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praxi observatur non solum ultra, sed citra montes. Et ita quod in infinitum extendatur bis judicari vidi pro principe Uraniæ; videlicet, primo in senatu Gratianopolitano et iterum in magno consilio Francorum regis, nous dit Dumoulin 1. Ce n'était qu'autant que la substitution résultait d'une simple défense d'aliéner qu'il appliquait la Novelle 159 en limitant son étendue à quatre degrés. On comprend les inconvénients d'un pareil système.

Les choses en étaient là, quand parut, en 1560, l'ordonnance d'Orléans due au chancelier de L'Hospital. Elle restreint, pour les substitutions qui seront faites à l'avenir, leur durée à deux degrés, non compris l'institution. Voici le texte de l'article 59: « Et pour couper la racine à plusieurs procès qui se meuvent en matière de substitutions, défendons à tous juges d'avoir aucun égard aux substitutions qui se feront à l'avenir par testament et ordonnance de dernière volonté ou entre-vifs et par contrat de mariage ou autres quelconques, outre et plus avant deux degrés de substitution après l'institution ou première disposition, icelle non comprise. Du Chalard3 nous donne le motif de cette restriction dans sa note, sous cet article, en ces termes : «Par le passé advenait grande confusion et un nombre infini de procès sur l'interprétation des substitutions vulgaires, pupillaires, réciproques, exemplaires et fideicommissaires. La peur que les testateurs avaient que leurs biens tombassent en mains étrangères les faisait substituer jusqu'aux quatrième, sixième, septième degrés et quelquefois indéfiniment, ce qui troublait les familles et les mettait en frais fort grands pour rechercher et prouver leurs généalogies et éclaircir leurs degrés de proximité, consanguinité et parentelle. >>

On voit qu'il ne s'occupe pas de l'intérêt général de la circu

1 Consil., 1, no 47 ; t. II, p. 816 de l'édition de 1681.

2 Ibid., no 46. Junge Consil. 26, no 14; Consil. 51, no 1; Faber, in Cod. tit. De fideicom., detin. 52; Ricard, Des subst., part. 1, no 760; Chopin, De morib. par., lib. II, tit. IV, no 17; Leprêtre, cent. I, chap. LXXI. Il en était de même en Italie, en Allemagne et en Espagne. Molin., ubi sup.; Peregrinus, De fideicom., art. 30, no 17 in fine; Bretonnier, Note sur Henrys, liv. V, quest. 114.

3 Avocat au grand Conseil. Sommaire-exposition des ordonnances du roy Charles IX, etc., Lyon, 1574, in-12,

lation des biens ni de celui des tiers. Ces idées étaient-elles étrangères à L'Hospital? Il est permis d'en douter 1.

L'ordonnance, ne statuant que pour les substitutions à faire dans l'avenir, laissait toutes ces difficultés pour celles qui avaient été faites avant sa promulgation. Cette lacune fut bientôt comblée dans l'ordonnance de Moulins en 1566. « Et amplifiant, y est-il dit dans l'article 57, l'article de nos ordonnances faites à Orléans pour le fait des substitutions, voulant ôter plusieurs difficultés mises sur lesdites substitutions auparavant faites, desquelles toutefois le droit n'est encore échu ni acquis à aucune personne vivante: avons dit, déclaré et ordonné, que toutes substitutions faites auparavant notredite ordonnance d'Orléans en quelque disposition que ce soit, et sous quelques paroles qu'elles soient conçues 2, seront restreintes au quatrième degré outre l'institution; exceptez toutefois les substitutions desquelles le droit est échu et déjà acquis aux personnes vivantes auxquelles n'entendons préjudicier. »

L'ordonnance d'Orléans, qui restreignait les substitutions à faire à l'avenir à deux degrés, est confirmée par celle-ci, «Et amplifiant, etc., » qui, à l'instar de la Novelle 159, pour me servir de l'expression de l'annotateur de Ricard, réduit celles qui ont été faites auparavant à quatre degrés, sans préjudicier aux droits acquis aux personnes vivantes qui seraient dans un degré plus éloigné.

