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bravoure alloit jusqu'à l'intrépidité; mais il manqua d'exactitude à tenir sa parole, et par une inconstance naturelle, il soutenoit mal ce qu'il avoit sagement entrepris. On croit qu'il fut empoisonné par la reine, sa femme, Emma, fille de Lothaire, roi d'Italie. Cette princesse, du vivant de son mari, s'étoit deshonorée par ses liaisons avec Adalberon, évêque de Laon.

L'an 1625, le 2 mars, Prise de Gavi par le connétable de Lesdiguières.

Le connétable de Lesdiguières ayant entrepris le siége de Gavi, le conseil de guerre, qui n'approuvoit pas cette entreprise, lui représenta que Barberousse avoit échoué devant cette place. Eh bien, dit froidement le vieux connétable, i Barberousse n'a pu prendre cette place, Barbegrise la prendra.

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La plaisanterie de ce vieux et brave guerrier releva tous les courages; on se porta gaîment aux attaques, et Gavi fut emporté.

L'an 1715, le 2 mars, Mort du cardinal de Bouillon.

C

Emmanuel Theodore de la Tour, cardinal de Bouillon, naquit en 1643, du duc de Bouillon, frère du grand Turenne. A peine avoit-il vingt-cinq ans, que son oncle lui obtint le chapeau de cardinal; il eut aussi de riches abbayes, et la place de grand aumonier de France. Ambassadeur à Rome en 1698, l'affaire du Quiétisme, si importante sous Louis XIV, aujourd'hui si oubliée, perdit à la cour le cardinal de Bouillon.

Uni par l'amitié avec Fénelon, et chargé des ordres du roi contre lui, il chercha à concilier ces deux · devoirs. Il est constant par ses lettres qu'il ne trahit

jamais son ministère en etant fidèle à son ami; il pressoit le jugement du pape, selon les ordres de la cour; mais en même temps il tâchoit d'amener les deux partis à une conciliation.

Un prêtre italien nommé Giori, qui étoit auprès de lui, l'espion de la faction contraire s'introduisit dans sa confiance, et le calomnia dans ses lettres; et poussant la perfidie jusqu'au bout, il eut la bassesse de lui demander un secours de mille écus, et après l'avoir obtenu, il ne le revit jamais.

Ce furent les lettres de ce misérable qui perdirent le cardinal de Bouillon à la cour le roi l'accabla de reproches, comme s'il avoit trahi l'Etat parut pourtant par toutes ses dépèches, qu'il s'étoit conduit avec autant de sagesse que de dignité.

Il obéissoit aux ordres du roi en demandant la condamnation de quelques maximes pieusement ridicules des mystiques, mais il étoit fidèle à l'amitié, en éludant les coups que l'on vouloit porter à la personne de Fénelon. Le roi, malheureusement, voulut que Fénélon fût condamné, soit aigreur contre lui, ce qui sembloit audessous d'un grand roi, soit asservissement au parti contraire, ce qui semble encore plus au-dessous de la dignité du trône. Quoi qu'il en soit, il écrivit au cardinal de Bouillon, le 16 mars 1699, une lettre de reproches très mortifiante; il déclare dans cette lettre qu'il veut la condamnation de l'archevêque de Cambrai. Le Télémaque faisoit alors un grand bruit dans toute l'Europe et les Maximes des Saints, que le roi n'avoit point lues, étoient punies des maximes répandues dans le Télémaque qu'il avoit lu.

On rappela aussitôt le cardinal de Bouillon. Il

partit; mais ayant appris à quelques milles de Rome, que le cardinal-doyen étoit mort, il fut obligé de revenir sur ses pas pour prendre possession de cette dignité, qui lui appartenoit de droit, étant, quoique jeune encore, le plus ancien des cardinaux.

La place de doyen du sacré collége donnoit à Rome de très grandes prérogatives; et, selon la manière de penser de ce tems-là, c'étoit une chose agréable pour la France, qu'elle fût occupée par un Français.

Ce n'étoit point d'ailleurs manquer au roi que de se mettre en possession de son bien, et de partir ensuite; cependant cette démarche aigrit le roi sans retour : le cardinal, en arrivant en France, fut exilé, et cet exil dura dix années entières.

Enfin, lassé d'une si longue disgrâce, il prit le parti de sortir de France pour jamais, en 1710, dans le tems que Louis XIV sembloit accablé par les alliés, et que le royaume étoit menacé de tous côtés.

