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trois premiers titres du Code de commerce et des lois récentes qui s'y rattachent; il est pour la plus grande part l'œuvre de M. Bravard Veyrières; M. Demangeat, respectant le travail du maître dans son ensemble, s'est contenté d'y ajouter des notes dont l'importance est d'ailleurs considérable. En tête se trouve un livre préliminaire qui renferme l'exposé des sources du Code de commerce, de l'histoire de sa rédaction, et de ce que l'auteur appelle les matières commerciales; sorte de programme dans lequel il s'est attaché à déterminer l'étendue du droit commercial et les lois générales d'économie sociale auxquelles il a pour mission de satisfaire; synthèse un peu rapide peut-être, mais qui ne pouvait pas être plus développée pour répondre au caractère du livre auquel elle sert d'introduction; suffisante au surplus pour produire l'impression d'ensemble par laquelle le professeur voulait préluder à l'examen des institutions qu'il avait à parcourir.

Après le titre Ier, relatif à la capacité requise pour faire le commerce, et le titre II, des livres de commerce, auquel M. Demangeat a ajouté un appendice intéressant sur la tenue des livres en partie double, la plus grande partie du volume est consacrée au titre III, relatif aux sociétés commerciales. Il serait superflu de faire ressortir l'intérêt que ce sujet présente à tous les points de vue. Rappelons seulement que le Code de commerce a subi en cette matière des modifications graves, en vertu de deux lois du 17 juillet 1856, dont l'une surtout, celle qui a pour objet les sociétés én commandite par actions, a une importance si considérable. Déjà, elle a soulevé dans l'application des difficultés dont l'examen circonstancié donne au livre de MM. Bravard et Demangeat un intérêt d'actualité qui est une recommandation de plus.

A cette indication rapide des matières, devons-nous joindre une appréciation du livre en lui-même ? Le nom des auteurs nous en dispense. Nous dirons pourtant qu'un de ses principaux mérites à nos yeux, c'est la sobriété. Avec la tendance que prennent les ouvrages modernes à se convertir en recueils de jurisprudencé, en catalogues d'espèces et en compilations d'auteurs, ce n'est pas un faible mérite chez un écrivain juriste que de savoir se restreindre à une ferme et nette exposition de principes, de laquelle découle, par une déduction lumineuse, la so

lution des difficultés. Le volume est moins gros, mais il n'est pas moins riche, et le lecteur, dont l'esprit n'est pas perdu dans un dédale d'espèces, est loin de s'en plaindre. Nous ne voudrions pas cependant qu'on se méprît sur notre pensée l'étude de la jurisprudence est indispensable au jurisconsulte; elle jette une vive lumière sur les principes en faisant voir le droit dans l'application. Mais le jurisconsulte, qui a dû étudier la jurisprudence, ne doit pas faire refaire à ses lecteurs son propre travail; il doit leur en présenter les résultats. Nous entendons bien aussi que, sur les questions qui mettent nettement en jeu les principes, un auteur, soit qu'il l'accepte ou la combatte, doit indiquer la solution admise par les tribunaux. Aussi bien nos auteurs n'y ontils pas manqué. Sous ce rapport surtout, la collaboration de M. Demangeat aura été précieuse pour M. Bravard: le plus grand nombre de ses notes sont consacrées à analyser avec la précision de langage qui est un des caractères les plus saillants de son talent, les principaux des arrêts qui ont statué à une époque récente sur les difficultés examinées dans le corps de l'ouvrage; il y avait là une lacune volontaire, nous le croyons, dans le plan de M. Bravard, qui se trouve heureusement comblée.

Il ne faudrait pas voir une autre lacune dans l'absence de certaines questions dont au premier abord on pourrait être tenté de chercher la solution dans le volume dont nous donnons une rapide analyse les auteurs, pénétrés de cette idée qu'ils n'écrivaient pas une monographie sur chacun des sujets traités, ont su les réserver pour la place qu'elles doivent occuper dans la distribution générale de l'ouvrage; ils ont ainsi évité un écueil auquel n'échappent pas toujours ceux qui, comme eux, entreprennent un travail d'ensemble sur l'un de nos Codes.

