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la centralisation administrative qu'il faut avant tout accuser. Est-ce qu'il n'y a pas une distinction à faire entre le despotisme de Louis XI et celui de Louis XIV ?

Avant de prononcer sur les légistes un anathème irrévocable au nom de la liberté, ouvrons l'Esprit des Lois et nous y lirons : « Que transporter dans des temps reculés toutes les idées du temps où l'on vit, c'est, des sources de l'erreur, celle qui est la plus féconde. >>

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SUR LES LOIS CADUCAIRES

A PROPOS DE L'OUVRAGE

DE M. MACHELARD,

PROFESSEUR A LA FACULTé de droit dE PARIS.

M. Machelard a fait paraître, il y a déjà quelque temps, un ouvrage intitulé : Dissertation sur l'accroissement entre les héritiers testamentaires et les colégataires aux diverses époques du droit romain. - Etude sur les lois Julia et Papia Poppaa, en ce qui concerne la caducité. Cet ouvrage, qui est la reproduction de savants articles publiés dans la Revue historique (années 1857, 1858 et 1860), a déjà été accueilli, comme il le mérite, par les romanistes. M. Lacomme, notre collègue de Dijon, l'appelle avec raison un très-remarquable travail sur l'accroissement (Revue historique, 1862, livraison mars et avril), et M. Cauvet, professeur de droit romain à la Faculté de Caen, en a présenté, dans la Revue critique (année 1861), un compte rendu très-favorable.

Nous venons de relire avec toute l'attention qu'elle mérite cette belle dissertation, et nous nous permettrons de présenter, sur certains points, quelques observations, qui sont une preuve du soin avec lequel nous avons étudié le travail de M. Machelard.

A. L'auteur distingue, d'après les lois caducaires, cinq catégories de personnes : 1° le cœlebs, 2o l'orbus, auquel il assimile le solitarius pater, 3o le solidi capax, 4o ceux qui avaient le jus antiquum, 5° les patres.

Nous adoptons entièrement les doctrines du savant professeur en ce qui concerne les cœlibes, les orbi, le solitarius pater, et enfin les patres.

Mais quelle différence, suivant lui, existait entre le solidi capax et celui qui avait le jus antiquum?

Voici sa réponse 1: « la solidi capacitas se résume dans cette

1 Voir p. 61.

idée : Certaines personnes, bien que cœlibes ou orbi, sont, pour des raisons différentes, exemptes de la disgrâce dont la loi frappe l'une ou l'autre de ces conditions; mais il y a uniquement pour elles immunité quant aux peines; elles ne sauraient prétendre participer aux avantages réservés à la paternité. Leur droit se borne à conserver sans restriction (solidum) ce qui leur a été laissé. Elles auront tout ce dont elles auront été gratifiées, rien au delà.

On pourrait croire que c'est là précisément, sous une autre qualification, ce que l'on appelle jus antiquum..... Il est indispensable de séparer ces deux conditions qui paraissent se confondre..... Mais prenons garde que le joug des lois Julia et Papia, pour emprunter le langage de Justinien, s'imposait de deux manières différentes aux héritiers institués ou aux légataires. D'une part, ils étaient privés en tout ou en partie du bénéfice de l'institution ou du legs, suivant qu'ils étaient cælibes ou orbi, et c'est sur ce point que la solidi capacitas mettait à l'abri d'une perte. D'une autre part, les lois Julia et Papia faisaient obstacle à ce que la vocation du cælebs ou de l'orbus, quand il rencontrait à côté de lui un pater, pût produire les effets éventuels que l'ancien droit attachait à cette vocation, en faisant profiter l'appelé de la défaillance de ceux qui pouvaient le restreindre par leur concours. Cette défaillance n'était plus possible puisque, désormais, il n'y avait plus de part vacante, à raison de la transmission légale qui en était opérée par une sorte de substitution en faveur de ceux qui, ayant le jus caduca vindicandi, se trouvaient remplir la place inoccupée par le gratifié direct. Or, sous ce rapport, les solidi capaces restaient dans le droit commun, tandis que les ascendants ou les descendants, qui jouissaient du jus antiquum, non-seulement évitaient les peines de la loi, mais encore étaient admis à tirer parti de leur vocation, avec toute l'extension dont elle était susceptible suivant les anciens principes. »

On serait tenté de croire que la doctrine de l'auteur est la suivante le solidi capax pouvait recueillir seulement sa part, il n'avait pas même le droit de profiter d'une part vacante, d'après les anciens principes du jus adcrescendi, par exemple, de la part d'un légataire décédé avant le testateur ou qui renoncerait à son legs, d'une part dite in causa caduci. Au contraire, celui qui pro

fitait du jus antiquum pouvait recueillir la part vacante en vertu des anciens principes, et notamment par suite des événements que nous venons de rappeler. Mais, si la part était caduque pour le tout ou pour partie, d'après les novæ leges, si l'un des institués était cælebs ou orbus, les patres seuls pouvaient profiter de la caducité, parce que la vacance se produisait alors jure novo. Quant aux dispositions défaillantes, dites pro non scriptis, toujours soumises au droit d'accroissement, elles devaient profiter même au solidi capax 1.

