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qu'ils invocquent en leur faveur quoy qu'elle soit absolument contre eux, comme nous allons le faire voir dans un instant.

Ce sont des Moines, qui ignorans l'esprit de leur Etat qui les condamne au cloitre et à la solitude et qui exige d'eux qu'ils vivent dans la penitence et l'humilité, veullent s'arroger une espèce de domination sur le clergé séculier et toucher les curés même, en la personne desquels reside la juridiction ecclésiastique quel ridicule !

Ils veulent se prévaloir de ce qu'au tems que la Cure de Saint Maur étoit possédée par un Religieux de leur Communauté ou par le prieur, les habitans venoient s'assembler dans l'Eglise de l'abbaye sous leur Curé qui étoit réuni avec le corps de la Communauté des Religieux, lorsqu'il s'agissoit de faire des processions publiques; mais dans ces tems les choses ne pouvoient pas aller autrement; et il n'en peut rien résulter contre le deffendeur.

Depuis qu'il a plu au Roy et à la puissance ecclésiastique de séculariser la Cure de Saint-Maur il n'en a pas toujours été de même. Le sieur Jean Mouton fut un des premiers Curés qui succéda aux Religieux de Saint-Maur; la tradition porte qu'il laissa faire aux Religieux les processions de saint Marc, des Rogations et autres, sans se trouver avec eux.

Le successeur de ce sieur Mouton, sans doute amy de la table des moines, pouvoit facilement se ranger sous leur Banière lors des processions publiques; mais le sieur Ménard, son successeur, qui étoit curé lors de la déclaration de 1731, laissa faire les processions aux Religieux de saint Maur et fit les siennes en particulier suivy de son peuple il est facile de le prouver par le témoignage des anciens de la parroisse de Saint-Maur et des autres parroisses voisines qui ont assisté aux processions de Saint Marc, des Rogations et du Sacre, et même de ceux qui ont travaillé à faire le Reposoir pour ce saint jour : Ce fut ce pasteur qui en ce tems renouvella le dais et la banière qui servent aujourd'huy à la paroisse.

Le successeur de ce dernier ne résidoit pas, fort exactement souvent il s'abstint d'aller à la procession des demandeurs s'il y assista quelque fois ce ne fut que pour céder à leurs engagements.

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Souvent le deffendeur s'en est aussi abstenu : il n'y a assisté que deux seules fois en sa vie, et cela pour céder aux instances des demandeurs ; mais ce qu'il a pu faire par complaisance ne peut pas dégénérer en servitude, surtout avec l'Eglise dont le prince protège toujours la Liberté contre touttes sortes d'usurpateurs.

Que les demandeurs ne viennent donc point nous dire qu'ils sont dans le droit et possession de faire les processions généralles avec le Curé de Saint-Maur; ils n'ont point de possession constante et suivie, on le leur soutient; cela ne s'est pratiqué constamment que lors que le curé étoit Religieux. Mais aujourd'huy ce n'est plus cela; il est question de scavoir s'ils ont droit d'exiger que le Curé séculier vienne se réunir avec eux pour augmenter le cortège de leur procession: Le prétendent-ils en qualité de Curé primitif? Ils ne le sont pas, la qualité de Curé primitif ne réside que dans la personne de l'abbé.

Le fussent-ils ? les droits de Curés primitifs ne s'étendent pas jusque-là, comme nous venons de le faire voir sur l'art. 3 de la déclaration de 1726: ils n'ont donc aucun droit.

Ils invoquent l'article 6 de la déclaration de 1731, qui est conçu en ces termes : « N'entendons donner atteinte aux usages des villes et autres lieux où le Clergé et les peuples ont accoutumé de s'assembler dans les Eglises des abbayes, prieurés, ou autres benefices pour les te deum ou pour les processions du saint Sacrement, de la feste de l'Assomption, ou celle du patron et autres processions généralles, qui se font suivant le Rit du diocèse ou les ordonnances des Eveques, lesquels usages seront entretenus comme par le passé. >>

Mais cet article bien entendû ne présente rien en leur faveur ; il est au contraire opposé à leur pretention, car

l'actif de cet article réside en la personne des Curés et habitans qui sont conservés dans le droit de s'assembler dans les Eglises des moines qui sont obligés de souffrir les Curés et les habitans s'assembler dans leurs églises.....

