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cours de livres élémentaires qui renfermât un corps complet de doctrine, & qui, prenant les enfans dès le berceau, les conduisi jufqu'à la sarriere qu'ils doivent un jour embraffer. Il remonte même plus haut; car, confidérant les effets terribles que les paffions des femmes produisent fur le fruit qu'elles portent, cette réflexion le conduit naturellement à penfer qu'un plan d'éducation bien ordonné, doit commencer par tracer aux femmes enceintes les devoirs que leur impofe lear groffeffe; & il propose pour cela un catéchifme, qui renfermera de plus tout le code de l'éducation de l'enfance.

De-là il paffe à l'éducation des nourrices, & veut qu'elles aient auffi leur code particulier, fur lequel elles fubiront un examen. Vient enfuite l'introduction du premier âge jufqu'à fix ou fept ans, laquelle il réduit à favoir lire & folfier, écrire & deffiner. Tous ces arts doivent marcher enfemble, & il faut voir dans l'ouvrage même toutes les idées philofophiques de l'auteur à ce fujer. Après avoir tracé le plan des livres élé mentaires deftinés à ces exercices, l'auteur entre dans le détail des méthodes d'enseignemens qui conviennent à chacun, & c'eft-là fur-tour qu'il Nous paroît avoir profondément médité fon fujet.

Après avoir ainfi traité à fond l'éducation du premier âge, il paffe à celle du feconde âge, où il parle de l'inftruction qui convient aux petites & aux grandes écoles. Ce morceau ne laiffe rien à défirer, foit dans ce qui regarde l'organisation de ces différentes écoles, foit dans ce qui a rapport aux diverfes connoiffances dont elles doivent

s'occuper. Tout eft prévu, & il n'eft aucuns détails dans lesquels l'auteur ne foit entré. Jusqu'à préfent nous avons eu d'excellens ouvrages fur l'édu cation en général; mais il nous manquoit un plan, & celui-ci remplit, dans toute fon étendue, l'idée qu'on peut attacher à ce mot. L'auteur veut fur. tout que l'on faffe un grand usage de la gymnastique dans les colleges, & qu'on n'y renferme plus les jeu, nes gens dans des claffes ou des cours fort étroites. » Il faut, dit-il, qu'ils puiffent, à toutes les heures, refpirer un air libre & pur, braver » les ardeurs du foleil ou les rigueurs des fri » mats. Voyez ces arbuftes emprisonnés dans des

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ferres, fous la garde d'une perfide industrie, » qui défend à l'air tout accès: dans quel état » d'humilité & de rachitilme ils végetent Si » quelques-uns portent des fruits, ou fe cou» ronnent de fleurs, ce font autant de témoins » qui dépofent contre leur impuiffance. Jettez

les yeux fur cette foule d'animaux, élevés à > l'ombre des palais de nos rois; tous font fourds > au premier vœu de la nature, tous ne pré» fentent que l'image d'une dégradation qui fem> ble déshonorer nos climats. Voyez encore ces » plantes que le luxe appelle à grands frais fur > nos tables; c'eft en vain que l'art a créé des » failons pour elles, fi l'aftre du jour ne les a > fécondées comme elles font foibles, décolo» rées, infipides! Et n'eft-ce pas à juste titre » qu'on peut leur comparer ces gens qui, fubf> tituant la nuit au jour & le jour à la nuit, » femblent ne tenir à la vie que par une forte • d'artifice? «

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Une idée qui nous a paru très-heureuse, c'ent celle de donner à chaque college une forme conftitutionnelle, & de vouloir par-là que les jeunes gens y faffent, en quelque forte, un courspratique de conftitution, en établissant les grandes bafes de notre régénération. L'auteur fait fur-tout un ufage continuel de la morale mife, tantôt en action, tantôt en inftruction. Il faut voir tout ce qu'il dit fur les exercices publics, & les différens prix qu'il propose, entre autres fur les prix des mœurs, dont il veut que l'on faffe une espece de fête civique.

