Page images
PDF
EPUB

limitative, mais incontestablement il avait en vue des dispositions caduques, seulement d'après les lois caducaires, car il dit en commençant : « Quod quis sibi testamento relictum ITA UT JURE CIVILI CAPERE POSSIT, aliqua ex causa non ceperil, CADUCUM appellatur. » Ces mots « ita ut jure civili capere possit » indiquent une disposition valable jure civili, qui tombait d'après les lois nouvelles. Ulpien se serait-il exprimé de cette façon, s'il s'était agi d'une part vacante d'après les anciens principes? Supposez, par exemple, que l'héritier eût refusé de faire adition, ou que le légataire n'eût pas accepté son legs, le jurisconsulte aurait-il pu dire que cette disposition pouvait être recueillie d'après le droit civil, mais qu'elle était caduque « quasi ceciderit ab eo?» Il ne nous semble pas que notre savant collègue ait répondu à cette partie du texte qui, d'après nous, est la base de notre doctrine.

Mais, ajoute-t-on, Ulpien, dans d'autres passages, désigne sous le nom de caduques des parts qui venaient à défaillir d'après les anciens principes.

Cela est vrai, mais l'auteur lui-même fait remarquer que ni Ulpien, ni Gaïus ne distinguaient, dans la plupart des textes, les caduca et les quasi caduca, parce que les patres étaient appelés à recueillir les uns et les autres1.

On oppose: 1o le paragraphe 21 du titre 1er des Règles d'Ulpien. Le jurisconsulte suppose l'espèce suivante : Le testateur a rédigé ainsi son testament: Primus heres esto; Stichus servus meus liber esto; Secundus heres esto: la liberté est conférée entre deux institutions d'héritier; les deux héritiers font adition, l'affranchissement est nul, il devait être fait après les deux institutions, car étant un acte indivisible, il ne pouvait être imposé pour partie à Primus, héritier seulement pour moitié; mais Primus seul fait adition, l'affranchissement est maintenu (jure antiquo valet). Toutefois, depuis la loi Papia, la part de Secundus qui refuse l'hérédité est caduque : « Sed post legem Papiam Poppaam quæ partem non adeuntis CADUCAM facit. » Et alors se présente une distinction: Primus est un pater, ou il a le bénéfice du jus antiquum, il recueille la part vacante et devient seul héritier,

1 Voir p. 185. D'après M. Machelard, il n'y avait aucun intérêt pratique à faire la distinction. Cela est vrai pour les patres, mais inexact, suivant nous, pour ceux qui avaient le jus antiquum.

l'affranchissement reste valable; ou bien Primus ne peut recueillir cette part vacante 1, alors elle appartient aux legatarii patres qui prennent la place de Secundus comme héritiers, et dès lors l'affranchissement devrait être nul. Toutefois, ajoute Ulpien, des jurisconsultes pensaient que les légataires ne devaient pas être considérés comme héritiers, ou du moins ils décidaient que l'affranchissement restait valable.

M. Machelard conclut de ce texte que toute part défaillante après la mort du testateur constituait un caducum.

Ulpien, il est vrai, désigne sous le nom de caduque la part de l'héritier qui refuse de faire adition d'hérédité; mais ce passage peut-il être opposé à la doctrine qu'il a enseignée au titre XVII? Assurément non. Le jurisconsulte, après avoir rappelé le droit antérieur aux lois caducaires (jus antiquum), d'après lequel la part de Secundus était dévolue à Primus, constate que depuis les lois caducaires cette part est caduque et qu'elle peut être recueillie par Primus, s'il est pater ou s'il jouit du jus antiquum. Le jurisconsulte avait-il intérêt à constater que cette part était in causa caduci? Non, parce que la part défaillante était dévolue aux patres, d'après les mêmes principes, qu'elle fût caduque ou quasi caduque. Seulement, il pouvait être question du jus antiquum pour les dispositions in causa caduci; aussi Ulpien, dans le passage précité, parle du cas où l'héritier qui a fait adition aurait le jus antiquum.

