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Ce qui est juste, répond Saladin. Il comparoît, plaide lui-même sa cause, et bien loin de punir la témérité du marchand, il le récompense et le remercie de la confiance qu'il avoit eue en son intégrité.

Il rendit aux Chrétiens orientaux l'église du SaintSépulchre; mais il voulut que les pélerins y vinssent sans armes, et il les assujétit à certains droits.

Saladin étoit Curde d'origine; il s'étoit mis d'abord avec son frère au service de Noradin, souverain de la Syrie et de la Mésopotamie; il conquit l'Egypte, la Syrie, l'Arabie et la Mésopotamie, et devint souverain d'un vaste empire.

Supérieur aux illusions de la grandeur et aux frayeurs de la mort, il voulut dans sa dernière maladie, qu'au lieu du drapeau élevé devant sa porte, on déployât le drap qui devoit l'ensevelir, et qu'un héraut criât: « Voilà tout ce que Saladin, vainqueur » de l'Orient, emporte de ses conquêtes.

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Dans les aumônes ordonnées par son testament, il rendit tout égal entre les pauvres, soit juifs, soit chrétiens. Il mourut à cinquante-sept ans, après en avoir régné vingt-quatre en Egypte, et environ dixneuf en Syrie. Il laissa dix-sept fils, qui partagèrent entre eux ses Etats.

L'an 1354, le 4 mars, Le roi de Navarre demande pardon, à genoux, au roi de France.

Charles dit le Mauvais, roi de Navarre, ayant fait assassiner Charles d'Espagne, connétable de France (1), le roi Jean, dans les premiers transports de sa colère, jura de tirer la vengeance la plus terrible de cette perfidie; mais il étoit fort embarrassé comment il puniroit un coupable qui étoit son gendre; le roi de Navarre étoit d'ailleurs puissant par lui-même et menaçoit de s'unir avec les Anglais. Il fallut donc entrer en accommodement : les conditions furent, que le roi de Navarre se rendroit à Paris, pour faire sa réparation; il exigea des otages, et on n'eut pas honte de lui donner le second fils de France.

Le roi de Navarre ayant ainsi pris toutes ses sûretés, se rendit à Paris, où le roi tint son lit de justice. Ce prince criminel comparut dans l'assemblée du parlement, à laquelle assistèrent les pairs du royaume et plusieurs personnes du conseil. Là, s'adressant au roi, il le pria « de lui pardonner la mort du conné~ » table, soutenant cependant qu'il n'avoit fait com» mettre ce meurtre que pour une cause très légitime » dont il offroit d'instruire sa majesté, quand il lui plairoit de l'entendre. Il ajouta qu'au reste il n'avoit pas prétendu violer, par cette action, le res»pect dû à la majesté du souverain. » Après qu'il eut prononcé, d'une voix assurée, cette froide excuse

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(1) Le roi Jean avoit donné au connétable le comté d'Angoulême, que le roi de Navarre prétendoit avoir pour la dot de Jeanne, sa femme, fille du roi Jean.

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Jacques de Bourbon, nouveau connétable, l'arrêta par l'ordre du roi, seulement pour la forme, et le conduisit hors de la chambre. Aussitôt les deux reines, Jeanne et Blanche, se jetèrent aux pieds du roi, pour implorer sa clémence en faveur du roi de Navarre, auquel il pardonna; et aussitôt le connétable et les maréchaux de France allèrent le reprendre, et l'amenèrent devant le roi. Alors le cardinal de Boulogne lui représenta « les grands sujets de mécontentement » qu'il avoit donnés au roi, son beau-père et son » seigneur. Il l'avertit aussi de ne pas abuser dans la » suite de la bonté d'un prince qui l'aimoit si ten» drement, et qui vouloit bien lui accorder sa grâce » après un si grand crime. » Après ces paroles, le roi de Navarre et les deux reines se jetèrent à genoux devant le roi, et le remercièrent du pardon qu'il lui accordoit. Le roi les ayant fait relever, le cardinal dit, «< que le roi prétendoit que le pardon fût sans >> conséquence, et que si jamais il arrivoit à qui que >>ce fût d'attenter à la vie du moindre de ses officiers, » il en seroit puni selon toute la rigueur des lois, fût-il > fils de oi. »

