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en trois actes, en vers, mêlé d'ariettes, paroles de M. Guillard, mufique de M. le Moine.

Cette piece eft un véritable opéra; le fujet a été traité par Maffon, poëte anglois, qui en a fait une tragédie. L'anecdote hiftorique fur laquelle il est fondé est ainti racontée par l'abbé Millot Edgar, roi d'Angleterre, fuccéda à > fon frere Edwin en 959., Elfrida étoit la fille » & devoit être l'héritiere de Davon, l'un des

plus grands feigneurs du royaume. Quoiqu'elle » n'eût jamais paru à la cour, le bruit de fa beauté la rendoit célebre. Edgar penfa férieu• fement à l'époufer; mais ne voulant rien faire au hafard, il charge Athelwold, fon favori d'aller vers le, comte fous quelque prétexte & d'examiner fi la réalité répondoit au bruit public. Les charmes d'Elfrida frapperent fi vivement Athelwold, qu'il réfolut de l'enlever à fon > maîtré. Il revient; il la repréfente comme une femme fans beauté, & dégoûte le prince par des rapports infideles. Il lui infinue enfuite adroitément que ce parti, indigne d'un roi, con⚫ viendroit affez à la fortune d'un fujet, & qu'un riche héritage le rendroit moins difficile fur le » désagrément de la figure. Edgar consent va> lontiers aux projets de fon favori : le mariage

le conclut. Le nouvel époux a grand foin de > tenir la femme cachée en province; mais fes > envieux ou la renommée découvrirent bientôt ⚫ la perfidie. Le roi, diffimulant sa colere, dit à.

Athelwold qu'il vouloit lui rendre vifite dans • fon château & faire connoiffance avec fon > épouse. Celui-ci prend les dévans, fous préTome II.

P

> texte des préparatifs néceffaires, révele tout > le fecret à Elfrida; & la conjure d'employer

fon efprit & fon adreffe à paroître telle qu'il > l'avoit dépeinte. C'étoit lui demander un effort des plus héroïques. Elfrida, avec l'envie de plaire & peut-être de fe venger, ne manque pas d'étaler toute fa grace. L'amour, la fureur, s'emparent du roi. Il engage Athelwold dans une partie de chaffe, le poignarde de fa propre main, & époufe fa femme bientôt > après. «

Dans la piece françoife, la femme d'Athewold n'eft point coquette; elle aime pafkonnément fon & finit par mari, partage toutes fes craintes

obtenir que le roi lui pardonne. On ne s'intéreffe pas très-vivement pour lui: car on ne fait - pas s'il le mérite, & le voyant aimé, on prévoit qu'il fe tirera du mauvais pas où il eft engagé. Il eft vrai que: le dénouement de l'anecdote pourroit difficilement être transporté tel qu'il eft. Mais Elfrida pouvoit conferver un refte de coquetterie, être un peu piquée contre un homme qui lui avoit fait manquer une telle fortune; étaler tous fes charmes aux yeux du roi ; réuffir -au-delà de fon attente; en être effrayée quand elle en auroit vu les conféquences, & réparer le mal par fon afcendant fur l'efprit d'Edgar. Cette maniere d'envisager le sujet auroit jetté plus de diverfité dans le ton & la couleur. Quoi qu'il en foit, fans avoir un très-grand fuccès, la piece a été écoutée favorablement.

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no La verfification eft élégante &noble. Pour la

myfique,ons s'eft promptement apperçu qu'elle

étoit d'un compofiteur très-diftingué. Plusieurs morceaux ont obtenu de grands applaudiffemens, entr'autres un excellent trio au fecond acte. Madame du Gazon a contribué beaucoup à foutenir l'ouvrage; elle a joué le principal rôle avec fa fupériorité ordinaire; & les autres ont été bien remplis par MM. Michu, Philippe & Chénard.

(Journal de Paris; Journal général de politique, de littérature & de commerce.)

THEATRE DE LA RUE DE RICHELIEU.

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On a donné, le famedi 29 novembre, à ce théatre, la premiere repréfentation de la Vengeance, tragédie, par M. du Maniant.

