confié à des mains qui en font continuellement refponfables? Le pouvoir exécutif émane néceflairement du pouvoir légiflatif; car l'un cft la volonté, & l'autre l'action; les Loix ne font créées que, pour être exécutées; c'eft ainfi que lorsque j'ai réfolu d'aller dans un endroit, je m'y tranfporte ou je m'y fais tranf porter, ou j'envoie quelqu'un á ma place; j'agis médiatement ou immédiatement; ainfi fait le

Légiflateur; lorfqu'il agit par lui-même, c'eft le Souverain qui agit; loriqu'il fait agir, ce font fes Serviteurs qui agiffent, c'eft-à-dire les Miniftres, les Serviteurs de la Couronne, comme les Anglois les appellent; expreffion pleine de juftelle ! car le Roi ne fait qu'un avec la Nation; on ne dit pas la Couronne du Roi, mais la Couronne de France. Un Roi ne feroit rien fans fa Nation; mais fa Nation feroit quelque chofe fans lui. Le Roi fait on cft cenfe faire les Loix avec la Nation ; & placé fur fon trône, à la tête des Miniftres, il repréfente feul la Nation, dont l'éclat Penvironne; & lorfque cette même Nation s'af femble, il redevient un avec elle; & c'est à lui auffi bien qu'à elle que les Miniftres viennent rendre compte de leur conduite. 11 ne fuit donc pas de là qu'un Roi puiffe ordonner ce qu'il veut feul, mais ce qu'il a voulu avec la Nation; s'il a fait autrement, c'eft qu'il s'eft trompé, ou que fes Miniftres l'ont féduit, & fes Miniftres cn font. refponfables. J'infifte fur cette diftinction entre le Roi & fes Miniftres; car fi le Roi pouvoit feul ordonret, les Miniftres ne feroicut refponfables qu'à lui; & leur place les mettant trèsprès de fa perfonne, ils formeroient naturellement avec quelques Gens de la Cour un Confeil du Roi, qui pourroit le porter à des actes d'autorité fatale pour lui auffi bien que pour fon Peuple. Dès-lors il y auroit deux pouvoirs, deux volontés qui fe combattroient, qui s'affoibliroient mutuellement; de là tantôt le Defpotifme, tantôt l'Anarchie; le trône du Roi ne feroit pas plus. ftable que l'Empire de la Nation, & l'un & l'autre feroit la proie du premier pouvoir bienorganifé qui voudroit s'en emparer; loin de nous ane pareille penfée! Un Royaume tel que celuiei doit être éternel; il ne fait encore que fleu tir, & pour le rendre invincible, il faut que le

Peuple & le Roi foient tellement unis, que
Peuple foit le Roi, & le Roi foit le Peuple.

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le

C'est donc une abfurdité de fuppofer que pouvoir exécutif puiffe gêner en rien le pouvoir légitatif, dont il eft l'organe iramédiat, commns mon corps l'eft de ma volonté, fur-tout dans un moment où la Conftitution n'étant pas encore formés, plufieurs Membres de l'ancien pouvoir exécutif peuvent avoir un intérêt particulier de s'oppofer à la formation; réfiance qu'on éproave déja de la part de plufieurs Corps, qui, n'ayant été infiués par la Nation que pour remplir fes intentions du moment, & étant pai-la même autant de petits pouvoirs exécutifs fubordonnés, refulent de quitter ou de changer leur existence à la voix de cette même Nation dont les difpo fitions contrarient leurs vûes perfonnelles. C'eft dans un cas femblable que le Parlement de Rouen, à la réquifition de fon Procureur - Général, s'eit permis de procéder contre le Procurear du Roi du Bailliage de Falaife, l'a interdit de fes fonctions, & a prononcé contre lui un Décret d'ajournement perfonnel. Et quel eft fon délit ? c'eft, qu'asemblé avec le refte de la Nacion, it n'a pas jugé à propos de donner fon avis en faver des Parlemens. Affurément, cette démarche hardie de la part d'un Corps, eft une atteinte mortelle portée à la Nation qu'elle gêne dans fes délibé rations, à l'Af✯emblée Nationale qu'eile empêche de connoître le vœu de fes Commercans; & fi, des opinions, cett: violence devoit s'étendre à l'élection des Membres, non feulement la Nation ne pourroit pas manifefter fes volontés, mais même elle ne pourroit pas être repréfentée pat qui il lui plait or, quiconque s'eft permis de la gêner dans l'un de ces deux points, peut fe pers mettre de la gêner dans l'autre. A quel autre pou voir que l'Assemblée Nationale appartiendront-il

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