Essayerons-nous maintenant, pour faire la part de la critique, de relever certaines doctrines au sujet desquelles nous serions en dissentiment avec les auteurs? Non, ce n'est point ici la place de semblables discussions. Signalons pourtant un point où M. Bravard nous paraît avoir commis une inadvertance qui a échappé à son annotateur, et qui devra être relevée dans une nouvelle édition. M. Bravard reconnaît aux condamnés à des peines afflictives perpétuelles (loi du 31 mai 1854) la capacité de faire le commerce admise autrefois au profit du mort civilement (page 67). Il n'a pas remarqué que la mort civile, én enlevant

au condamné la jouissance de certains droits, lui conservait la jouissance et l'exercice de tous les autres; tandis que la loi nouvelle, par une rigueur dont elle n'a peut-être pas calculé la portée, lui enlève l'exercice de tous les droits, sans distinction.

Nous pourrions encore ajouter que notre livre ne dit peutêtre pas le dernier mot sur l'interprétation de l'article 42 du Code de commerce, en ce qui concerne la sanction du défaut de publications prescrites pour les sociétés commerciales. En refusant, à tort suivant nous, aux créanciers personnels des associés le droit de s'en prévaloir contre les créanciers sociaux, les auteurs ont omis de nous dire dans quelles circonstances d'autres tiers pourraient avoir un intérêt légitime à invoquer la nullité prévue par la loi. Mais que prouveraient ces critiques de détail et d'autres semblables? Rien, sinon qu'une œuvre humaine ne saurait être parfaite. Toujours est-il que la publication inaugurée par ce premier volume sera une des plus remarquables et des plus utiles qu'il y ait; qu'elle rendra grand service à la science en conservant la pensée d'un esprit original et puissant, et enfin qu'elle sera pour M. Demangeat un titre de plus à obtenir la position définitive à laquelle l'appelle depuis longtemps l'opinion publique, position si bien due à ses éminents travaux et à ses longs services1. C. BUFNOIR.

Table générale et méthodique des mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, par Ch. DE ROZIERE et E. CHATEL; 1 vol. in-4o, 1850. Prix : 25 francs. Table méthodique et analytique des articles du Journal des savants, par H. COCHERIS; 1 vol. in-4°, 1860. Paris, Durand. Prix : 25 francs.

La bibliographie, on peut le dire après tant de beaux travaux qu'elle a produits, la bibliographie est une science; c'est même la clef de toutes les sciences. Les livres sont autant de maîtres qui distribuent à qui les consulte les divers genres d'instruction;

1 Entre la rédaction de cet article et sa publication, un décret du 17 novembre 1862 a donné raison à nos prévisions en nommant M. Demangeat professeur titulaire d'une chaire de droit romain à la Faculté de droit de Paris. C'est aussi depuis la rédaction de notre article qu'a paru le tome III de la publication que nous annonçons. La Revue rendra compte prochainement de ce travail, qui traite de la lettre de change et du billet à ordre.

mais il faut aller à ces maîtres, et savoir ce que l'on peut apprendre auprès de chacun. La bibliographie enseigne où doit s'adresser celui qui veut s'instruire sur une partie quelconque d'une science sans son secours, on serait exposé à ne pouvoir combler les lacunes de son instruction, et les savants eux-mêmes pourraient consacrer bien des efforts et bien des veilles à résoudre des questions résolues avant eux. Que fait un homme sensé qui veut approfondir une question, surtout de celles où l'expérience et les observations successives ont le plus de poids? Il s'enquiert de ce qu'on a pu faire avant lui sur ce sujet ; il l'étudie, il en profite, et quelquefois il va lui-même plus loin. Peut-être, sans les ressources qu'il a trouvées à son point de départ, n'aurait-il pas été aussi avant. A coup sûr, ses devanciers lui ont épargné bien des efforts inutiles.