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Zanga, prince maure, fait prifonnier par Alonzo, qui l'a privé d'un pere & du trône, & lui a fait effuyer l'affront le plus fanglant, médite la plus affreuse vengeance. Elle commence à se préparer. Alonzo eft jaloux, & fon ami dom Carles, qu'on a cru mort, & pendant l'absence duquel Alonzo a épousé Rofanore, qui lui étoit deftinée : dom Carlos, délivré en fecret de fa captivité, par les foins de cette même Rofanore, & par l'entremise de Zanga, revient mettre le comble à fes fureurs jalouses. L'amitié, l'honneur, combattent quelque tems; mais la perfide adreffe de Zanga, fes cruelles infinuations, fes accusations pofitives égarent Alonzo. Il fait poignarder son ami, & empoisonne Rofanore. Lorfque ce double crime eft confommé, Zanga vient jouir de fa vengeance il reproche à Alonzo fa crédulité, lui découvre l'horrible vérité, & le confole

:

du fort qui l'attend par l'état où il laiffe celui qui l'a détrôné & avili. Alonzo s ́immole à fa femme & à fon ami.

Cette tragédie n'a eu qu'un foible succès. Il paroît difficile en effet de traiter ce fujet après Othello & Zaire. Alonzo eft peu intéreffant; Rofanore ne l'eft guerès plus. Il n'y a que Zanga dont le caractere a paru affez fiérement deffiné. La pofition des perfonnages ne varie pas, & par conféquent laiffe les fpectateurs à froid. Ces ondulations du coeur humain, ces alternatives, ces combats de fureur & de tendreffe, fi beaux, fi touchans, dans Orofmane, ne font ni marqués, ni gradués dans Alonzo. Aucun mouvement théatral n'émeut & n'enleve le fpectateur. Il faut cependant convenir que la scene du cinquième acte, où Zanga vient révéler à Alonzo que fa femme & fon ami font innocens, eft d'un grand effet, quoique trop prolongée. Il y a des vers affez naturels; mais, en général, peu de saillans. M. Talma, dans le rôle d'Alonzo; Mlle. Defgarcins, dans celui de Rofanore; & M. Valois, dans le rôle de l'esclave africain, ont mérité & reçu des applaudiffemens.

THEATRE DE LA RUE FEYDEAU.

L'auteur des deux Nicodêmes, ayant fupprimé de fa piece tout ce qui pouvoit exciter l'efprit de parti (*), la feconde représentation de cet ouvrage a complettement réuffi, quoiqu'il parât,

(*) Journal de Janvier, page 343.

avant le lever du rideau, fe préparer, dans le parterre, des orages, dont la cabale bien plus que le patriotisme, devoit être le principe. La piece a été très-applaudie on a demandé l'auteur; mais il n'a pas paru,

Le famedi 3 décembre, on a donné la premiere représentation de la Cosa rara, opéra italien en deux actes, mufique de Vincenzo Martini.

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Cette piece fut jouée, pour la premiere fois, en 1787, fur le théatre de Vienne, & obtint depuis, le plus brillant fuccès fur tous les théatres de l'Italie. L'année derniere, M. Dubuiffon nous en offrit une traduction, qui fut jouée à Versailles, devant la cour, fous le titre des Accordées de village. Cet ouvrage, dont le poëme eft peut-être un des moins ennuyeux des poëmes italiens, en ce qu'il offre plus d'action & de mouvement, a été joué & chanté fur ce théatre, avec tant de fupériorité, que le public lui a prodigué les plus vifs, applaudiffemens. En voici le fujet, autant qu'il nous a été poffible de le faifir. Ifabelle, reine d'Espagne, eft allée paffer quelque tems, avec l'infant fon fils, dans un de fes châteaux de plaifance, de la Sierra - Morena. Comme elle eft à la chaffe, une jeune paysanne, nommée Lilla (Lifette), vient fe jetter à fes genoux, & implorer fon affiflance contre fon ftere, qui veut la marier à un homme qu'elle n'aime point. La reine lui fait l'accueil le plus gracieux, tandis que l'infant, charmé par tant de beauté, engage fon écuyer Corado, à féduire cette jeune innocente. Cependant Lilla

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