On arriverait ainsi à établir ces trois catégories : 1o le solidi capax, bien que cælebs ou orbus, devait prendre la part pour laquelle il avait été institué héritier ou qui lui avait été léguée, de plus il profitait de la vacance des parts défaillantes ab initio et réputées non écrites; 2° les enfants et ascendants du testateur qui avaient le jus antiquum recueillaient, bien que cœlibes et orbi, leurs parts, puis celles qui étaient réputées non écrites et, de plus, les parts défaillantes, d'après les anciens principes, ce que l'on disait être in causa caduci; 3o le pater recueillait lui seul les parts caduques, en vertu des lois caducaires, c'est-à-dire caduques jure novo.

Cette doctrine serait très-rationnelle, puisque le solidi capax recueillerait la disposition qui lui a été faite et, de plus, les parts vacantes << qui ne tombaient pas sous l'application des lois caducaires; le pater favorisé par ces lois prendrait les parts caduques et quasi-caduques, mais serait écarté, sur ces dernières seulement, par ceux qui avaient conservé le jus antiquum.

Telle n'est pas cependant l'opinion de M. Machelard. Il continue ainsi : « Un exemple servira à mettre en relief la portée de cette distinction. Supposons qu'un testateur a institué, pour parts égales, Primus, son proche cognat, qui, en cette qualité, bien que cælebs est solidi capax, Secundus qui est au nombre des patres, et enfin Tertius qui est celebs, mais qui ne peut invoquer aucun motif pour échapper aux rigueurs des lois Julia et Papia. L'institution de Primus est efficace, grâce à l'exception qui le protége; celle de Tertius, au contraire, est frappée de caducité. Primus, dans l'espèce, restera héritier pour un tiers, et ne pourra jure adcrescendi bénéficier de l'exclusion de Tertius,

1 Voir p. 175 el 236.

parce que le jus adcrescendi se trouve écarté au moyen de l'attribution que les lois caducaires font au pater de la part du calebs. C'est, de par la loi, comme s'il y avait substitution de Secundus à Tertius, ce qui, en mettant de côté l'idée d'une vacance pour la part de ce dernier, laisse sans droit Primus étranger à la faveur de cette substitution supposée. En conservant la même hypothèse, sauf cette modification qu'au lieu d'un proche cognat, qui n'a que la solidi capacitas, le testateur aura institué son propre fils qui a le jus antiquum, celui-ci devra profiter de la défaillance de Tertius, et par suite du jus adcrescendi, qui subsiste exceptionnellement pour lui, prendre la moitié de la succession qu'il partagera avec Secundus, lequel ne peut invoquer par préférence la substitution légale dont nous avons parlé, parce que celle-ci s'efface en présence du jus antiquum. »

Il résulte bien explicitement de ce passage que Primus, ayant le jus antiquum, partageait avec Secundus, qui était pater, la part de Tertius le celebs, part qui était vacante jure novo.

1

Plus loin l'auteur ajoute : « Supposez que la disposition dont il s'agit de recueillir le bénéfice n'échappe à son destinataire que par l'effet des déchéances créées par le droit nouveau, parce qu'elle s'adresse à un cœlebs ou à un orbus, parce que l'héritier ou le légataire qui ont survécu au testateur seront décédés avant l'ouverture des tablettes du testament, toutes ces causes d'incapacité imaginées en vue de récompenser les patres, d'alimenter la caducorum vindicatio au profit des personnes que la loi veut favoriser, peuvent-elles être une source d'enrichissement en faveur des liberi et des parentes?

Il y a assurément de bonnes raisons pour défendre la négative; et il conclut ainsi : « Quelque puissante que soit cette argumentation (celle de Schneider), elle n'a pu nous convaincre. Déjà, du reste, nous avons pris parti sur ce point dans l'exemple que nous avons donné, pour expliquer comme le jus antiquum était préférable à la solidi capacitas. »

a. Nous persistons à croire que ceux qui avaient le jus antiquum jouissaient du droit de recueillir par droit d'accroissement les parts vacantes en vertu des anciens principes, mais qu'ils ne profitaient en rien des dispositions vacantes d'après les

1 Voir p. 98.

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