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HISTOIRE PARLEMENTAIRE

DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE,

OU

JOURNAL DES ASSEMBLÉES NATIONALES, DEPUIS 1789 JUSQU'EN 1815.

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DE LA

RÉVOLUTION

FRANÇAISE,

OU

JOURNAL DES ASSEMBLÉES NATIONALES,

DEPUIS 1789 JUSQU'EN 1815,

CONTENANT

La Narration des événemens; les Débats des Assemblées; les Discussions des
principales Sociétés populaires, et particulièrement de la Société des Jaco-
bins; les procès-verbaux de la commune de Paris; les Séances du Tribunal
révolutionnaire; le Compte-rendu des principaux procès politiques; le
Détail des budgets annuels; le Tableau du mouvement moral extrait des
journaux de chaque époque, etc.; précédée d'une Introduction sur l'his-
toire de France jusqu'à là convocation des États-généraux,

PAR P.-J.-B. BUCHEZ ET P.-C. ROUX.

TOME DOUZIÈME.

PARIS.

PAULIN, LIBRAIRE,

RUE DE SEINE, No 6, HÔTEL MIRABEAU.

M DCCC XXXIV.

sante, l'initiative manqua à la Constituante. Elle ne sut pas s'en emparer, et, à cause de cela même sans doute, elle ne sut pas reconnaître que l'initiative était le mode essentiel du pouvoir et du gouvernement. Elle fut en effet toujours à la remorque des événemens, inspirée tantôt par l'intelligence d'un individu, tantôt par une insurrection, en un mot, par un accident. Cependant elle voulut rendre cet élat perpétuel, et l'établir à toujours comme régime gouvernemental. Elle partagea en conséquence le pouvoir entre un monarque et une assemblée, donnant à chacun une part telle, et fondant entr'eux de telles relations, que ni l'un ni l'autre n'avaient puissance d'agir, et devaient attendre nécessairement que le mouvement leur vint du dehors. Il semble que notre première assemblée nationale ait jugé que le rôle du pouvoir était l'immobilité; et, en effet, elle ignorait que la condition première qui donne existence et durée à un peuple, c'est son but d'activité commune.

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Il n'est pas, dans les temps modernes, de position politique plus importante à étudier et plus féconde en leçons, que celle des premiers temps de notre révolution. Bien des peuples doivent sans doute, un jour ou un autre, traverser des circonstances pareilles à celles que la France a subies; peut-être nous-mêmes devons-nous rencontrer encore des dangers semblables. La plus grande utilité d'un travail tel que celuici , consiste donc à trouver dans les expériences faites par nos ancêtres, l'enseignement qui leur eût sauvé tant et de si cruelles erreurs, et qui pourra préserver l'avenir de la répétition des mêmes fautes.

.. Lorsque les Constituans se furent décidés à changer la face du droit français, en posant comme principe social celui de la souveraineté du peuple, ils devaient ne pas oublier qu'ils rompaient avec l'Europe tout : entière, et qu'ils apportaient un principe de droit des gens non seulement opposé, mais hostile à celui de toutes les nations voisines. Ils devaient penser que tôt ou tard il faudrait que la France entrat en guerre avec elles.

En effet, les nations ne peuvent contracter entre elles, signer des

traités, qu'en partant de la donnée d'un principe, d'une croyance qui leur donne une certitude aussi complète que possible de la solidité des engagemens réciproques qui forment la teneur du contrat. Ainsi, aujourd'hui la confiance réciproque est fondée sur l'intérêt connu des parties, et sur la connaissance de tous les raisonnemens que cet intérêt peut engendrer. Dans d'autres temps, elle était établie sur l'identité de croyance et de foi appelée en garantie des engagemens. Il est, au reste, historiquement prouvé que jamais il n'y a eu paix qu'entre les peuples qui vivaient sous le même principe général de civilisation. Ainsi, en Europe, avant que le Christianisme eût fait de toutes les nations qui en couvrent le sol, un seul peuple en quelque sorte réglé par les mêmes lois morales et les mêmes intérêts; tant qu'il y eut plusieurs peuples différant de religion et de mœurs, la guerre fut permanente. Quelques trèves passagères suspendaient les hostilités; jamais il n'y eut de paix réelle. La France, à moitié envahie par les Sarrasins, ne fit pas la paix ; elle ne put que combattre; et lorsque, plus tard, épuisée d'hommes et de soldats, rompue, brisée par la guerre civile, elle était parcourue par les Normands, elle ne sut traiter avec eux que lorsqu'ils consentirent à accepter sa croyance. Les exemples démonstratifs de la nécessité d'un principe commun pour rendre le contrat possible, sont innombrables. Aussi cette vérité est restée incontestable, et elle n'a été oubliée que par les étroits doctrinaires de la philosophie de la nature.

Puisqu'il en est ainsi, tous les hommes forts de l'assemblée nationale eussent dû faire entrer la guerre en ligne de compte dans leurs calculs sur l'avenir qu'ils préparaient à leur pays. Pourquoi ne le firentils pas ? La raison de cette faute fut la même qui domina toutes celles que nous devons relever dans sa conduite. Les hommes de la Constituante oublièrent le passé comme l'avenir; ils ne virent que le présent, et le considérèrent comme éternel. Ils oublièrent qu'une nationalité existait, dont ils étaient les représentans momentanés ; que cette nationalité avait un passé qui lui était commun avec toute l'Europe; un avenir qu'elle devait aussi lui faire partager. Ils oublièrent que le sentiment révolutionnaire même qui animait la population, et leur donnait pour appui le bras du peuple, ils oublièrent que ce sentiment avait une ori

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