Malgré la disposition si explicite de ce texte, la faveur dont jouissaient les substitutions l'avait fait, dans certains Parlements, considérer comme abrogeant l'ordonnance d'Orléans et étendant à quatre degrés les substitutions faites après comme avant cette ordonnance, et qui seraient faites désormais. Cette opinion prévalut d'abord au Parlement de Paris et y était tellement enracinée, que le président Brisson, chargé de reproduire dans un Code qui n'a jamais eu, il est vrai, force de loi, les dispositions. en vigueur des ordonnances royales rendues jusqu'à son temps, fit un article unique qui donnait la limite de quatre degrés, outre l'institution, à toutes les substitutions 3.

1 Voir aussi Ricard, Des subst., part. 1, no 757,

2 Allusion à la distinction signalée par Dumoulin faite par beaucoup d'auteurs.

3 Arrêts de Montholon, chap. cxxxv; Ricard, Des subst., part, I, no 809;

Déjà, au milieu du dix-septième siècle, le Parlement de Paris était revenu sur cette jurisprudence. Un arrêt du 18 février 1645, rendu consultis classibus, avait, conformément à l'ordonnance d'Orléans, restreint à deux degrés une substitution faite depuis cette ordonnance 1.

Des testateurs, pour éluder les ordonnances et rendre les substitutions perpétuelles; ordonnaient au dernier appelé de renouveler la substitution. De ce nombre furent le cardinal de Richelieu et Mile de Guise 2.

Au pays de droit écrit, le Parlement de Toulouse se signala par sa résistance et maintint, nonobstant les ordonnances, la durée des substitutions à quatre degrés, non compris l'institution. On y autorisait même le grevé à les rendre perpétuelles en grevant à son tour l'appelé de substitution 4. Celui de Bordeaux autorisait, comme celui de Toulouse, quatre degrés, non compris l'institution; mais il différait dans la manière de compter les degrés; ceux d'Aix et de Grenoble se conformaient aux ordonnances 5.

En Franche-Comté, les substitutions étaient perpétuelles; le Parlement de Dôle demanda la confirmation de cet usage; en conséquence l'édit des archiducs, de 1611, n'y fut point envoyé. Voici le texte de cet édit observé au Parlement de Flandre: « Art. 6. Que toutes les substitutions ou fidéicommis n'auront effet que trois fois y compris l'institution première et au profit de trois personnes en ce comptée la première instituée. »

Le Parlement de Dijon suivait les ordonnances pour le duché de Bourgogne. Pour les pays de Bresse, Bugey, Gex et Valromey, réunis à la couronne de France par l'échange du marquisat de Saluces, le 17 janvier 1681, on distinguait les substitutions faites avant ou depuis cet échange, les premières étaient limitées à quatre degrés, les autres à deux.

Henrys, liv. V, quest. 114, no 3, et les notes de Bretonnier. Réponse du Parlement de Pau à la septième question dans le recueil mentionné plus haut.

1 Il est rapporté par Henrys, loc. cit. Voir encore Ricard, no 811, et la réponse du Parlement de Pau.

2 Bretonnier sur Henrys, liv. V, quest. 114, no 20.

* Réponse du Parlement de Toulouse.

Bretonnier, ibid., no 21.

Réponse de ces Parlements à la question 7.

En Alsace, province réunie aussi après les ordonnances, elles y étaient inconnues; le Conseil souverain déclarait selon l'usage les substitutions perpétuelles. Par la même raison, le Parlement de Metz admettait la perpétuité des substitutions, à moins qu'elles ne résultassent de la simple prohibition d'aliéner hors de la famille, cas auquel il la bornait à quatre degrés, par application de la Novelle 159, selon la distinction que nous connaissons.

Au Parlement de Pau et au Conseil de Roussillon, les ordonnances, étant encore antérieures à la réunion, n'y étaient point exécutées, les substitutions y étaient perpétuelles 1.