Ce n'est pas au surplus que le deffendeur veuille empescher que les Religieux de Saint Maur viennent se réunir sous sa Croix, comme principaux habitans de sa parroisse, pour rendre la Cérémonie de la procession plus nombreuse, et pour la plus grande edification du peuple, comme le font icy les Capucins, vrais Religieux et ayant l'esprit de leur Etat qui exige d'eux toutte sorte d'humilité on ne les voit point disputer au Curé le droit de le toucher et son Clergé ; les Bénédictins de Saint-Maur devroient en faire autant, pour la plus grande édification du peuple et la plus grande gloire de Dieu; ils ne sont pas plus qu'eux et ils n'ont pas plus de droit vis à vis du deffendeur que les Capucins de cette ville n'en ont vis à vis du Curé de Saumur.

Ne seroit il donc pas du dernier ridicule de voir des moines, des solitaires, faits pour vivre dans le Cloitre où ils ont été relégués pour n'en plus sortir, toucher le Curé dont ils sont paroissiens, lors même qu'il porteroit l'Etole qui est le Simbole de la juridiction qui reside en sa personne C'est à eux à se tenir dans leur Cloitre, si mieux ils n'aiment venir concourir avec le deffendeur, le jour de la feste-dieu à la plus grande édification du peuple, comme nous venons de les y engager, à l'imitation des Capucins et autres Religieux de cette ville..... »

Malgré ces considérations, le Curé succomba dans la sentence définitive portée le 13 juillet 1768 par le Sénéchal de Saumur. Il est fait droit aux demandes des religieux et le curé doit supporter les dépens. Ceux-ci montaient, d'après le mémoire dressé par Dom Lamandé, à 94 livres.

Tel est le procès que je voulais vous signaler. Il fut

jugé devant la juridiction prévue par la Déclaration du 15 janvier 1731, le Sénéchal, et non évoqué au Grand Conseil, comme l'obtenait souvent la puissante Congrégation de Saint-Maur. Il semble pourtant que dans la sentence on ait attribué à un corps de communauté les prérogatives de curé primitif. En rigueur de droit elles ne pouvaient appartenir qu'à l'abbé commendataire, Gaspard Henri François Lejeune de Créquy, qui vraisemblablement se désintéressait fort des querelles de ses moines.

Il importe de remarquer le ton agressif des moyens de défense du Curé. N'oublions pas que nous sommes en 1768, à vingt ans de la Révolution.

Louis DELAUNAY.

Les Manufactures de toiles peintes et imprimées en Anjou

(1750-1840)

Au cours de l'année 1913, nous avons commencé dans la Revue de l'Anjou la publication d'une série d'études groupées sous le titre Recherches pour servir à l'histoire de l'industrie textile en Anjou.

Les deux premières parties ont été consacrées aux Corporations des cordiers, filassiers et tisserands d'Angers et aux Manufactures de toiles à voiles d'Angers et de Beaufort (1).

Sous ce titre : Les manufactures de toiles peintes et imprimées en Anjou, nous présentons ici une troisième partie, dont la documentation, commencée à la même époque que les deux précédentes, n'avait pu être achevée lorsque la guerre éclata.

Nous espérons que cette nouvelle publication rencontrera le même accueil bienveillant qui a été accordé à celle qui l'a précédée.

Très florissante au Moyen-âge, l'industrie de l'impression sur toiles de lin et de chanvre (2) était à peu près tombée dans l'oubli, lorsque l'importation des tissus

(1) Bibliographie: V. DAUPHIN, RECHERCHES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'INDUSTRIE TEXTILE EN ANJOU. 1 Partie : Les Cordiers, Filassiers et Tisserands d'Angers (1450-1791). Les Manufactures de toiles à voiles d'Angers et de Beaufort (17501900), in Revue de l'Anjou, numéro de janvier-février 1913 et sq., paru ensuite en volume à part (tirage limité à 100 exemp.), G. Grassin, édit., 1913-1916 (ouvrage présenté à l'Académie des Sciences morales et politiques, 28 juillet 1917). Compte rendu dans le Journal des Savants (septembre 1918).

(2) La bibliographie des ouvrages historiques consacrés à cette industrie est abondante; entre autres ouvrages, nous signalons l'étude très documentée de E. DEPITRE (Les toiles peintes en France au XVIII siècle), où l'histoire de la prohibition est exposée avec une netteté remarquable, ainsi que ceux de M. Henri Clouzot.

En ce qui concerne les manufactures angevines, aucune

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