C'est pour épargner du temps et de la peine aux travailleurs que les deux précieux volumes que nous annonçons ont été composés. On peut dire que, sans ces Tables, le recueil des Mémoires de l'académie des inscriptions et belles-lettres et celui du Journal des Savants seraient comme s'ils n'étaient pas, du moins pour le plus grand nombre. Qui donc, à part quelques rares initiés, irait chercher dans ces volumineuses collections les documents qui y sont enfouis, sans certitude d'y trouver ce qu'il cherche, surtout sans avoir le moyen de prendre en main ces lourds volumes enfouis la plupart du temps dans les bibliothèques publiques? Grâce à ces Tables, on se retrouve aisément dans ces labyrinthes, où se pressent tant de constructions étrangères les unes aux autres. Chacun y trouve son bien; car tant de questions sont remuées dans ces belles collections de mémoires, qu'il est difficile que tous n'aient pas à y prendre quelque chose.

Si le recueil des Mémoires de l'académie des inscriptions et belles-lettres s'adresse surtout aux érudits, à ceux qui étudient les choses du passé, le Journal des Savants, moins exclusivement réservé aux sciences historiques, admet dans ses colonnes des travaux sur les matières les plus diverses. C'est d'abord la théologie juive et chrétienne, puis les diverses mythologies du Nord et de l'Orient; c'est la jurisprudence et l'économie politique; c'est l'histoire, à savoir l'histoire de tous les peuples, anciens et modernes, à laquelle se rattachent la biographie et

l'archéologie; ce sont les belles-lettres (linguistique et histoire littéraire), embrassant toutes les langues et toutes les littératures connues; ce sont les sciences, sciences mathématiques, sciences physiques, sciences naturelles, sciences médicales, agriculture, astronomie, etc.; ce sont les beaux-arts, architecture, peinture et musique; enfin, c'est la bibliographie, qui ne pouvait pas ne pas avoir sa place dans cette vaste encyclopédie, où toutes les connaissances humaines sont, sinon exposées dans leur ensemble, du moins élucidées dans leurs principales parties.

Remercions donc l'éditeur qui n'a pas craint d'entreprendre une belle publication, et les hommes de science et de labeur qui l'ont exécutée. Ce n'est pas tout: faisons des voeux pour que le public l'encourage, et par son accueil détermine d'autres publications semblables qui nous sont annoncées, et qui sont en effet fort désirables, la table de la Collection des historiens de France et celle de l'Histoire littéraire de France. A. CHASSANG.

De la compensation et des demandes reconventionnelles dans le droit romain et le droit français ancien et moderne, par A.-E. LAIR, docteur en droit, substitut du procureur impérial près le tribunal de Cholet. Paris, Durand, in-8°. Prix: 4 francs.

M. Lair s'est déjà fait connaître des lecteurs de la Revue par un remarquable ouvrage sur la réhabilitation des condamnés, qui a paru en 1859 et dont il a été rendu compte à cette époque. Aujourd'hui, il publie sur la compensation et les demandes reconventionnelles un livre qui, l'année dernière, sous la forme d'un mémoire, a obtenu le premier prix de doctorat de la Faculté de droit de Paris. Ce mémoire, soigneusement revu d'ailleurs, méritait assurément d'être livré au public, après avoir été l'objet d'une distinction si honorable. J'ajoute que la distinction avait d'autant plus de prix que, pour la conquérir, M. Lair avait dû prendre le pas sur un mémoire, fort recommandable aussi, de M. Albert Desjardins, avocat à la Cour impériale, auquel il n'a laissé que le second rang.

Avec l'esprit sérieux et les tendances élevées qui le caractérisent, M. Lair devait chercher à agrandir le sujet, un peu étroit en apparence, quoique important par ses conséquences pratiques qu'il avait à traiter. Selon lui, et nous partageons complétement

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