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La partie gauche du panneau inférieur passe à la suite de l'histoire sans transition, comme il arrive dans toutes les grandes décorations à fresque depuis Giotto jusqu'à Gozzoli. On y voit un groupe de seigneurs et de dames richement vètus. Les hommes, et particulièrement celui qui tient la tête du cortège, sont couverts d'un manteau broché de fleurs, attaché sous le menton par une agrafe et sans manche comme PhilippeAuguste. Le personnage de tête écarte les deux bras et découvre une robe aux manches serrées plus claire que le manteau. De la main gauche, il indique la scène de pénitence et de la main droite il appelle à lui une jeune femme étroitement moulée dans un fourreau chatoyant. La tête du jeune seigneur est encadrée d'un collier de barbe rare comme celle du Saint-François de Subiaco et elle est coiffée d'un chapeau singulier, rond et bombé à larges bords plats, un chapeau melon, dirait un mauvais plaisant. A la suite de la jeune princesse, deux autres personnages font cortège.

L'ensemble est agréable, bien en place, dessiné et les: gestes sont justes.

Je n'insisterai pas sur la signification de l'histoire. Vous avez retrouvé vous-mêmes l'essentiel de la chanson de geste légendaire.

Toute cette composition, du haut en bas, est peinte à l'ocre rouge et jaune, dessinée à gros traits noirs qui cernent les personnages comme les plombs d'un vitrail. Le modelé est à peine indiqué. On a l'impression de miniatures agrandies comme sur notre arcade de SaintAubin, mais avec un sens de la composition et de la réalité qui sort du commun et qui s'apparenterait à la résurrection de Pontigné.

Cette fresque est-elle du XIe siècle? Je me garderai bien d'en décider. Elle est, à coup sûr, antérieure au XVe siècle; tout l'indique, le décor, les costumes, la facture même. D'autre part, le mur sur quoi elle est peinte, s'il est de l'âge de la porte ouverte en son

milieu, serait postérieur au xir siècle et plutôt du xiv. Je n'irai pas plus loin dans mes déductions maladroites.

M. le curé Guibert, du Loroux-Bottereau, à qui je rends grâce ici de son obligeance, a beaucoup réfléchi sur cette peinture et sur les raisons qui l'on fait céler au public à une époque inconnue. Il a imaginé une explication que je vous donne en attendant que les savants en aient trouvé une.

Le Loroux-Bottereau a eu comme seigneur Gilles de Retz, par le mariage de ce dernier avec une l'Epervier. Vous ne serez point surpris de trouver Gilles de Retz dans cette affaire. La décoration de la chapelle serait due à ses soins en l'honneur de son patron. Rien n'empêche même que Egidius ait pris les traits du Seigneur, comme il arrive. Mais, après le procès de Nantes, le peuple soulevé d'indignation, aurait défiguré le personnage principal, et pour sauver le reste, les moines auraient élevé le mur qui a duré jusqu'à

nous.

Malheureusement, la fresque ne peut pas être du xv° siècle. A-t-elle été voilée à cause des crimes de Barbe-bleue ? C'est une question que je laissè à résoudre avec toutes celles que soulève l'étude de cette œuvre intéressante.

G. DUFOUR.

La suppression des Bénédictines de Baugé

Il faut haïr les « mots d'enflure ». Le conseil vient de bonne source: il est de Pascal. Je ne mettrai donc pas comme sous-titre à ma communication: Une ténébreuses affaire. Pourtant, les causes de la suppression des Bénédictines de Baugé ne sont pas sans offrir quelque attrait de mystère.

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J'ai déjà retracé les vicissitudes d'un Port-Royal saumurois. Les Bénédictines de Baugé auraient-elles subi le même sort que leurs sœurs, les Bénédictines de la Fidélité de Saumur, pour des motifs semblables? Tel est le problème que je me suis posé.

Au moment où la vie bénédictine commençait à refleurir en France, les habitants de Baugé obtenaient de l'évêque d'Angers, Guillaume Fouquet de la Varenne, par un décret du 9 août 1619, de posséder une maison de Bénédictines de l'étroite observance. Le 20 septembre 1620, cinq religieuses de la Trinité de Poitiers vinrent en effet s'établir au logis des Epinettes et prirent le titre de N.-D. de la Grâce. Quelques années plus tard, ce nom seul aurait pu signifier tout un programme. Cependant la règle mitigée fut introduite en 1657. En 1678, les religieuses recevaient des mains d'Henri Arnauld des constitutions nouvelles.