2o On cite les paragraphes 12 et 13 du titre XXIV De legatis (Règles d'Ulpien). Ici encore, dit-on, le jurisconsulte appelle caduque la disposition qui, valable ab initio, vient à défaillir.

Mais la réponse est encore facile. Ulpien rappelle, dans ces paragraphes, les principes du jus adcrescendi antérieurs aux lois caducaires, et il fait ensuite remarquer qu'après ces lois la part défaillante est devenue caduque pour suivre le sort déterminé par ces mêmes lois. Mais il n'était pas obligé, dans ces passages, de faire la distinction entre le caduc et le quasi caduc. D'ailleurs ce texte prouverait trop, car Ulpien y donnait aussi bien le

1 Il faut supposer que Primus était solidi capax. S'il n'eût pas joui du jus antiquum, ou s'il n'eût pas été pater, il eût été privé du jus capiendi pour sa part. Ce texte serait donc un argument puissant à l'appui de la doctrine que M. Machelard a enseignée sur le solidi capax. Ulpien ne devait pas parler d'un orbus qui eût été au moins privé de la moitié de sa part.

nom de caduca à des dispositions qui devenaient vacantes avant la mort du testateur, et M. Machelard reconnaît qu'elles devaient être in causa caduci.

3o On invoque le paragraphe 206 du Commentaire II de Gaïus.. La réponse doit être la même. Le jurisconsulte parle de la part d'un légataire qui est défaillante après la mort du testateur, et M. Machelard en conclut que le jurisconsulte romain y voit un caduc; mais Gaïus dit simplement : « Magis placere video partem defecisse.»

40 Nous ferons la même réponse sur la loi 55 De legatis 1° (30-1).

5o On cite en dernier lieu le texte de Justinien dans sa constitution De caducis tollendis : « Vel mortuo jam testatore, hoc quod relictum erat deficiebat, quod aperta voce caducum nuncupabatur.» D'après Justinien, la caducité atteignait tout ce qui venait à défaillir après la mort du testateur.

Remarquons d'abord que le caducum ne pouvait se manifester qu'après la mort du testateur, puisque le cælebs et l'orbus avaient même cent jours depuis l'ouverture des tablettes pour obéir aux lois caducaires, et, sur ce point, les expressions de Justinien seraient exactes; mais faut-il les généraliser et dire que toute disposition qui venait à défaillir après la mort du testateur était, à proprement parler, caduque? Nous ne le pensons pas. Justinien a-t-il voulu définir de la manière la plus exacte une chose tombée en désuétude? M. Machelard ne reconnaît-il pas que les libéralités faites sous condition devaient être réputées pro non scriptis, quand la condition venait à défaillir; et cependant l'empereur les range parmi les dispositions in causa caduci!

Enfin, s'il a supprimé les caduca, a-t-il donc supprimé la défaillance provenant du refus d'un héritier ou d'un légataire, refus exprimé après la mort du testateur?

La loi 31 De conditionibus et demonstrationibus (D. 35-1) démontre que les jurisconsultes employaient l'expression deficere, defectam esse, soit pour désigner une disposition caduque, ou quasi caduque, soit une disposition réputée non écrite. D'après cette loi, un testateur, en affranchissant deux de ses esclaves, Stichus et Pamphila, a imposé à son héritier l'obligation de leur payer 100 dans le cas où ils se marieraient l'un avec l'autre. Stichus vient à mourir ante apertas tabulas, le jurisconsulte dit que sa

part est defecta, et il sous-entend qu'elle doit être dévolue d'après le jus caduca vindicandi. Suivant nous, ce serait une part à proprement parler caduque. Quant à la part de Pamphila, elle est aussi defecta, dit le jurisconsulte, et cependant la disposition est plutôt réputée pro non scripta; ce qui le prouve, c'est que l'héritier grevé du legs garde cette part. « Ideoque partem ejus apud heredem remansuram. »

C. Suivant notre savant collègue, les lois caducaires établissaient une substitution au profit des patres. Ce point de vue est-il très-exact et rend-il bien compte des points suivants? Le jus caduca vindicandi était facultatif, mais il avait lieu cum oneribus. N'est-il pas plus exact de dire que les lois Julia et Papia attribuaient aux patres la part vacante, et que ceux-ci acquéraient lege? Ulpien (tit. XIX, § 7, de ses Règles) met sur la même ligne le caducum et l'ereptorium 1, et déclare qu'il y a acquisition lege. Les conséquences ne sont-elles pas plus d'accord avec le principe?

