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pignera sur nos désastres. L'Année Terrible ne sera guère pour lui qu'un merveilleux thème à déclamations poétiques et oratoires. Elle sera surtout l'année de sa vengeance. Ses ennemis sont à bas. Il fait, à Paris, une rentrée triomphale. Paris le nomme son député par 215.000 voix, entre Louis Blanc et Garibaldi. Décidément, l'Allemagne a rendu service à la France : elle l'a débarrassée de Napoléon et lui a rendu Victor Hugo. Dans le premier discours qu'il prononce à l'Assemblée Nationale, le poète n'hésite pas à le faire entendre. Sans doute, il se prononce, avec son habituel bon sens, pour la continuation impossible de la guerre; mais c'est pour que la France, victorieuse, Dieu sait comment, se jette dans les bras de l'Allemagne en lui criant : « Suis-je ton ennemie ? Non ; je suis ta sœur. Je t'ai tout repris et je te rends tout. Ma vengeance, c'est la fraternité. Plus de frontières ! Le Rhin à tous ! Soyons la même République, soyons les Etats-Unis d'Europe, soyons la liberté européenne, soyons la paix universelle ! Et maintenant, serrons-nous la main, car nous nous sommes rendu service l'une à l'autre : tu m'as délivrée de mon empereur ; je te délivre du tien ».

Voilà ce que Victor Hugo était capable de penser, de dire à la tribune française le 1er mars 1871, tant la haine de l'Empire et la chimère de la République universelle tyranisaient son imagination après vingt années de continuelles hantises durant lesquelles il en avait rempli tous ses ouvrages, des Châtiments à L'Homme qui Rit et des Contemplations aux Travailleurs de la Mer, en passant par la Légende des Siècles, les Misérables, les Chansons des Rues et des Bois et le Journal de l'Exil.

Hélas! Plût à Dieu qu'il n'eût plus chez nous de disciples et que nous n'entendions pas, au lendemain de la victoire, les mêmes sottises qu'au lendemain de la défaite ! Chaque jour, du fond de son exil, et sans que Napoléon III, imbu des mêmes utopies, s'y opposât le moins du monde, Victor Hugo avait ainsi donné l'assaut au trône impérial. Chaque jour, escorté de son vacarme, il montait vers la

pussance et l'apothéose, pour le malheur de son pays. N'ayant pu être ministre de la royauté ni de l'Empire, il devenait le Prophète et le Souverain Pontife de la Troisième République ; et il avait la joie de voir cette ascension coïncider avec l'abaissement de son rival, jadis heureux, en politique, en éloquence et en poésie.

Depuis 1848, en effet, Lamartine n'avait pas cessé de décliner. Il vivait, sous l'Empire, péniblement, de travaux de librairie dont le produit, à peine touché, allait se perdre comme une goutte d'eau dans l'océan de ses dettes. Oublié du peuple qui l'acclamait naguère, il végétait dans une étroite pauvreté, abandonné de ses amis, si nombreux aux jours du succès. Il déclinait dans l'ombre, lui qui avait sauvé la France du drapeau rouge; et, sous les plis de ce même drapeau, Hugo conquérait cependant, outre sept millions de fortune, la popularité la plus tintamaresque dont l'histoire fasse mention. Mais Lamartine mourut en chrétien, laissant au sommet de ses chefs-d'œuvre autre chose que des livres de haine, de vengeance et de colère. Malgré les erreurs de son orgueil et de son imagination, il put répéter à sa dernière heure ce qu'il avait dit de sa Muse avec tant de magnificence dans sa Réplique à Némésis :

J'ai couronné son front d'étoiles immortelles ;
J'ai parfumé mon cœur pour lui faire un séjour
Et je n'ai rien laissé s'abriter sous ses ailes
Que la prière et que l'amour.

Victor Hugo, tout au contraire, mourut en esclave, gardé contre le Dieu de sa jeunesse et de son âge viril par la secte dont il s'était fait le trompette. Les Loges souveraines désaffectèrent l'église Sainte-Geneviève et en chassèrent l'aïeule virginale, qui, depuis les temps d'Attila, veille sur la grande Cité. Elles en firent un Panthéon pour y charroyer son cadavre au milieu d'une mascarade prodigieuse, au bruit des canons du mont Valérien. Il y fut traîné le 1er juin 1885 j'ai gardé le souvenir de ces saturnales dont le récit remplit alors des pages entières des

journaux. Vous en pourrez lire le détail dans les ouvrages d'Edmond Biré, d'où j'ai tiré, d'ailleurs, les principaux éléments de cette étude.

Depuis la veille, Hugo reposait sous l'Arc de Triomphe, homme des vaines et lâches paroles, écrasé sous ce monument de l'énergie agissante et de l'héroïsme, à la place que le Soldat Inconnu, mort pour la France dans la Grande Guerre, purifie et consacre désormais, Une foule immense, sur laquelle la lie du peuple surnageait, avait fait la veillée nocturne, hommes et femmes se bousculant, riant, chantant, buvant, titubant et le reste, cohue énorme, du sein de laquelle le cortège officiel eut peine à se dégager : un cortège de cent mille personnes, où, par les avenues fourmillantes de gens en liesse, accourus à cette mise en scène et débordants du plaisir de voir ces pantagruéliques funérailles, défilèrent, à la suite de l'Armée et de la Magistrature, bafouées depuis trente années par le poète ; à la suite des Autorités, dont il avait préconisé l'abolition; à la suite des ridicules bataillons scolaires, des sociétés de gymnastique et des corporations artistiques ou industrielles, les délégués de soixante et une sociétés de librepensée, de quarante Loges maçonniques, de cent cinquante-cinq cercles politiques anticléricaux et révolutionnaires de France et de l'étranger, toute la racaille sous ses bannières, depuis le Groupe Athée du XVIII et les Amis du Drapeau Rouge, jusqu'à la Société des BeniBouffe-Toujours.

Elle fermait la marche. Et, quand on eut descendu le corps dans la crypte profanée, quand le vingt-deuxième discours de la cérémonie fut tombé dans le vacarme populaire, la Maçonnerie et la Commune continuèrent, tout le reste du jour et jusqu'au bout de la nuit suivante, à célébrer leur grande victoire, à se réjouir, en agapes et en ripailles, de l'apothéose qu'elles venaient de se décerner sur le tombeau de leur Prophète,

Napoléon III était bien vengé !

DU PLESSIS DE GRÉNÉDAN,

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Sans y mettre plus de façons.

Je crois, brancardiers, mes collègues,

Qu'ici nous nous reconnaissons,

Mais je soutiens, quoique on en dise,
Que ce brave homme n'a pas tort
Et profère une balourdise

Moins grosse qu'on ne croit d'abord.

Oui, LOURDES, but de notre course,
Mieux que les autres villes d'eaux,
Est par excellence la source

Où Dieu soulage tous les maux.

A ces bains de la bonne Mère,
Le sourd entend, l'aveugle voit,
Il n'est souffrance ni misère
Qu'elle n'y touche de son doigt,

Onde qui lave et fortifie,

La fièvre s'y change en fraîcheur,
Pour le moribond c'est la vie,
C'est le pardon pour le pécheur.

Dans quel incomparable site
Bernadette a vu de ses yeux !...

La beauté du pays, incite
A songer à celle des cieux.

Et l'enthousiasme nous gagne
Quand nous y revenons toujours,
Levons les yeux vers la montagne
D'où nous attendons le secours.

N'insistons pas sur la réclame
Du logeur et du gargotier ;

Tout homme a droit, sans qu'on l'en blâme,
A s'enrichir de son métier,

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