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7 » la mémoire des révolutions importantes; cepen»dant ils ne gardent et ne célèbrent solennellement » que trois fêtes religieuses, savoir, le lendemain de » leur carême qui leur est comme le jour de Pâ» ques aux Chrétiens, le sacrifice d'Abraham et le » martyre des fils d'Aly, et qu'une fête civile, qui est » la solennité du nouvel an. Mais on peut dire que » n'en gardant qu'un ede cette sorte, ils la célèbrent » fort solennellement elle dure trois jours, et en quelque lieu, comme à la cour, jusqu'à huit, com» mençant au point que le soleil entre dans le signe » du Bélier. On appelle cette fête naurus sultanié, » c'est-à-dire, le nouvel an royal'ou impérial, pour » le distinguer du vrai nouvel an, selon l'époque pré» sente de la Perse, lequel commence le jour que le » faux prophète Mahomet s'enfuit de la Mecque, dans » la crainte que le peuple ne le 'mît en pièces, en >> haine de sa nouvelle doctrine, duquel jour tous les » Mahometans du monde comptent leur nouvelle » année. Ce nouvel an de l'époque mahometane, qui » est une époque lunaire, tombe au premier jour » du mois de Moharrem, le premier mois de cette époque, laquelle ils appellent l'Hégire. Mais pour » ne parler à présent que de l'ancienne époque qui » est solaire, les Persans font Gemehid, quatrième » roi de Perse, le premier instituteur de la fête du » nouvel an sur quoi il faut observer que les anciens » Perses faisoient fort solennellement les fêtes des » solstices et des équinoxes, mais particulière ment celle de l'équinoxe vernal, parce que c'est le re» tour du beau temps. La fête duroit huit jours le premier jour, le roi recevoit les voeux de la foule

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» du peuple; il donnoit le second aux savans, et particulièrement aux astronomes; le troisième aux » prêtres; le quatrième aux magistrats; le cinquième » aux grands du royaume; le sixième à ses parens ; » et les deux autres à ses femmes et à ses enfans. On » continua en Perse de solenniser cette fête jusqu'à » l'invasion du royaume par les Mahometans, qui

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ayant apporté, avec une nouvelle religion, une » nouvelle époque, dans laquelle le premier jour de » l'an ne tomboit plus à l'équinoxe du printemps, » l'ancienne coutume de solenniser le premier jour » du printemps diminua d'année en année, et vint » enfin à se passer. On ne vouloit pas garder le » nouvel an solaire, par opposition au peuple du » pays, qui, persistant dans son ancienne religion ignicole, faisoit une fête religieuse du premier jour » de l'an, en le consacrant au soleil: ce qui parois» soit une idolâtrie aux Mahometans, qui abhoroient » toute sorte de réjouissance publique ce jour-là; et » quant au premier jour de l'an lunaire, on n'en pouvoit faire un jour de réjouissance, parce qu'en » Perse les dix premiers jours du mois de Moharrem, » le premier mois de l'année mahométane, sont des » jours de deuil public consacrés à célébrer le martyre » des fils d'Aly. Cela dura de la sorte jusquà l'an 475, auquel le roi Jelaleldin étant venu à la cou» ronne, le jour de l'équinoxe vernal, les astronomes » du pays en prirent l'occasion de lui représenter que » c'étoit un coup de la Providence que son avéne»ment à l'empire fût arrivé au premier de l'an selon l'époque ancienne, afin de lui faire rétablir la cou» tume du pays, de tems immémorial, de célébrer

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» le commencement de l'année par une fête; que cette fête ne pouvant être fixée au premier jour de l'an mahométan, parce que ce jour étoit un jour de » deuil, et qu'il seroit d'un méchant augure de com» mencer l'année la solennité d'un martyr, par

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il s'ensuivoit qu'il la falloit fixer au premier jour de » l'an solaire, qui tomboit toujours au printems, le plus beau temps de l'année, et le renouvellement de toutes choses, au lieu que le premier jour de » l'année mahométane tomboit successivement en » toutes les saisons, parce qu'elle est lunaire. Les >> astronomes ajoutèrent que s'il rétablissoit cette fête du nouvel an solaire, il s'y trouveroit quelque » chose de particulier : c'est que, selon une ancienne » coutume des Perses, qui comptoient les années par » les règnes de leurs rois, le premier jour de l'année solaire se trouveroit être le commencement de son règne. Ce prince trouva la proposition à son gré, » et rétablit l'ancienne fête du nouvel an royal, qu'on » a solennisé depuis avec beaucoup de pompe et » d'acclamations.

