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en France un Délégué François ou naturalifé, pour juger la caufe fur les lieux. C'eft la difpofition expreffe du Concordat, tit. de frivolis appellationibus, dont nous avons rapporté le texte latin.

L'Eglife Gallicane s'eft oppofée de toute ancienneté aux citations des François à Rome. Grégoire de Tours & le Moine Aymoin rapportent que les Evêques de Gap & d'Embrun, déposés par les Evêques de France, ne purent comparoir à Rome pour être rétablis dans leurs Sieges, qu'en obtenant des Lettres du Roi Gontran qui le leur permit. Hincmar de Rheims ayant été cité à Rome par fon neveu l'Evêque de Laon, refufa de déférer à cette citation, qu'il foutint nulle & abufive, & fon refus fut approuvé par un Concile de douze Provinces du Royaume. L'Empereur Charles-le-Chauve feconda la réfiftance d'Hincmar, en priant le Pape, par fes Ambaffadeurs, de fe défifter de telles citations, & de maintenir les formes anciennes pour le jugement des appellations des Evêques & des autres inférieurs.

Nous avons fait mention de la Bulle d'Urbain V en 1367, enrégiftrée au Parlement de Paris, & qui abolit ces fortes de citations. Néanmoins dans le fiecle fuivant, M. d'Argouges, Avocat-Général au Parlement de Paris, fut cité à Rome; mais le Parlement de Paris en porta fes plaintes au Roi en 1461, comme d'une infraction à la Pragmatique-Sanction confirmative à cet égard de la Bulle d'Urbain V.

Le Pape ne peut, par fes refcrits, intervertir le dégré naturel de l'appel de l'Evêque au Métropolitain, ni l'altérer fans abus. Saint Bernard, en fon Epît. 188, fe plaignoit au Pape Innocent II de ce qu'au préjudice de l'Archevêque de Treves, il avoit commis la difcuffion des différends entre les Evêques de Metz & de Verdun, fes Suffragants, à des Juges délégués.

Le Pape ne doit, dit Févret, entreprendre jurifdiction fur les inférieurs que dans les cas de négligence, refus ou appel.

II.

être adreifés les

Les adreffes des refcrits du Saint-Siege donnent lieu à plufieurs difficultés, eu égard à la différence des ufages des Eglifes d'Italie A qui doivent & de France pour la fignification des termes, Vicarius Generalis, referits délégatol& Officialis. Les Auteurs fe font expliqués là-deffus d'une maniere res. peu uniforme & fort obfcure. Il eft certain que dans les décrétales, le terme de Vicarius Epifcopi le prend fouvent pour l'Officier de l'Evêque, chargé de l'exercice de la Jurifdiction contentieufe comme de la volontaire. C'eft ce qu'on voit dans le titre de officio Vicarii in 6o, qui parle principalement des Officiaux : il y eft parlé néanmoins de l'Official & du Grand-Vicaire comme de deux commiffions diftinctes, Officialis aut Vicarius generalis beneficia conferre non poffunt, nifi beneficiorum collatio ipfis fpecialiter fit commiffa. Auffi voit-on dans l'Eglife d'Avignon, &c. le même Officier de l'Archevêque exercer la urifdiction contentieufe comme la volontaire fous la dénomination de Vicaire de l'Archevêque. D'un autre côté, Innocent IV, Prédéceffeur de Boniface VIII, s'é

III.

toit fervi dans le Chapitre Romana tiré du Concile de Lyon, du terme d'Officialis pour défigner l'Official chargé feul de l'exercice de la Jurifdiction contentieufe. Dans l'ufage préfent qui eft affez ancien, on diftingue l'Official d'avec le Vicaire-Général dans les adreffes des refcrits de Rome. On adreffe au Vicaire-Général les fimples fignatures, in formâ dignum; mais on réserve & on adreffe à l'Official les Bulles en forme commiffoire. C'eft d'après cet éclairciffement qu'il faut rectifier ce que nous avons pu rapporter de peu exact fur ce fujet d'après différents Auteurs.