Les Bénédictines de la Fidélité s'étaient établies à Trèves en 1619, et leurs fondatrices, deux filles de Pierre de Laval, baron de Lezay, avaient fait profession au monastère de Sainte-Croix de Poitiers. Dès 1644, avant de devenir un modèle souvent proposé aux autres religieuses du diocèse par le grand évêque d'Angers, la mère Madeleine Gautron avait introduit

à la Fidélité des observances où l'on ne parlait pas de mitigation. Au siècle suivant, l'œuvre sombrait en 1747-1748. Des embarras financiers, provoqués par la banqueroute de Law et surtout l'attachement aux principes de l'école de Port-Royal, avaient motivé cette suppression.

En 1748, on entend déjà très distinctement les tintements du glas de la communauté des Bénédictines de Baugé. En 1756, s'opèrent les procédures nécessaires à son extinction; en 1760, tout était consommé. Il nous reste à examiner par quelles voies on arriva à cette extrémité.

Les Bénédictines de Baugé ne semblent pas avoir eu à souffrir particulièrement du cataclysme financier de 1720. On peut s'en rendre compte en examinant les papiers qui restent de la Commission des secours établie en 1727. Cette commission, rattachée au Conseil d'Etat, avait pour mission de remédier à la situation embarrassée de certaines communautés de femmes. Les ressources dont elles disposait, provenaient d'une loterie et du 1/10 de la vente des bois domaniaux.

Sans entrer dans d'autres détails, que j'ai indiqués dans de précédentes publications, voici les renseignements qui sont fournis sur nos religieuses.

Les communautés qui voulaient être voulaient être secourues devaient fournir un Etat du personnel de la Communauté et des revenus el charges du monastère. Les autres, peu soucieuses de faire des déclarations, préférèrent sans doute garder un silence prudent. L'Intendant s'en plaignit à l'Evêque. Le 15 mai 1731, M" de Vaugiraud, dans une « Liste des Communautés à qui on n'a point demandé de Déclaration », signale : « 7° Les Bénédictines de Baugé. »« Nous n'avons point demandé, ajoutait-il, les déclarations des Abbayes

et Couvents marquez cy-dessus, parce qu'on croit que lesd. communautez peuvent se soutenir et qu'il ne paroit pas possible d'y unir aucunes des communautez indigentes, y ayant des difficultez presque insurmontables à l'égard desd. unions. »

Dans un autre état envoyé à la Commission par l'Evêque d'Angers, vers la même époque, et indiquant par Elections les « Communautez du Diocèze d'Angers qui ont un pressant Besoin de secours », nous lisons: «1. Election de Baugé. Il y a deux Comunautés qui peuvent se passer de secours extraordinaire. >>

Mais la Commission demandait des précisions plus grandes. Dans un état à trois colonnes fourni par l'Evêque le 25 mars 1733 au Cardinal de Rohan, les Bénédictines de Baugé figurent dans la liste des «Monastères qui n'ont pas besoin de secours ». Dans l'état de la Commission résumant la situation des communautés à cette époque, on trouve cette mention: « 21. Les Bénédictines de Baugé. N'ont point envoyé d'Etat et sont dans celuy de M. l'Evesque au nombre de celles qui n'ont point besoin de secours. »

En 1742, nous trouvons le renseignement suivant, dans une lettre de Mar de Vaugirauld au cardinal de Rohan, au sujet de maisons « qui n'ont point été secourues et qui en ont plus besoin »: « Les Bénédictines de Beaugé demandent des secours, le public les croit assez bien. »

Sur un placet adressé en 1743 au cardinal de Rohan, par les religieuses de St Catherine d'Angers, pour faire révoquer la lettre de cachet qui leur défendait de recevoir des novices, on trouve cette autre indication dans une longue note, mise en marge : « ... Les Bénédictines de Baugé, pauvres et mal logées, désirent et demandent leur réunion à une autre maison... » J'ai trouvé mention aussi d'un secours de 400 L qui leur fut accordé.

La demande fut-elle introduite sous une forme

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