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On l'annonce au peuple par des décharges d'ar» tillerie et de mousqueterie, dans les lieux où il y en » a, comme dans la ville capitale et aux autres grandes » villes. Les astrologues, magnifiquement vêtus, se >> rendent au palais royal, ou chez le gouverneur du » lieu, une heure ou deux heures avant l'équinoxe, » pour en observer le moment, ce qu'ils font avec » l'astrolabe sur quelque terrasse ou plate-forme, » à l'instant qu'ils en donnent le signal, on fait les décharges; et les instrumens de musique, les tim

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» bales, les cors et les trompettes font retentir l'air

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» de leurs sons. Ce ne sont que chants et qu'allégresse » chez tous les grands et riches du royaume. A Ispahan, on sonne des instrumens tous les jours de la fête, devant la porte du roi, avec des danses, des >> feux et des comédies, comme à une foire, et chacun >> passe la huitaine dans une joie qui ne se peut représenter. Les Persans, entr'autres noms qu'ils » donnent à cette fête, l'appellent la fête des habits » neufs, parce qu'il n'y a homme, si pauvre et si mi» sérable qui n'en mette un; et ceux qui en ont le » moyen en mettent tous les jours de la fête. C'est » le vrai temps de voir la cour; car elle est plus pom»peuse et magnifique qu'en aucun autre temps; cha» cun se pare à l'envie de ce qu'il a de plus beau et » de plus riche. La promenade se fait chaque jour » de la huitaine en lieux différens, hors de la ville, » où le concours est tout-à-fait grand. Chacun s'en» voie des présens; et dès la veille on s'entr'envoie » des œufs peints et dorés. Il y a de ces œufs qui » coûtent jusqu'à trois ducats d'or la pièce. Le roi en donne comme cela quelques cinq cents dans son » sérail, dans de beaux bassins, aux principales » dames. L'œuf est couvert d'or, avec quatre petites figures en miniature fort fines au côté. On dit que » de tout tems les Persans se sont donnés des œufs l'œuf marque

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» comme cela au nouvel an, parce que

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l'origine et le commencement des choses. On ne

» peut croire la quantité qui s'en débite à cette fête.

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Après le moment de l'équinoxe passé, les grands vont souhaiter la bonne fête au roi, leur tadje ou bonnet royal en tête, chargé de pierreries, dans l'équipage le plus leste qu'ils se peuvent mettre, et

> chacun lui fait son présent, consistant en bijoux et > en pierreries, ou en étoffes, ou en parfums, ou

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en des raretés, ou en chevaux, ou en argent, cha> cun selon son emploi et selon ses biens. La plupart » donnent de l'or, s'excusant sur ce qu'on ne trouve

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plus rien dans le monde qui soit assez beau pour ≫ entrer dans la garde-robe de S. M. On lui donne » ordinairement depuis cinq cents ducats jusqu'à » quatre mille. Les grands qui sont en emploi dans » les provinces, font aussi faire leurs complimens et » leurs présens: nul ne s'en exempte, et c'est à qui » passera les autres et soi-même, à l'égard de ce » qu'il a fait les années précédentes de manière que » le roi reçoit de grandes richesses en cette fête, » dont ensuite il dépense une partie dans le sérail à » donner les étrennes à tout ce grand monde qui le » compose. Le roi traite magnifiquement les grands

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seigneurs, tous les jours de la fête, depuis dix » heures jusqu'à une heure qu'il rentre dans le sérail; » et les grands font la même chose, chacun chez soi, » où ils passent le reste du jour à recevoir les visites » et aussi les présens de ceux qui sont sous leur dé» pendance: car c'est là l'invariable coutume de l'O» rient : l'inférieur donne au supérieur, et le pauvre » donne au riche, depuis le laboureur jusqu'au roi. » Les gens dévots passent, s'ils peuvent, tout le » premier jour de la fête en dévotion dans leur logis. » Ils se purifient au point du jour, en se lavant » tout le corps dans l'eau, puis ils se vêtent d'ha» bits bien nets, s'abstiennent des femmes, font » leurs prières ordinaires et les extraordinaires du » jour, lisent l'alcoran et leurs bons livres : tout cela

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