Il y a une autre difficulté concernant l'adreffe des refcrits, concernant les affaires des exempts de la Jurifdiction de l'Ordinaire. On fouffre que hors le cas d'appel, & en premiere iuftance, ils foient adreffés à d'autres qu'à l'Official ou l'Evêque Diocétain. Nous en avons des exemples récens qui démontrent la généralité de la regle contraire établie par nos Auteurs d'après des anciens Arrêts. En ces cas, il n'y a point d'abus que les Commiffaires agiffent autoritate apoftolica, comme dans les cas de refcrits appellatoires après les dégrés épuifés en France. Hors ces deux efpeces de cas, les Commiffaires doivent procéder en général autoritate ordinariâ, & non autoritate apoftolicâ. Cette obfervation peut fervir d'éclairciffement à ce que nous avons dit pag. 25, en rapportant, d'après Papon, l'Arrêt du Parlement de Paris du 29 Novembre 1575.

Lorfque les refcrits font mal adreffés, il y a lieu à l'appel comme d'abus. L'adreffe des refcrits affure ou blesse la Jurifdiction de celui à qui ils font, ou doivent être adreffés, & le Pape n'eft pas le maître d'y déroger arbitrairement. On trouve dans Lacombe plufieurs Arrêts rendus en conformité de cette maxime, & qui ont déclaré abufifs les refcrits mal adreffés. Le dernier de ces Arrêts eft du 4 Juillet 1730.

Nous avons relevé quelques méprifes échappées à Lacombe fur cette queftion; mais ce que nous avons dit exige quelque éclairciffement: nous avons paru fuppofer que le Grand Vicaire peut fulminer, ainsi que l'Official, les Bulles pour les bénéfices confiftoriaux. Il paroît conftant au contraire dans l'ufage, que toute fulmination de refcrits & de Bulles, tant pour les bénéfices confiftoriaux, que pour les autres bénéfices, dont les provifions s'expédient par Bulles, doit être réservée à l'Official, & que le pouvoir du GrandVicaire fe borne, à cet égard, à donner le vifa des fimples fignatures de Rome. La fulmination devant fe faire en connoiffance de caufe & avec quelques formes judiciaires, eft regardée aujourd'hui affez généralement comme appartenante à la Jurifdiction

contentieufe.

Févret s'eft trompé évidemment lorfqu'il a décidé que les Prieurs Qualités des Dé- Clauftraux peuvent être délégués du Saint-Siege. Le Chapitre légués, n. 4. Etfi de refcriptis du Concile de Vienne les exclut formellement ainfi que les Officiaux Forains.

Nous

Nous avons dit, fous le n. 6 du même fommaire 4, d'après Gi-. bert, que lorsque l'Evêque eft nommément commis, l'Official ne peut pas fulminer le refcrit; cette affertion a befoin d'être éclaircie. L'Evêque eft commis feul, ou avec la claufe five ejus Officiali. S'il eft commis feul, l'affertion a fon application; mais s'il y a la claufe vel ejus Officiali, il devient indifférent que le refcrit foit adreffé à l'Evêque défigné feulement par fon Diocefe, ou qu'il foit défigné par fon nom perfonnel. Il y a auffi de l'équivoque dans cette propofition: Hors ces cas, l'Official peut être délégué. Il falloit dire peut procéder à l'exécution du refcrit délégatoire, ou être délégué.

A l'égard de ce que nous avons dit fur les Officiaux Forains Epifcopaux, il y a une difficulté à éclaircir, tirée de la difpofition du Concile de Vienne, qui déclare qu'ils ne peuvent pas être délégués du Pape. Il femble qu'en conféquence, il faudroit, diftinguer les refcrits appellatoires ou délégatoires, dont l'adreffe eft libre au Pape pour le choix du Délégué, & les autres refcrits qui doivent, de droit, être adreffés à l'Official ordinaire ; & l'on décideroit en conféquence que l'intention du Pape n'étant pas de déléguer l'Official Forain, l'adreffe de fon refcrit doit s'appliquer à l'Official principal pour les caufes où l'adreffe eft libre, & qu'au contraire dans les autres caufes, le refcrit eft cenfé adreffé à l'Official Forain, qui eft l'Official ordinaire pour le canton où il eft établi. Au refte, les appels des Officiaux Forains Epifcopaux doivent, fuivant nos maximes, être portés à l'Official Métropolitain, & non à l'Official Diocéfain principal, ni à la perfonne de l'Evêque ou de l'Archevêque. Goard page 356, établit qu'il faut décider par la poffeffion, fi l'appel des Officiaux Forains doit aller à l'Official principal dans le reffort du même Parlement ou au Métropolitain. Les Evêques, en 1430, au Concile de Narbonne, fe plaignirent vivement de ce que l'Official Métropolitain recevoit à leur préjudice les appels des Officiaux Forains.