Le prince Eugène et le prince d'Auvergne, ses parens, le reçurent sur les frontières de Flandre, où ils étoient victorieux. Il renvoya au roi la croix de l'Ordre du Saint-Esprit, et la démission de sa charge de grandaumônier de France, en lui écrivant ces propres paroles : « Je reprends la liberté que me donnoient » ma naissance de prince étranger, fils d'un souverain

ne dépendant que de Dieu, et ma dignité de cardinal » de la sainte Eglise romaine, et de doyen du sacré collége. Je tâcherai de travailler le reste de mes jours » à servir Dieu et l'Eglise, dans la première place » après la suprême, etc. »

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Sa prétention de prince indépendant lui paroissoit fondée non seulement sur l'axiome de plusieurs juris

consultes, qui assurent que, qui renonce à tout, n'est plus tenu à rien, et que tout homme est libre de choisir son séjour; mais sur ce qu'en effet étant né à Sedan, il regardoit sa qualité de prince indépendant comme un caractère ineffaçable; et quant au titre de cardinaldoyen, qu'il appelle la première place après la suprême, il se justifioit par l'exemple de tous ses prédécesseurs, qui avoient passé incontestablement avant les rois à toutes les cérémonies de Rome.

La cour de France et le parlement de Paris avoient des maximes entièrement différentes. Le procureurgénéral d'Aguesseau, depuis chancelier, l'accusa devant les chambres assemblées, qui rendirent contre lui un décret de prise de corps, et confisquèrent tous ses biens. Il vécut à Rome, honoré quoique pauvre, et mourut victime du Quiétisme qu'il méprisoit, et de l'amitié qu'il avoit noblement conciliée avec son devoir.

Il ne faut pas omettre que lorsqu'il se retira des Pays-Bas à Rome, on sembla craindre à la cour qu'il ne devînt pape. « J'ai entre les mains, dit Voltaire, la >> lettre du roi au cardinal de la Trémouille, du 26 » mai 1710, dans laquelle il manifeste cette crainte.

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On peut tout présumer, dit le roi, d'un sujet prévenu » de l'opinion qu'il ne dépend que de lui seul; il suffira » que la place dont le cardinal de Bouillon est pré» sentement ébloui, lui paroisse inférieure à sa nais»sance et à ses talens; il se croira toute voie permise

»

» pour parvenir à la première place de l'Eglise, lors» qu'il en aura contemplé la splendeur de plus près. » Ainsi, en décrétant le cardinal de Bouillon, et en donnant ordre qu'on le mît dans les prisons de la conciergerie si l'on pouvoit se saisir de lui, on craignit

qu'il ne montât sur un trône qui étoit regardé alors comme le premier de la terre, par tous ceux de la religion catholique, et qu'en s'unissant avec les ennemis de Louis XIV, il ne se vengeât encore plus que le prince Eugène, les armes de l'Eglise ne pouvant rien par elles-mêmes, mais pouvant alors beaucoup par celles d'Autriche.

L'an 1719, le 2 mars, Le comte de Gortz est décapité à Stokholm.

Henri de Gortz, né en Franconie, et baron immédiat de l'Empire, ayant rendu des services importans à Charles XII, roi de Suède, pendant le séjour de ce monarque à Bender, étoit depuis devenu son favori et son premier ministre.

Jamais homme ne fut si souple et si audacieux à la fois, si plein de ressources dans les disgrâces, si vaste dans ses desseins, ni si actif dans ses démarches; nul projet ne l'effrayoit, nul moyen ne lui coûtoit; il prodiguoit les dons, les promesses, les sermens, la

vérité et le mensonge.

Il alloit de Suède en France, en Angleterre, en Hollande, essayer lui-même les ressorts qu'il vouloit faire jouer. Il étoit capable d'ébranler l'Europe, et il en avoit conçu l'idée. Il avoit entrepris de réconcilier Charles XII avec son ennemi Pierre-le-Grand, persuadé que ces deux princes réunis pourroient faire trembler le reste de l'Europe. Le motif de cette réunion étoit de remettre Stanislas sur le trône de Pologne, le fils de Jacques II sur celui d'Angleterre, et d'affoiblir en Allemagne la puissance de la maison d'Autriche.

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