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principes nouveaux (jure novo), c'est-à-dire d'après les nouvelles lois Julia et Papia; en un mot, ils n'étaient pas punis, mais ils n'étaient pas récompensés; ils ne subissaient pas la peine infligée par les lois caducaires, mais ils n'avaient aucun droit à la prime, puisqu'ils n'étaient pas patres.

Ainsi, pour faire comprendre l'utilité de la substitution invicem en présence des lois caducaires, on fait l'espèce suivante : Primus, fils du testateur; Secundus cælebs et Tertius pater sont institués héritiers sans être substitués réciproquement l'un à l'autre. Primus qui a le jus antiquum n'est pas puni, il recueille sa part, le tiers de l'hérédité; Secundus est privé du jus capiendi ; Tertius recueille sa part et revendique en vertu du jus caduca vindicandi le tiers afférent à Secundus cœlebs; s'il y substitu

tion invicem, Primus, qui a le jus antiquum, a droit jure substitutionis à la moitié de la part de Secundus, et il partage l'hérédité avec Tertius.

M. Machelard n'admet pas cette solution et, d'après lui, la substitution invicem n'était utile que pour le solidi capax 1.

Il faut d'abord reconnaître que, si les mots sont le signe des idées, la loi qui maintenait au profit des ascendants et descendants du testateur le jus antiquum, le droit ancien, indiquait par là même que leur situation serait réglée d'après les anciens

:

1 Les commentateurs français des Institutes, MM. Ducaurroy, Ortolan, Etienne et de Fresquet gardent le silence sur le solidi capax ; ce dernier seul mentionne la solidi capacitas entre époux. Quant à ceux qui avaient le jus antiquum, ils se bornent à dire M. Ducaurroy (no 751), « sauf une exception qui maintenait l'ancien droit pour les ascendants et descendants du testateur jusqu'au troisième degré ». M. Ortolan (sur le § 8, De legatis, 3o éd., t. I, p. 661) : « La loi Papia avait excepté de ses dispositions caducaires certaines personnes, par exemple, les descendants et les ascendants du testateur jusqu'au troisième degré, à qui elle avait laissé, par conséquent, la jouissance de l'ancien droit; c'est ce que les textes nomment jus antiquum in caducis. » M. Etienne (t. I, p. 433), « de même les ascendants et descendants du testateur jusqu'au troisième degré furent exemptés de l'application de la loi Papia Poppæa; par conséquent purent invoquer les anciens principes sur l'accroissement; c'est ce qu'on appela jus antiquum in caducis. » De Fresquet (t. I, p. 366 et 421): « Les lois Julia et Papia Poppæa n'étaient pas appliquées aux ascendants et aux descendants jusqu'au troisième degré. Nous avons déjà cité le texte d'Ulpien, qui établit comment les ascendants et les descendants jusqu'au troisième degré n'étaient pas soumis à la loi Papia ; c'était ce qu'on appelait le jus antiquum in caducis. »

TOME IX.

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principes en vigueur avant les lois caducaires, sans pouvoir souffrir des lois nouvelles, mais aussi sans pouvoir en profiter. Sur quel motif a donc pu se fonder M. Machelard pour repousser une argumentation qu'il regarde comme puissante?

« Ce qui nous décide, dit-il, c'est la manière dont Ulpien s'exprime pour caractériser le jus antiquum, » et l'auteur cite le titre XVIII des Regulæ du jurisconsulte romain : « Qui habeant JUS ANTIQUUM IN CADUCIS Item liberis et parentibus testatoris usque ad tertium gradum, lex Papia jus antiquum dedit, ut heredibus illis institutis, quod quis ex eo testamento non capit, ad hos pertineat aut totum aut pro parte, prout pertinere possit. »

Le corps du texte ne saurait offrir une difficulté sérieuse. Le jurisconsulte suppose que l'un des héritiers institués ne recueille pas sa part, et il décide que l'héritier jouissant du jus antiquum pourra la recueillir pour le tout ou pour partie seulement. Mais Ulpien ne suppose pas la part vacante, parce qu'elle était déférée à un cœlebs ou à un orbus; ces mots : « quod quis ex eo testamento non capit» peuvent parfaitement s'entendre d'une défaillance se produisant en vertu des anciens principes 1.