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Lorsqu'un Evêque eft délégué par le Saint-Siege, pour juger une appellation portée au Saint-Siege, il agit comme Commiflaire du Pape, autoritate apoftolica, & l'appel de fes procédures & de fes jugemens ne va pas à fon Métropolitain, mais au Pape, pour nommer de nouveaux Délégués jufqu'à la troifieme Sentence confirmée; mais à l'égard de toutes les autres caufes, il faut fuivre la diftinction que nous avons expliquée p. 31 & 32, n. 8.

Nous avons décidé, d'après quelques Auteurs, n. 9, qu'un Evêque qui s'eft démis de fon Evêché, ne peut pas être Délégué du Saint-Siege; mais nous obferverons ici, que, tout bien confidéré, cette décifion nous paroît peu fondée, & que la dignité Epifcopale ne ceffant pas & n'étant pas éteinte par la démiffion, comme la Jurifdiction, on pourroit foutenir avec fondement que la capacité & la qualité néceffaire & fuffifante pour la délégation, fubfifte encore.

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IV.

Ce que nous avons dit n. 10, fur le Grand-Vicaire, par rapport à la fulmination, doit être rectifié & expliqué fuivant les modifications expofées ci-deffus, au nombre précédent. Il feroit difficile de faire adopter aujourd'hui le fentiment qui regarde la fulmination comme appartenante encore à la Jurifdiction gracicufe, & pouvant être faite par le Grand-Vicaire fur l'adrefle ordinaire du refcrit, & committatur Officiali.

C'est une queftion indécife fi les Confeillers-Clercs peuvent être Délégués du Pape. Comme ils font Officiers du Roi, il paroît que leur charge ne peut pas être confidérée comme une dignité Eccléfiaftique, quoique par fa création, elle foit affectée à un Eccléfiaftique pour la défenfe des droits de l'Eglife. Nous avons obfervé qu'on pourroit faire une exception en faveur des Confeillers-Clercs des Parlements, foit parce que par leur charge ils font membres d'un Tribunal, qui, fur l'appel comme d'abus, réforme les jugements des Evêques & des Officiaux, foit parce qu'ils font les Vicaires nés des Evêques pour l'inftruction conjointe des procès criminels des Eccléfiaftiques horfqu'elle fe fait au Parlement, & que les Evêques font tenus de leur donner des lettres de Vicariat, en forte que dans quelques Parlements, comme à Tou loufe, le plus ancien Confeiller-Clerc fait cette inftruction fans. lettres de Vicariat. Mais il faut avouer que ces raifons ne font pas décifives.

Ce que nous avons dit fur la Jurifprudence du Grand-Confeil Domicile des Ju- concernant le domicile des Juges délégués, a befoin d'explication. ges délégués, n. Il n'y a pas de raifon confidérable pour que ce Tribunal exige la néceffité du domicile dans le reffort du même Parlement; mais il doit fe conformer à la regle générale qui exige que le domicile de ces Délégués ne foit pas éloigné de plus de deux journées du Diocese du Défendeur, où l'inftance a commencé..

S. P. 37.

V..

Exécution des

referits, n.7.p. 41.

Les Juges Délégués, dont le pouvoir feroit borné par le ref crit, à l'inftruction feulement, en réfervant le jugement définitif au Pape, ne doivent point exécuter ces fortes de refcrits qui font déclarés abufifs. fuivant nos maximes; ils doivent les rendre aux Parties pour les faire réformer

Lorfque le refcrit du Pape aftreint le Commiffaire à prendre des affeffeurs, il faut en examiner les termes pour juger s'ils ont voix confultative feulement, ou délibérative & décifive. Si le ref-crit porte la claufe de confilio, ou cum voto, ils n'ont que la confultative; mais s'il y a la claufe de voto, ils ont la voix décifive, & on doit compter les fuffrages.

