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sur sa nature et sa qualité; on éviterait alors de donner, pour ainsi dire, une prime à la paresse, puisque le propriétaire qui cultiverait avec négligence et qui retirerait de son fonds une somme de 100 fr. par exemple, supporterait un impôt égal à celui payé par le propriétaire habile, diligent, qui aurait trouvé le moyen de faire produire 200 fr. à une propriété située dans les mêmes conditions de fertilité et d'étendue; ce dernier trouverait dans cette sage répartition de l'impôt une récompense pour son travail, et pour le fait d'avoir, en augmentant sa propriété personnelle, accru aussi sa richesse publique de tout l'excédant de produit qu'il a su arracher du sol. Les baux à ferme ne devraient donc être consultés que dans certains cas exceptionnels.

Il ne devrait plus être nécessaire et même permis de se servir des actes de vente pour déterminer le revenu des biens d'une commune, puisque la valeur vénale des immeubles est plutôt en rapport avec l'aisance et la richesse des populations, avec le plus ou le moins d'abondance du numéraire qu'avec le revenu des propriétés. Il est rare que ce prix soit uniforme dans la même commune, bien que les terrains soient de qualité et de nature semblables.

En prenant pour bases des classifications la position et la nature même des sols, en adoptant des types de classement pour tous les immeubles, on déterminerait avec certitude toutes les espèces de produits qu'ils peuvent donner et par là même leurs revenus réels; on déterminerait des bases différentes toutes les fois que, dans la même commune, il y aurait des différences de terrains, eu égard à la qualité, à la situation, à l'exposition et au climat. On ne comprend pas en effet que les bases

qui servent à fixer le revenu d'un terrain granitique, volcanique, etc., puissent s'appliquer exactement aux terrains calcaires, marneux, d'alluvion, etc., surtout quand les climats diffèrent.

Ces types qui devraient être fixés avec le plus grand soin, sous la surveillance d'une commission spéciale, et en ayant égard à toutes les circonstances exceptionnelles, à toutes les influences accidentelles, soit physiques, soit industrielles, serviraient donc à établir une juste répartition d'impôts de propriétaire à propriétaire, de commune à commune, de département à département. Ils serviraient à corriger les vices de classification que l'on a reconnus généralement dans la confection du cadastre et que le gouvernement se propose de réformer; ils serviraient enfin à établir une péréquation générale de tous les impôts de la France; ces types, en effet, étant pris comme termes de comparaison par les contrôleurs, les experts et les propriétaires classificateurs, il en résulterait, sans aucun doute, un rapport plus exact entre les revenus de toutes les communes et de tous les départements.

Dans notre système, et en supposant les types convenablement choisis, les erreurs seraient difficiles, les contribuables ne paieraient que les impôts, les droits de mutation, les restitutions de jouissance qu'ils doivent; lors de l'ouverture des successions, l'administration des domaines n'aurait à exiger de chaque cohéritier que des droits justement proportionnels, et la perception en deviendrait aussi simple qu'équitable à cause d'une évaluation facile en cas de contestation ou de fausses déclarations.

Ce que nous venons de dire au sujet du grand travail

de la péréquation nous paraît applicable aux experts des tribunaux comme aux experts particuliers. Ceux-ci sauraient mettre à profit les types déjà déterminés, et avec de telles bases ils reconnaîtraient dans les localités soumises à leurs opérations les sources réelles des produits. Le plus souvent il ne leur serait pas nécessaire, pour la fixation des revenus et des restitutions de jouissances, de recourir aux baux à ferme, encore moins aux prix de vente; j'ajoute même à ce qu'on appelle la commune renommée, car cette commune renommée, loin d'être en rapport avec le vrai revenu, accuse parfois la négligence des cohéritiers, ou manifeste leur position gênée.

Nous ne voulons pas aborder ici une question que fait naître le morcellement croissant de jour en jour des propriétés, question très-importante que le dernier congrès central des agriculteurs de France a mise à l'ordre du jour de ses délibérations; mais si l'on reconnaissait un jour l'utilité d'ordonner sagement, et dans l'intérêt général de l'agriculture, la mise en pièce des terres; si l'on adoptait en France les méthodes usitées en Allemagne, il n'est pas douteux que les types de classification seraient d'un grand secours surtout entre les mains d'hommes qui auraient puisé, dans un enseignement spécial et dans une pratique éclairée, des connaissances solides et étendues.

S'il m'était permis, Messieurs, de donner plus de développement aux vues que je viens de vous exposer, peut-être devrais-je insister aussi sur d'autres études spéciales qui ne sont pas moins indispensables aux experts et auxquelles ils ne peuvent, dans l'état actuel des choses, donner tout le temps nécessaire. Je ne vous

parlerai pas de l'art du dessin, du lavis des plans, de la métrologie, de la science des mathématiques et de certaines notions d'architectonique et de mécanisme; nous avons dit notre opinion à cet égard dans notre précédent mémoire adressé à la chambre des députés. Il nous semblerait également convenable d'exiger des experts des notions paléographiques, au moins les plus élémentaires, celles qui les initieraient à la lecture de ces anciens titres et documents manuscrits dont ils sont appelés à faire souvent l'application. Combien de procès et de difficultés qui auraient une solution prompte et heureuse, si l'on consultait plus souvent les vieilles chartes, les terriers et autres titres, surtout lorsqu'il s'agit de constater des droits d'usage, des servitudes, d'anciennes délimitations, etc., etc.!

Nous terminerons ici, Messieurs, nos aperçus sur un sujet auquel un autre aurait pu donner de brillants développements. Sans descendre dans le détail de toutes les questions que nous aurions pu traiter, nous avons voulu seulement caractériser par quelques exemples notre opinion sur la nécessité d'étendre le cercle des études. et des conditions à exiger des experts; nous n'avons pas prétendu rédiger un programme. Nous serions heureux seulement de penser que nous avons émis quelques idées utiles et dignes de l'assentiment d'une Société qui montre le zèle le plus éclairé pour tout ce qui intéresse le bien public. Si vous voulez bien approuver le but que nous nous sommes proposé dans ce rapport, nous nous empresserons de nous appuyer de votre honorable concours dans la demande que nous avons l'intention de renouveler cette année auprès de la chambre des députés. Veuillez agréer l'hommage de ma haute considération. BEST, expert-géomètre.

AGRICULTURE.

RAPPORT

Sur le pavot-œillette;

Par M. Albert de BRIVE, membre résidant.

MESSIEURS,

Je crois entrer dans les intentions de la Société d'agriculture en donnant suite à mon rapport de l'année dernière sur le pavot-œillette 1, et en lui fesant connaître le résultat de mon semis de cette année.

Vous vous rappelez qu'en appréciant les différentes espèces de pavots provenues des graines que vous aviez fait distribuer, je donnai la préférence au pavot aveugle et conseillai l'emploi de la semence pure de cette espèce. Du mélange des deux graines il m'avait paru résulter une scission forcée dans la récolte, et dès lors un accroissement de frais, la même méthode ne pouvant être employée simultanément pour les deux espèces. Le pavot à opercules avait en outre le grave inconvénient de laisser échapper une grande partie de ses graines, lorsque aux approches de la maturité il survenait un

1 OEillette dérive par corruption d'oliette, petite huile, nom que les Espagnols donnaient en Flandre à l'huile de pavot par opposition à celle d'olive.

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