Reste la rubrique « Qui habeant jus antiquum in caducis; » mais ne peut-on pas traduire : qui a le droit ancien d'après les lois caducaires? Il faut même convenir qu'il eût été singulier de parler du jus antiquum pour recueillir les caducs inconnus d'après le droit ancien. Puis, dans des textes appartenant à Ulpien, et qui sont dans ses Regulæ, on ne trouve pas de distinction entre les caduca et les in causa caduci; il donne à des dispositions venant à défaillir, même jure antiquo, le nom de caduca; nous ne faisons d'exception que pour le titre XVII De caducis où, suivant nous, il voulut définir ce qui constituait, à proprement parler, le caducum; mais, une fois la définition donnée, il la laissa de côté, parce qu'en général les caduca et les quasi caduca étaient également déférés aux patres et suivaient la même destinée.

Ulpien, en parlant du jus antiquum in caducis, pensait être assez clair. Du moment où il traitait du jus antiquum, il ne croyait pas que ce droit pût embrasser d'autres dispositions que celles qui étaient caduques d'après le droit ancien.

1 M. Machelard (p. 53) fait remarquer que l'on rencontre quelquefois les expressions capere posse là où il est question de la testamenti factio. Voir Gaïus, Comm. II, § 210.

La constitution de Justinien semble bien conforme à la doctrine que nous embrassons et cum lex Papia JUS ANTIQUUM QUOD ANTE EAM IN OMNIBUS SIMPLICITER VERSABATUR, suis machinationibus et angustiis circumèludens, solis parentibus et liberis testatoris usque ad tertium gradum, si scripti fuerant heredes, suum imponere jugum erubuit, jus antiquum intactum eis conservans : nos omnibus nostris subjectis sine differentia personarum hoc concedimus. »

Justinien accorde ce droit ancien à tous sans distinction, et en même temps il abolit les caducs, ainsi que les priviléges des patres. Il nous semble que sa pensée est bien claire.

Sous l'empire des lois caducaires, certaines personnes, dit-il, ne subissaient pas le joug de ces lois, et continuaient à jouir de l'ancien droit d'accroissement; ce privilége, nous l'étendons à tous nos sujets, nous les traitons tous comme étaient traités les descendants et ascendants du testateur jusqu'au troisième degré. Mais l'assimilation qu'il proclame entre tous les sujets de Byzance et ceux qui jouissaient du jus antiquum consiste en ce que dorénavant toutes les parts défaillantes sont dévolues jure adcrescendi, d'après les anciens principes en vigueur avant la loi Papia, et il ne saurait certes y avoir d'assimilation pour les caducs qui étaient abolis au temps de Justinien.

Dans notre doctrine, il ne pouvait y avoir de conflit entre le jus antiquum et les priviléges des patres. S'agissait-il d'une disposition défaillante d'après les anciens principes, le descendant ou l'ascendant du testateur recueillait d'abord sa part, puis il prenait tout ou partie de la part vacante; en matière de legs, il fallait distinguer les conjonctions, examiner si le legs était per vindicationem ou per damnationem, en un mot, s'en référer aux principes du droit d'accroissement.

De plus, l'accroissement était forcé et sans charges, du moins jusqu'au rescrit de Septime Sévère. La situation devait être entièrement réglée jure antiquo.

S'agissait-il, au contraire, d'une disposition défaillante d'après les principes introduits par les lois caducaires, le pater seul avait le droit de la revendiquer, et s'il la revendiquait, il l'obtenait avec les charges.

Dans le système de M. Machelard, que de difficultés inextricables! D'abord, s'il y avait conflit entre le pater qui invoquait

le jus caduca vindicandi sur le caduc proprement dit, et l'héritier ou le légataire qui prétendait droit au jus antiquum, lequel l'emportait? Ce conflit eût été d'autant plus fréquent que, d'après le savant professeur, il y aurait eu concours entre les patres et ceux qui avaient le jus antiquum sur toutes les dispositions qui, valables ab initio, perdaient ensuite leur force par une cause quelconque, «<les deux priviléges, dit-il1, doivent donc se rencontrer en lutte l'un avec l'autre, puisqu'ils ont le même domaine. >>

M. Machelard avoue lui-même qu'il a changé d'opinion sur ce point 2; il est obligé de faire accroître la part vacante, sans charges, au profit de celui qui avait le jus antiquum, et avec charges au profit du pater qui avait le jus caduca vindicandi; mais cette charge eût donc été scindée, et si elle avait été indivisible, comment les choses se seraient-elles passées ?

