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de la reine Uracca, déclare qu'après être monté sur le trône, il a pris connaissance de cette constitution, l'a confirmée et jurée, et de plus fait confirmer et jurer par tous les habitants de son royaume, tant nobles que non nobles.

En 1130, le même engagement était pris par Alphonse de Portugal et par Alphonse roi d'Aragon avec son frère don Ramiret le moine.

Tels sont les textes édités jusqu'à ce jour. Je crois inutile de dire que ce travail a été fait avec tout le soin qu'il comporte, et nous n'avons qu'à manifester le vœu qu'une si belle entreprise soit heureusement et promptement menée à bonne fin.

E. AUGER,

Docteur en droit, ancien élève de l'Ecole des chartes.

Etudes sur l'histoire du-droit, par M. Georges ASHER1.

Sous ce titre, un jeune savant qui habite Berlin, M. Georges Asher, offre au public (assez restreint, même en Allemagne) que peuvent intéresser les recherches approfondies sur l'histoire interne et externe de l'ancien droit, trois monographies, lesquelles n'ont d'ailleurs entre elles aucun rapport, si ce n'est le fait fortuit de leur assemblage.

La première et la plus considérable traite de la constitution d'usufruit en droit romain d'une manière à la fois originale et parfaitement consciencieuse. Sur plusieurs points nous sommes loin d'être du même avis que le savant auteur; c'est ainsi que nous ne pouvons partager son opinion touchant le contraste du Jus quiritium et du droit prétorien, non plus que l'idée qu'il s'est faite de la nature primitive du vieux droit formaliste de Rome, et de bien d'autres choses encore. Toutes ces questions sont loin d'être éclaircies, et rien de ce qui concerne les bases mêmes de l'édifice juridique des Paul et des Ulpien n'est absolument incontestable. Mais, quant à l'ensemble du Traité, nous ne nous permettrons pas d'en faire la critique en quelques li

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1 Rechtsgeschichtliche Studien, von Georg Asher, Band I. Die Begruendung des usufructus. De vestigiis primæ editionis Codicis Justinianei quæ in nono hujus Codicis libro inveniuntur. De verborum : PRIVILEGIUM EXIGENDI, in fontibus nostris significatione. Berlin, Calvary, 1862.

gnes, il mérite un examen sérieux qui ne sera pas sans une réelle utilité pour le lecteur attentif. Seulement, nous soumettrons à M. Asher une observation relative à la forme qu'il a cru devoir donner à sa dissertation. Il y a dans la littérature, et surtout dans la littérature sérieuse, certaines traditions qu'on ne viole pas impunément, parce qu'elles ont, en général, leur raison d'être, leur origine légitime dans les besoins de l'esprit, de l'intelligence, du goût. Ce n'est pas pour rien qu'on a l'habitude de diviser les ouvrages scientifiques en titres, en chapitres, en paragraphes, de désigner souvent les divisions par des suscriptions et des rubriques, de les enrichir quelquefois de sommaires, et presque toujours d'ajouter à l'ensemble de l'œuvre une table des matières plus ou moins détaillée. Tous ces accessoires sont utiles, ils reposent l'esprit et fixent les idées du lecteur. M. Asher a dédaigné ces moyens secondaires, et nous croyons qu'il n'a pas eu raison. Dépourvu de cet appareil extérieur, un travail aussi sérieux que le sien court risque de paraître d'une lecture fatigante, et ce serait grand dommage.

La deuxième dissertation a pour titre De vestigiis primæ editionis Codicis justinianei quæ in nono hujus Codicis libro inveniuntur, et doit, ainsi que l'auteur nous l'apprend dans sa lettre dédicatoire à M. Laboulaye, faire partie d'un ouvrage de longue haleine sur l'histoire du droit criminel de l'empire romain. Nous profiterons de ce que M. Asher nous dévoile ainsi ses projets pour lui faire un dernier reproche, lequel heureusement ne porte cette fois encore que sur la forme extérieure de ses deux derniers écrits. Pourquoi nous les offrir dans une langue morte? Pourquoi ne pas les traduire tout de suite en allemand? D'abord son livre y eût gagné en homogénéité, qualité indispensable aux yeux de tout homme de goût. Puis, les savantes études qu'il renferme auraient dépouillé par là même ce caractère un peu disgracieux, parfois même légèrement pédantesque qu'infligent aux dissertations d'étudiant les exigences universitaires. Puisque M. Asher publie de nouveau, après sept années de répit, ses anciennes thèses de doctorat, et qu'il nous les présente comme des fragments d'ouvrages inachevés, il a tort, selon nous, de les condamner à porter aujourd'hui encore ce vêtement suranné et hors de mode, qui sent trop l'école pour séduire le lecteur.

