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SUR LES SUBSTITUTIONS PROHIBÉES.

DEUXIÈME PARTIE 1.

§ 3. § 4.

Droit intermédiaire.

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Dis

- Majo

- Droit moderne: maintien de l'abolition des substitutions. position officieuse convertie en substitution au premier degré. rats. Substitutions rétablies. Abolition des majorats et des substitutions. Retour aux dispositions primitives du Code.

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§ 5. Caractères distinctifs de la substitution prohibée : la charge de conserver et de rendre à la mort du grevé n'est pas une condition essentielle.

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Arrive la Révolution, les idées étaient à l'égalité. Tous les priviléges de la noblesse sont abolis, dans la fameuse nuit du 4 août 1789, par l'Assemblée constituante, qui supprime, dans un décret du 5 novembre suivant, toute distinction d'ordres en France. Toutes les successions doivent se partager également, sans avoir égard à l'ancienne qualité noble des biens ou des personnes (L. du 15 mars 1790, tit. II, art. 11). Aucune réclamation ne s'éleva dans l'Assemblée de la part des membres appartenant à la noblesse. Louis XVI lui-même fit écrire, par le ministre de l'intérieur de Saint-Priest, le 4 juin 1790, à Chérin, généalogiste de la cour, qu'il n'eût plus à recevoir les titres généalogiques qu'il était d'usage de lui remettre pour être admis à l'honneur d'être présenté au roi. Les doutes qui auraient pu rester sur la suppression de la noblesse furent levés par un décret de l'Assemblée, rendu quinze jours après, le 19 juin, et sanctionné le 23 du même mois par lettres patentes du roi 2.

1 Voir la 1re partie, 2e livraison, p. 97.

« La noblesse héréditaire est pour toujours abolie; en conséquence, les titres de prince, de duc, de comte, marquis, vicomte, vidame, baron, chevalier, messire, écuyer, noble, et tous autres titres semblables, ne seront ni pris par qui que ce soit, ni donnés à personne. » (Art. 1.)

« Aucun citoyen ne pourra prendre que le vrai nom de sa famille; perTOME IX. 13

Enfin, la Constitution du 3 septembre 1791 érige en principe de droit public l'égalité civile en France1. L'abolition de la noblesse, des titres, prérogatives de distinction qui s'y rattachaient, est de nouveau proclamée, et, comme sanction, la loi du 27 septembre-16 octobre 1791 édicte des pénalités contre ceux qui dans. un acte quelconque prendraient ou donneraient les qualifications supprimées; la destitution pour les notaires ou autres officiers publics.

Les substitutions se trouvaient en flagrante opposition avec les principes nouveaux; aussi, ce que d'Aguesseau n'avait osé tenter, n'arrêta pas un instant la Convention. Sur la proposition d'un de ses membres, en attendant une loi plus complète, elle commence par abolir, le 2 septembre 1792, les substitutions pour l'avenir 2. La loi demandée ne se fit pas attendre, le 14 novembre suivant parut un décret prohibant à l'avenir toutes les substitutions et déclarant la propriété des biens grevés libre entre les mains de leurs possesseurs au moment du décret dont voici là teneur: «Toutes substitutions, sont interdites et prohibées pour l'avenir (art. 1).

« Les substitutions faites avant la publication du premier décret, par quelques actes que ce soit, qui ne seront pas ouvertes à l'époque de ladite publication, sont et demeurent abolies et sans effet (art. 2).

<<< Les substitutions ouvertes lors de la publication du présent décret n'auront d'effet qu'en faveur de ceux seulement qui auront

sonne ne pourra porter ni faire porter de livrées, ni avoir d'armoiries; l'encens ne sera brûlé dans les temples que pour honorer la Divinité et ne sera offert à qui que ce soit. » (Art. 2.)

« Les titres de monseigneur, de messeigneurs, ne seront donnés à aucun corps, ni à aucun individu, ainsi que les titres d'Excellence, d'Altesse, d'Eminence, de Grandeur, etc. »>

1 « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité communë. » (Art. 1.)

« L'Assemblée nationale... abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits.

« Il n'y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni diŝtinctions d'ordres, ni régime féodal, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient. » (Dispos, prélim. en tète du titre 1.) 2 Décr. du 25 août-2 septembre 1792.

alors recueilli les biens substitués ou le droit de les réclamer. ›› (Art. 3.)

On sent, dans ces deux derniers articles, l'impression de la vive réaction sous l'empire de laquelle cette loi avait été votée. Les lois du 17 nívôse et du 22 ventôse an II allèrent encore plus loin dans cette voie, en donnant à l'abolition des substitutions un effet rétroactif jusqu'au 14 juillet 1789, jour de la prise de la Bastille. Il est dit dans cette dernière, qui décide une série de questions, «qu'il n'y a pas de doute que les substitutions créées le 14 juillet 1789 et depuis, ou même antérieurement à cette époque, lorsque leur auteur n'est décédé que postérieurement, ne soient annulées sous la dénomination générique de dispositions à cause de mort, employée dans la loi du 17 nivôse an II, art. 1. » L'abolition des substitutions est présentée dans cette loi du 22 ventôse, comme découlant de la nécessité de faire cesser une indisponibilité aristocratique funeste au commerce et aux transactions sociales. Cette disposition rétroactive a, du reste, été abolie par les décrets du 9 fructidor an III et du 3 vendémiaire an IV.

§ 4.

DROIT MODERNE.

Maintien de l'abolition des substitutions.

Disposition officieuse convertie

Retour aux dis

en substitution au premier degré. - Majorats. Substitutions rétá

blies. Abolition des majorats et des substitutions.

positions primitives du Code.