D. M. Machelard enseigne aussi que dans la loi 78 Ad legem Falcidiam (35-2) Gaïus s'occupait du jus caduca vindicandi et non du droit d'accroissement.

Mais, si comme l'avoue l'auteur, avant le décret de Septime Sévère, des jurisconsultes enseignaient que le substitué devait supporter les charges imposées à l'institué, pourquoi Gaïus n'aurait-il pas étendu cette doctrine au droit d'accroissement, comme on le fit après le décret? (Loi 61, § 1 De legatis 2o, Digeste, 31-1.)

A l'époque de Gaïus, dit-on, l'accroissement avait une application très-restreinte.

Mais il était encore maintenu : 1° à l'égard des dispositions pro non scriptis; 2° il régissait les legs d'usufruit, legs très-fréquents; 3° il s'appliquait encore pour les parts in causa caduci à ceux qui avaient le jus antiquum, et qui, proches parents du testateur, devraient être souvent gratifiés; 4° dans tous les testaments militaires.

Et dans le Digeste, tout mutilés qu'ils sont, combien de textes que M. Machelard lui-même ne peut expliquer que par

1 Ce texte prouve une fois de plus que le jurisconsulte romain ne distinguait pas toujours le caduc du quasi caduc.

2 Voir p. 148 et 149.

la fréquence, du droit d'accroissement et notamment par le maintien du jus antiquum au profit des enfants et descendants du testateur1.

L'auteur du travail que nous discutons se fonde sur la loi 87 Ad legem Falcidiam, §§ 4 et 5 (Digeste, 35-2), pour en conclure que, d'après Julien, les charges imposées à l'institué devaient être supportées par le substitué.

Nous avons eu l'occasion de dire 2 que ces lois devaient être interprétées d'après des principes spéciaux à la substitution pupillaire, et il serait tout au moins singulier que Julien eût professé la doctrine que lui prête M. Machelard en présence de la loi 61, § 1 De legatis 2o, où Ulpien déclare que, d'après le même Julien, l'accroissement devait se faire sine oneribus.

E. Le savant professeur de la Faculté de Paris pense que l'influence du décret de Septime Sévère se fit sentir pour les légataires jouissant du jus antiquum, qui durent recueillir les parts vacantes cum oneribus 3.

Nous n'avons aucun texte sur ce point, mais nous concevons quelques doutes sur cette solution.

Les conjuncti re, en matière de legs appelés disjuncti, ne profitaient pas du jus caduca vindicandi, ainsi que le prouve la loi 89 De legatis 3° (Digeste, 32-1); ils ne profitaient que du jus adcrescendi quand ils avaient le jus antiquum, et Justinien décide que pour eux l'accroissement sera forcé et sine onere. L'empereur n'a-t-il pas formulé le principe resté en vigueur, d'après lequel l'accroissement avait toujours lieu pour les conjuncti re, mais sans les charges?

Que notre collègue de Paris veuille bien voir dans ces observations, que d'autres auteurs ont mieux exprimées, une preuve de l'attention avec laquelle nous avons lu et relu son beau travail.

G. DE CAQUERAY,

Professeur de droit romain à la Faculté de Rennes.

1 Remarquons que ces lois supposent toujours des dispositions in causa

caduci, ce qui vient fortifier la doctrine précédemment exposée.

2 Revue de droit historique, mai et juin 1858, p. 209.

3 Voir p. 156 et 324.

« PreviousContinue »