Ajoutons à cela que, malgré les ordonnances d'Orléans et de Moulins, nos rois, dans certains cas, avaient permis des substitutions perpétuelles par lettres patentes. Un édit de Louis XIV, du mois de mai 1711, fait une exception générale pour les duchés-pairies « Permettons à ceux qui ont des duchés-pairies d'en substituer à perpétuité le chef-lieu avec une certaine partie de leur revenu jusqu'à 15,000 livres de rentes, auquel le titre et dignité desdits duchés et pairies demeurera annexé sans pouvoir être sujet à aucunes dettes ni détractions de quelque nature qu'elles puissent être, après que l'on aura observé les formalités prescrites par les ordonnances pour la publication des substitutions, à l'effet de quoi, dérogeons au surplus à l'ordonnance d'Orléans et à celle de Moulins, et à toutes autres ordonnances, usages et coutumes qui pourraient être contraires à la présente disposition.» (Art. 6.)

Tel était l'état de la jurisprudence sur la durée des substitutions lorsque d'Aguesseau consulta les Parlements. Leurs réponses donnent un aperçu très-curieux des idées de ce temps-là. Nous verrons, par celles des Cours d'appel des mêmes pays, combien elles étaient changées un demi-siècle plus tard.

Tous les Parlements, à l'exception de ceux de Toulouse et de Bordeaux, même ceux dans le ressort desquels les substitucions étaient perpétuelles, reconnaissent, ainsi que les Conseils souverains, que l'interprétation de l'ordonnance de Moulins, qui éten

1 Réponse des Parlements à la question 7.

2 Bretonnier, Recueil alphabétique des principales questions de droit, vo SUBSTITUTIONS; Thevenot, no 1110.

dait à quatre degrés les substitutions faites depuis celle d'Orléans, était abusive.

Les Parlements d'Aix, Bordeaux, Besançon 1, Metz, Pau et Toulouse, le Conseil souverain d'Alsace, demandaient comme moyen terme que les substitutions fussent portées à quatre degrés, l'institution non comprise. Celui de Roussillon, à cause de l'article 56 du traité des Pyrénées, qui conservait la réciprocité des droits de succession entre les habitants de la province et ceux de la Catalogne, où les substitutions étaient perpétuelles, demandait que l'on conservât la perpétuité en Roussillon pour éviter la rétorsion de la part de l'Espagne au préjudice des sujets du roi.

Le Parlement de Paris et celui de Grenoble voulaient la restriction à deux degrés pratiquée dans celui de Flandre, sans blesser les droits acquis dans les provinces où on avait jugé autrement 2.

La manière de compter les degrés avait fait aussi l'objet de nombreuses divergences dans la doctrine et la pratique. Devaiton, notamment, les compter par tête ou par souche? Il se pouvait, de cette dernière façon, que la substitution s'arrêtât successivement sur plusieurs têtes sans franchir un degré; par exemple, qu'elle fût recueillie par plusieurs frères. Les ordonnances de Moulins et d'Orléans n'avaient pas décidé la question; celle de 1629 vint rendre la manière de compter les degrés par tête obligatoire pour tout le royaume. Le Parlement de Toulouse se signala encore ici par sa résistance et rendit un arrêt lors de l'enregistrement de l'ordonnance, portant que, sous le bon plaisir du roi, l'usage contraire observé au Parlement serait gardé 3.

Je passe sous silence d'autres questions très-nombreuses que l'on peut voir dans le recueil cité, pour avoir une idée des difficultés que les substitutions avaient engendrées. L'une d'elles, qui accuse bien la liaison des substitutions à l'ordre politique,

1 Ce Parlement, dans des considérations remarquables, reconnaît qu'il faut convenir de bonne foi que les inconvénients des substitutions perpétuelles sont si préjudiciables au bien public, qu'ils paraissent infiniment supérieurs aux avantages que l'on peut alléguer en leur faveur.

2 Réponses des Parlements à la question 7.

3 Question 8 et réponses.

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