Les rédacteurs du Code avaient dans leur projet primitif maintenu la prohibition des substitutions à l'exception de la substitution vulgaire.

L'article 32 du titre des donations et des testaments qui là contenait, était placé sous la rubrique des dispositions prohibées par la loi. « Dans toute disposition entre-vifs ou à cause de mort, les conditions impossibles, celles qui sont contraire s aux lois et aux mœurs sont réputées non écrites.

« La loi prohibe les substitutions. Toute disposition par laquelle le donataire est chargé de conserver et de rendre à un tiers est nulle, même à l'égard du donataire.

« La disposition par laquelle un tiers est appelé pour recueil

lir dans le cas où le donataire ne recueillera pas, n'est pas regardée comme substitution et est valable. >>

La prohibition des substitutions était tellement alors l'expression du vœu général, qu'elle ne souleva aucune objection de la part des tribunaux d'appel qui venaient de remplacer les Parlements. Le très-petit nombre d'observations qu'ils firent étaient approbatives. Celui d'Agen demanda que l'on fit cesser l'effet rétroactif de la loi de 92; un seul, celui de Toulouse, désirait que l'époux prémourant fût autorisé à conférer à l'époux survivant la faculté d'élire un ou plusieurs de leurs enfants, ou celui qu'il jugerait le plus digne pour recueillir la portion disponible. Cette observation ne fut pas accueillie, et la faculté d'élire, qui contenait une espèce de substitution, resta supprimée 1.

Le tribunal de cassation, pour toute observation sur l'article 32, se contenta d'y ajouter après le premier alinéa ces mots : << sans préjudice de ce qui a été réglé au titre des dispositions officieuses. » Pour la comprendre, il faut savoir que, dans le titre de la puissance paternelle, la Commission de rédaction avait inséré un chapitre intitulé: De la disposition officieuse. Voici ce que c'était que cette disposition qui remplaçait l'exhérédation. L'aïeul qui voulait mettre ses petits-enfants à l'abri des effets de la dissipation notoire de leur père, pouvait leur léguer, en nue propriété, la part héréditaire de ce dernier, qui n'en conservait que l'usufruit, cette nue propriété lui revenait si ses enfants mouraient avant lui. La mère pouvait faire la dis

1 Le Tribunat avait, sur la faculté d'élire, fait l'observation suivante : « Il n'est rien dit sur la faculté d'élire, est-elle abolie ou non par le projet de loi, et ne faudrait-il pas une observation à ce sujet? » (Locré, t. XI, p. 334.) Il n'en fut pas tenu compte. Le silence du Code et l'attribution qu'il oblige de faire de la quotité disponible à tous les enfants du grevé (art. 1050) dans la substitution qu'il permet, font assez voir qu'elle n'existe plus. C'est ce que dit le tribun Jaubert dans son rapport: « En matière de dispositions de biens, il ne peut y avoir de facultés que celles qui sont définies par la loi. Ainsi, le projet ne s'expliquant pas sur la faculté d'élire, le silence de la loi suffit pour avertir que cette faculté ne peut plus être conférée. Heureuse interdiction! que de procès prévenus } que d'actes immoraux épargnés à un grand nombre de ceux que l'exercice de cette faculté d'élire aurait pu intéresser! » (Locré, t. XI, p. 437, no 6.) Notre excellent collègue et ami M. Capmas a développé cette thèse dans une consultation savante où l'histoire de ce mode de disposition est faite avec le plus grand soin.

position officieuse à l'enfant commun, du consentement du mari, et seule si elle était veuve.

Dans ce dernier cas, une autorisation du conseil de famille était nécessaire quand il s'agissait des enfants du premier lit 1. On voit qu'il n'y avait pas là de substitution, l'usufruit était d'un côté, la nue propriété de l'autre. Les petits-enfants pouvaient même aliéner entre-vifs cette nue propriété, sans doute pour éviter tout ce qui pourrait sentir la substitution; la seule disposition testamentaire leur était interdite au préjudice de leur père (art. 18). La section de législation avait enlevé aux petitsenfants tout droit de disposition des biens ainsi transmis, du vivant de leur père. Le Conseil d'Etat adopta ce système; le chapitre de la puissance paternelle dans lequel il était organisé fut communiqué officieusement au Tribunat, qui demanda, dans l'intérêt des tiers, la publication de la disposition officieuse et dans celui des enfants nés ou à naître, des mesures propres à leur assurer la conservation du mobilier *. Le même chapitre se retrouve dans la rédaction définitive du titre de la puissance paternelle arrêtée après la communication. Mais avant de présenter le projet de loi au Corps législatif, on réfléchit que ce chapitre serait beaucoup mieux placé dans le titre des donations et des testaments; en conséquence, par ordre du chef du gouvernement, le chapitre fut retranché de la loi sur la puissance paternelle et classé dans celui des donations entre-vifs et des testaments".

Quand on arriva à ce titre, cette disposition officieuse, que Maleville dit avoir été tirée de la loi 16, §§ 2 et 3, ff. De curat. far. et al. ext. ord. dand. 5, et pratiquée dans les pays de coutume, donna lieu à de grandes discussions, c'est même à ce propos que l'on dit tout ce que les discussions au Conseil d'Etat renferment sur les substitutions.

Dans la séance du 7 pluviôse an XI, Cambacérès proposa de l'étendre en ligne collatérale et de permettre à l'oncle de faire

1 Art. 15-22 du titre de la puissance paternelle du projet des rédacteurs.

2 Voir art. 12 du second projet. Locré, t. VII, p. 15.

3 Locré, t. VII, p. 46, no 6.

Il y formait le chapitre v. Locré, t. VII, p. 3.

* Maleville, Analyse, en tête du chapitre vi du titre Des donations et des testaments.

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