Suivant l'article 44 des Libertés, les commiffions du Saint-Siege, en matiere contentieufe, ne peuvent point être exécutées. fans Pareatis du Roi ou de fes Officiers. Il paroît par la délibération de l'Affemblée du Clergé de 1655, au fujet des refcrits: adreffés aux Evêques in partibus, dont nous avons parlé p. 28, que: cette regle s'obfervoit encore alors, & qu'il falloit des Lettres Patentes pour l'exécution de ces referits délégatoires..

Un Arrêt du Parlement de Paris, en forme de réglement, du 9 Mai 1703, rapporté dans Defcombes, deuxieme Partic, p. 329, défend, à la vérité, de faire lire, publier ou recevoir aucuns Décrets, Bulles ou Brefs, ou autres expéditions émanées de la Cour de Rome, fans Lettres-Patentes enrégiftrées au Parlement; mais il excepte les expéditions ordinaires concernant les affaires des particuliers qui s'obtiennent fuivant les Ordonnances & Ufages du Royaume. Cette reftriction a été ótée par le nouvel Arrêt du Parlement de Paris du 6 Mars 1768, en forme de réglement, qui requiert le vifa du Parlement pour toutes foites de refcrits de Rome en général, à l'exception de ceux de la Pénitencerie pour le for intérieur feulement.

Goard, T. V, p. 221, cite un Arrêt du Parlement de Paris, qui a déclaré abufive une information pour fulmination de difpenfe faite par un laïque, Notaire Apoftolique fur la commiffion de l'Official d'Autun.

VI. Si un Délégué peut déléguer la caufe en partie,

même à un laï

que, n. 8, p. 43.

VII.
Durée du pou-

voirdes Délégués,

Lorfque le refcrit n'eft pas adreffé à l'Evêque, mais à l'Official feul, & que cet Official vient à mourir ainfi que le Pape, pendant l'inf truction, Lacombe, d'après M. l'Evêque de Tulle, T. III, fur le Mariage, p. 425, décidé, que l'Evêque peut exécuter le refcrit; n. 10, p. 45. mais Sainte-Beuve & Fromageau, rejettent cette décifion, parce que le terme d'Officialis ne peut pas s'appliquer à l'Evêque. Goard, qui rapporte cette décifion, ajoute, p. 222 du T. V, que l'ufage général du Royaume attribue la fulmination des refcrits à l'Offcial, à l'exclufion de l'Evêque, à caufe des oppofitions & conteftations.

§. IV. Eclairciffements fur la Section III. de l'Article II. du Chapitre I. concernant la Légation d'Avignon.

Ce que c'est que Légation d'Avignon, n. 1.

Les Papes ont prétendu que la Souveraineté du Comtat Venaiffin leur appartenoit dès le temps de Grégoire IX, & même la d'Urbain II, qui fit quelque féjour à Avignon. Le Préfident Hainaut affure que Philippe- le- Hardi en fit don au Pape Grégoire X, à fon entrevue à Lyon en 1274. La Reine Jeanne de Naples, Comteffe de Provence, preffée par le befoin, vendit au Pape Clément VI, (Pierre Rogier qui avoit été Chancelier de France) la ville d'Avignon, par contrat du 19 Juin 1348, pour la fomme de quatre-vingt mille florins, avec tout fon Territoire, fes Fauxbourgs & fes confins.

Depuis cette époque, les Papes y ont établi des Légats, pour le Gouvernement fpirituel & temporel du pays; mais il y a déja long-temps que le Pape n'y tient qu'un fimple Vice-Légat qui n'eft, ni Cardinal, ni Evêque. Il paroît que les Légats n'ont été établis à Avignon que vers le commencement du quinzieme fiecle après le fchifme. Le Cardinal François, Archevêque de Narbonne & Camérier de l'Eglife Romaine, fut le premier Vice-Légat d'A

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