D'après nous, ce conflit était impossible: ou il y avait lieu au jus antiquum, au droit d'accroissement sur les parts vacantes jure antiquo, dites in causa caduci, ou il y avait lieu au jus caduca vindicandi sur les parts vacantes jure novo, dites caduques.

L'auteur invoque un dernier argument. D'après Ulpien (tit. XVIII de ses Règles), celui qui a le jus antiquum recueille la part vacante aut totum aut pro parte, ce qui signifie qu'un héritier pater peut se trouver en conflit avec celui qui a le jus antiquum; mais n'est-il pas plus naturel d'entendre ce passage, en ce sens que l'héritier institué aura tout ou partie de la part vacante jure adcrescendi, suivant qu'il y aura d'autres héritiers ou qu'il sera seul?

B. On sait que la constitution de Justinien distingue les dispositions pro non scriptis, celles dites: In causa caduci et les caduca. Les lois caducaires ne s'appliquaient pas aux dispositions pro non scriptis, qui restèrent toujours soumises au jus adcrescendi. Il n'en fut point ainsi des deux autres qui, en cas de vacance, furent attribuées à titre de récompense aux patres; mais comment les distinguer?

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M. Machelard enseigne que les dispositions quasi caduques

1 V. p. 237.

Voir p. 238.

3 Voir p. 184 et 185.

étaient celles qui, valables ab initio, avaient eu de la consistance, mais venaient à défaillir avant la mort du testateur, tandis que l'on regardait comme caduques toutes celles qui tombaient après la mort du testateur. Ainsi, suivant cette doctrine, le refus d'un légataire, après décès du testateur, constituerait un caduc; il en serait de même du refus d'adition exprimé par l'héritier institué.

b. Mais d'après tous les auteurs suivants : MM. Ducaurroy1, Ortolan, de Fresquet, Etienne, d'Hauthuille", par caduca, il fallait entendre les dispositions qui tombaient en vertu des lois caducaires, et par un in causa caduci celles qui défaillaient en vertu des anciens principes, par exemple, si un légataire refusait de recueillir sa part, ou si un héritier ne voulait pas faire adition.

Cette division est de la plus haute importance si l'on admet que le jus antiquum ne donnait pas lieu à recueillir les caduca.

Qu'elle eût lieu, on ne peut le nier, la constitution de Justinien l'établit d'une manière formelle; mais dans le système que nous combattons, on ne voit guère son utilité, puisque les patres et ceux qui avaient le jus antiquum concouraient sur les caduca aussi bien que sur les quasi caduca.

Etudions les textes: Ulpien (tit. XVII de ses Règles) est favorable à notre opinion. Voulant définir les caducs (De caducis), il s'exprime ainsi : « Quod quis sibi testamento relictum ITA UT JURE CIVILI CAPERE POSSIT, aliqua ex causa non ceperit, CADUCUM appellatur, veluti ceciderit ab eo : verbi gratia, si cœlibi vel Latino Juniano legatum fuerit, nec intra dies centum vel cœlebs legi paruerit, vel Latinus jus quiritium consecutus sit; aut si ex parte heres scriptus vel legatarius ante apertas tabulas decesserit, vel pereger factus sit. »

Les exemples de caduca sont tous puisés dans des espèces où les parts étaient défaillantes jure novo. M. Machelard soutient que le jurisconsulte romain s'exprimait verbi gratia. Nous le concédons en ce sens qu'Ulpien ne donnait pas une énumération

1 Inst. expliq., t. I, no 750.

2 Explications historiques des Institutes, t. II, p. 581, 6o éd., 1158. 3 Traité de droit romain, t. I, p. 419.

Inst. de Justinien, t. I, p. 433.

5 Thèse de doctorat.

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