On sait que le premier Code de l'empereur Justinien, promulgué en vertu de la constitution Summa rei publice au mois d'avril de l'an 529, fut retiré quelques années plus tard et soumis à une révision générale, dont le résultat est le Codex repetitæ prælectionis, en vigueur dès le 29 décembre 534. Il ne nous est resté aucun exemplaire du premier travail, si bien que l'on en est réduit, pour apprécier quelques-unes des modifications que la seconde rédaction lui a fait subir, à des conjectures plus ou moins assurées. Rien ne nous apprend d'une manière directe et positive quel a été le plan, le système suivi par la commission chargée d'élaborer le premier Code, et, par conséquent, quels changements ont dû y apporter à ce point de vue les rédacteurs du second. Mais tout porte à croire que, sous le rapport de l'ordonnance des matières, le premier ne différait pas sensiblement des recueils de constitutions impériales qui l'ont précédé. Dans le Code Théodosien, comme dans les corpora Gregoriani et Hermogeniani, les lois impériales qui ont trait aux institutions de droit civil et prétorien, à la législation et à la jurisprudence de l'ancien régime, de l'époque républicaine, au jus ordinarium en un mot, sont disposées selon l'ordre des matières consacré dans l'édit du préteur. Ensuite, et comme supplément, vient le recueil des constitutions qui établissent ou modifient le jus extraordinarium créé par la Rome monarchique, surtout en fait de droit pénal, public, administratif et ecclésiastique. Tel a dû être le système primitif du Code Justinien. La révision a eu pour but non-seulement d'y ajouter les nombreuses constitutions promulguées dès le printemps de 529, décisions de points controversés, et autres Extravagantes, mais aussi de substituer à un système vieilli l'arrangement plus conforme à l'état de choses que venait de consacrer le Digeste. Le Codex repetitæ prælectionis est en effet construit sur le même plan que les Pandectes; c'est le système de Gaïus, avec un développement immense des actions au détriment du droit des personnes et du droit des choses, conformément aux innovations apportées par Salvius Julien dans l'ordonnance de l'édit perpétuel. Ainsi les douze livres du Code correspondent aux sept parties du Digeste, et cela de la façon suivante : les livres I et II aux πρ☎τa, le livre III à la Pars de Judiciis, le livre IV au De rebus et à l'Anti-papinien, et ainsi de suite jus

qu'aux cinq derniers livres qui traitent des mêmes matières que la fin de la sixième et la septième division. Le neuvième livre en particulier renferme le droit criminel et complète les Libri terribiles. Grâce à un examen comparatif des dispositions contenues dans ce livre et dans le livre correspondant du recueil de Théodose, M. Asher a démontré d'une façon irréfragable que tout ce qui dans cette partie du second Code diffère sensiblement du Code Théodosien, provient du Digeste, et par conséquent n'a pu se trouver dans le premier; ainsi, par exemple, certaines rubriques : le titre qui, dans le Code Théodosien, s'appelle De parricidio, a dans le Code Justinien pour suscription : De his qui parentes vel liberos occiderent, comme le titre correspondant au Digeste. Tous les crimina extraordinaria ont été ajoutés, aussi d'après le Digeste. Mais nous ne pouvons, dans une simple notice bibliographique, suivre plus longtemps les investigations pleines de sagacité de notre auteur; qu'il suffise de dire que M. Rudorff, à coup sûr une des premières autorités en pareille matière, leur a donné, dans la question que nous venons d'effleurer, son approbation formelle1.

ALPHONSE RIVIER,

Docteur en droit et privat-docent à l'Université de Berlin.

Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, par M. BONNIER, professeur à la Faculté de droit de Paris; 3e édition, 2 vol. in-8°. Paris, Durand. Prix: 15 francs.

M. Bonnier, professeur à la Faculté de droit de Paris, a publié récemment la troisième édition de son Traité des preuves.

Dès qu'on parle de la troisième édition d'un livre, il ne saurait plus être question de présager un succès; il ne s'agit que de le proclamer.

Il est cependant pour un auteur une fortune meilleure encore qu'une édition nouvelle; c'est la traduction de son livre dans quelque langue étrangère. L'écrivain dont l'ouvrage n'est pas sorti des limites de son pays doit quelquefois son succès à une position éminente, à des amis nombreux, à des réclames habilement ménagées ou à un éditeur habile. Mais l'influence

1 Dans son Histoire du droit romain, t. I, § 113, n. 8.

de ces moyens factices ne peut guère dépasser la limite des douanes du pays de l'auteur. Pour qu'un livre soit traduit dans une langue étrangère, il faut évidemment qu'il ait un mérite intrinsèque incontestable. Ce n'est plus dès lors, pour ainsi parler, un enfant que son père ou des amis complaisants font marcher à la lisière; c'est un enfant qui visiblement marche tout seul.

M. Bonnier a eu la satisfaction de voir traduire la première édition de son livre à Naples d'abord, et ensuite à Palerme, villes que les hommes de plaisir supposent n'être que des cités voluptueuses, mais que les hommes instruits savent très-bien être de grands foyers intellectuels.

M. Bonnier a apporté à son œuvre primitive de notables améliorations dans la troisième édition. Les monuments les plus récents de la jurisprudence s'y trouvent cités et discutés, et les dispositions des diverses législations étrangères, dont la comparaison avec notre législation française offre toujours tant d'intérêt, s'y trouvent recueillies avec non moins de soin.

Les publications récentes faites en pays étranger sur les matières traitées par l'auteur ont aussi été mises à profit par lui, et l'on voit avec plaisir M. Bonnier citer souvent non-seulement des jurisconsultes des diverses parties de l'Europe savante, de l'Allemagne notamment et de l'Angleterre, mais encore des jurisconsultes des Etats-Unis d'Amérique, pays où, grâce à Dieu, il se rencontre encore un assez grand nombre d'hommes intelligents qui se font gloire d'autre chose que de manier le revolver. Nous nous expliquons facilement le succès du Traité de M. Bonnier.

Le droit, comme toutes les autres sciences, a pris dans notre siècle de si grands développements, qu'il devient de plus en plus difficile à un même esprit d'en embrasser tout l'ensemble. Les juristes, comme les hommes voués aux sciences physiques, sont obligés aujourd'hui plus que jamais de circonscrire, pour mieux voir, le cercle de leur horizon. La faiblesse de notre intelligence nous condamne inévitablement à cela, absolument comme notre œil, quand il s'arme d'un microscope ou d'un télescope, voit mieux sans doute ce qu'il souhaite voir, mais perd à l'instant même et nécessairement la vue d'un vaste ensemble et n'aperçoit plus qu'un palme de terre ou un coin des cieux.

Il faut donc savoir se résigner à cette condition de notre esprit,

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