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C'est ainsi que finit cette espèce de comédie, où celui qui faisoit le personnage de juge, tint une contenance beaucoup plus gênée que le criminel. Il n'en coûta au roi de Navarre que la fondation de quelques messes pour le repos de l'ame du connétable.

L'an 1705, le 4 mars, Arrêt qui établit les deux sols pour livre sur tous les droits et fermes du roi de France.

Voici ce que raconte le duc de Saint-Simon au sujet de cet impôt :

« Depuis long-tems le roi (Louis XIV) n'entendoit parler que de la misère des peuples. L'impôt proposé l'inquiéta; sa tristesse devint sensible, et les » valets intérieurs s'en aperçurent dans les cabinets,

plusieurs jours de suite. Maréchal, premier chirur» gien, qui m'a conté cette curieuse anecdote, crai» gnant pour sa santé, se hasarda de lui en parler. » Le roi lui avoua qu'il ressentoit des peines infinies,

qu'il rejeta vaguement sur la situation des affaires. » Huit ou dix jours après, il reprit son calme accou» tumé. Il appela Maréchal, et, seul avec lui, il lui dit > que, maintenant qu'il se sentoit plus à l'aise, il » vouloit bien lui dire ce qui l'avoit si vivement » affecté, et ce qui avoit mis fin à ses peines. Alors » il lui conta que l'état de ses affaires l'avoit forcé à » de furieux impôts; que l'état où elles se trouvoient » réduites, le mettoit dans la nécessité de les aug> menter considérablement; qu'outre la compassion,

le scrupule de prendre les biens de tout le monde, » l'avoit fort tourmenté; qu'à la fin il s'en étoit ou» vert au P. le Tellier, qui lui avoit demandé quel»ques jours pour y penser. Ce père étoit revenu » avec une consultation, non des pères de sa com

pagnie, qu'il ne falloit pas compromettre, mais » avec une des plus habiles docteurs de Sorbonne i » qui décidoient (la Sorbonne n'ayant pas voulu le

» décider en corps), que tous les biens des Français

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étoient au roi en propre, et que quand il les pren» droit, il ne prendroit que ce qui lui appartenoit. » Le roi avouoit que cette décision l'avoit mis fort » au large, lui avoit ôté ses anciens scrupules, et lui » avoit rendu le calme et la tranquillité qu'il avoit perdus. Maréchal fut si étonné à ce récit, qu'il ne put prononcer un seul mot. Heureusement pour » lui le roi le quitta dès qu'il le lui eût fait, et Ma>> réchal resta seul, à la même place, ne sachant » presque où il en étoit. Cette anecdote, qu'il me » conta quelques jours après, étant encore dans le » même effrʊi, n'a pas besoin de commentaires. »

Cet impôt fut célébré, suivant l'usage, par des couplets plus malins que méchans, parmi lesquels ces deux-ci se font remarquer.

Amis, saisissons-nous des pots;
Buvons à qui nous aime;
Dans ce siècle affreux des impôts,
Ma frayeur est extrême,

Que, sur nos coups, quelques marauds
Ne lèvent le dixième.

Si ma Philis donne au roi le dixième
De tous les cœurs charmés de ses attraits,
J'ose jurer, par sa beauté suprême,
Que l'ennemi viendra bientôt, lui-même,
A deux genoux nous demander la paix.
Si ma Philis, etc.

L'an 1793, le 4 mars, Mort du duc de Penthièvre.

Louis-Jean Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, né à Rambouillet, le 16 novembre 1725, du comte de Toulouse et de madame de Noailles, veuve de M, de Gondrin,

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