La légiflature académique qu'il établit pour préfider à tout ce qui regarde l'enfeignement, les arts, les lettres & les fciences, nous paroît encore une très-grande idée qui mérite de fixer toute l'attention de l'affemblée nationale. L'auteur dit, avec raison, que c'est le feu moyen de réfoudre le grand problême de l'éducation. Son but principal eft d'établir un plan d'inftruction qui foit fixe & uniforme dans tous les départemens, de maniere que l'on faffe d'auffi bonnes études dans le fond du Béarn qu'à Paris. Il embraffe, autant que cela fe peur, le fyftême. encyclopédique des connoiffances humaines, & il prévient parfaitement le reproche qu'on pourroit lui faire, qu'il veut faire des favans. Son cours eft tellement combiné, qu'on peut y remarquer facilement diverfes époques pour ceux qui veulent acquérir plus ou moins de connoif fances; & c'eft, pour ainfi dire, goutte à goutte qu'il a l'art de les faire entrer dans la tête des enfans. Par-tout il jette des idées nouvelles fur

la maniere d'enfeigner les langues, l'hiftoire, la géographie, les belles-lettres, la philofophic, les mathématiques, l'hiftoire-naturelle, les aris mécaniques, &c.

» Ouvrons, dit-il, aux jeunes gens ces ateliers où brille par-tout le génie de l'inven tion; ne dédaignons pas de les introduire chez > l'artifan pauvre & laborieux ; qu'ils voient > l'homme occupé fans ceffe à mettre à con¬ tribution tous les regnes de la nature, depuis le diamant fuperbe jufqu'à l'humble argile; > depuis les dépouilles du monftrucux cétacée ‣ jusqu'à la précieuse chryfalide, que l'indus >trie européenne a conquifes fur les riches

contrées de l'Inde; depuis le cedre orgueilleux > enfin jufqu'à la foible écorce, dont le tiffa > merveilleux rend tous les continens tributaires » les uns des autres, & tend à ne faire des > hommes épars qu'une feule & même famille. «

Il faut lire les chapitres où il traite des Livres élémentaires en général, & des Livres claffiques; on y verra les moyens ingénieux que l'auteur emploie pour fimplifier l'étude des fciences.

Nous ne pouvons nous refuser de citer encore ce morceau fur Mad. de Sévigné.

Quelle rapidité entraînante dans ces lettres > enchantereffes, où fe peint fi bien la mobi› lité de fon ame ! Comme elle fait donner la > vie à tout ce qu'elle touche! C'est une me> fure d'expreffion à la faveur de laquelle tout

paffe, un fonds de fenfibilité qui eft inépui» fable, une richeffe d'imagination qui répand » la fécondité par-tout. Ses tableaux ont la grace

de ceux de l'Albane; incorrecte comme lui, fes négligences font le plus fouvent une bonne fortune. Tour-à-tour gaie, vive, aimable, fublime, pleine de raifon, tous les tons lui font familiers; elle anime tout, elle jette de > l'intérêt jufque fur les plus petits détails. Son ⚫ recueil, en un mot, eft un fonds qu'elle a créé, & qui femble être un impôt levé fur la bonne compagnie, pour être à jamais la regle & la meture du bon ton. «

Cet ouvrage eft précédé d'une introduction, que l'on peut regarder comme un morceau vrai ment achevé. Des idées grandes & neuves., toujours des vues utiles, beaucoup de vraie philofophie, un heureux choix de citations, une méthode claire & facile à fuivre, un flyle pur, 'élégant, & qui étonne même dans un livre qui n'offre que le titre d'un plan, par-deffus tout un grand amour de la vertu & de la patrie; voilà ce qu'on trouvera dans l'ouvrage entier de M. Barruel en nous faifant un devoir de lui rendre toute la justice qu'il mérite & comme homme-de-lettres & comme citoyen, nous l'in"vitons à' continuer de confacrer fes études & fes talens à cet objet fi important, & fur lequel il vient de répandre tant de lumieres.

(Mercure de France; Affiches; annonces & avis "divers.)

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