Page images
PDF
EPUB

Manière de planter la Garance.

ON fuppofe que le champ a été préparé par de bons labours, qui doivent être répétés plus ou moins, fuivant l'état & la nature du terrein qu'on veut mettre en garance: il fera bon d'y faire paffer la herfe pour

unir la terre.

Comme l'ufage le plus commun eft de planter les garancières avec du provin, nous commencerons par détailler la façon de les mettre en terre; ce qui regarde les autres plants en fera plus aifé à comprendre.

Pendant que des hommes, avec la houe qu'on nomme marre dans le Gâtinois, forment des fillons tirés au cordeau, de trois à quatre pouces de profondeur, des femmes ou des enfans couchent les provins dans les rigoles à deux ou trois pouces les uns des autres, & les hommes enterrent ce plant ou rempliffent ce premier fillon avec la terre qu'ils tirent pour former une feconde rigole, dans laquelle les femmes arrangent du plant comme elles avoient fait pour la première. Cette feconde rigole eft remplie avec la terre qu'on tire pour en former une troifième, dans laquelle on arrange encore du plant, comme dans les deux premières, & on la remplit avec de la terre qu'on tire de l'endroit où doit être la plate-bande.

Chaque planche n'eft formée que par trois rangées de garance, & on met un pied d'intervalle entre les rangées; ainfi les planches n'ont que deux pieds de largeur, & on laiffe quatre pieds de diftance d'une planche à l'autre, pour former une plate-bande dans

laquelle on ne met point de garance, mais qu'on laboure avec la charrue, comme nous le dirons dans un instant *.

On fait enfuite une feconde planche, fur laquelle il y a encore trois rangées de garance, puis une platebande de quatre pieds de largeur, puis une planche; ce que l'on repète dans toute l'étendue du terrein qui fe trouve planté avec environ quarante milliers de provins.

Puifque nous avons dit dans l'article précédent, qu'on arrachoit le provin dans les mois d'Avril, Mai ou Juin, il s'enfuit qu'on le doit planter dans ce même temps; car fi-tôt que le plant est arraché, il le faut mettre en terre; & comme on peut choisir un temps favorable pendant quinze jours ou trois femaines, on effayera de faire cette plantation quand le temps fera difpofé à la pluie, la reprise en fera plus certaine. Pour tous les plants de légumes qu'on fait en grand, il eft avantageux d'avoir de l'eau dans des fceaux, pour y faire tremper le plant avant que de le mettre en terre: nous croyons que cette pratique feroit bonne pour la garance, quoique nous ne l'ayons pas mis en usage.

Ce que nous venons de dire ne regarde que le plant de provin; car celui qui eft formé d'un bout de racine garni d'un bouton étant choisi l'Automne, quand on arrache les garancières, il faut le mettre

* En Flandre on fait les planches | de dix pieds de largeur, & on ne laiffe entr'elles qu'un pied ou un pied & demi de plate-bande; ce qui ne fournit pas affez de terre pour

couvrir les couchis, & on eft obligé de transporter cette terre jusqu'au milicu de ces larges planches: la méthode décrite a paru préférable.

en

en terre dans cette faifon; mais, à cette circonftance près, on doit fe conformer à ce qui a été dit en parlant des provins, mettre trois rangées de garance fur chaque planche de deux pieds de largeur, & laiffer entre elles des plate-bandes larges de quatre pieds.

A l'égard des plants enracinés, on eft maître de les planter le Printemps ou l'Automne, & on se conformera encore à ce qui a été dit des provins, ayant attention de faire les rigoles plus profondes quand le plant eft plus gros, d'étendre les traînaffes de racine fuivant la direction des rigoles, & de faire en forte que ces racines traçantes ne foient recouvertes que d'un pouce ou d'un pouce & demi de terre, pour que les tiges puiffent percer & fe montrer au dehors. Nous ne devons pas négliger d'avertir que M.rs de Corbeil ont tenté de donner à leurs planches beaucoup plus de largeur, les formant avec fix ou même huit rangées de garance; mais ils ont reconnu qu'il étoit bien plus avantageux de les réduire à trois : c'est auffi la méthode que nous avons suivie.

Quand la garance eft plantée dans un terrein fort humide, l'eau s'écoule dans les plate-bandes, qui fe creufent toutes les fois qu'on charge les planches; mais fi le terrein étoit trop fec, il paroîtroit mieux de le rayonner, comme quand on veut planter de la vigne; on planteroit la garance dans le fond du fillon, comme on fait les afperges, & en rechauffant le plant, le terrein fe trouveroit de niveau, ou un peu bombé fur les planches. Nous n'avons fait cette épreuve que cette année, qui a été contraire à cette culture; ainfi nous ne pouvons pas encore répondre du fuccès.

C

Entretien de la Garance, depuis qu'elle eft plantée jufqu'à ce qu'on l'arrache.

Si la garance a été plantée l'Automne, on se contente de donner de temps en temps quelques labours aux plate-bandes avec la petite charrue à une roue, dont on trouvera la description à la fin de cet Ouvrage ; & comme ces labours n'ont pas tant pour objet de donner de la vigueur à la garance, que de fe ménager de la terre meuble à portée des planches, on a l'attention de ne les point faire quand la terre trop humide fe pourroit paîtrir. On ne peut guère fe difpenfer de donner auffi, avant les mois de Juin ou de Juillet, un labour aux plate-bandes des garancières qui ont été plantées le Printemps.

Quand les pouffes de garance ont acquis un pied de longueur, des femmes farclent à la main les planches, pour en ôter toutes les mauvaises herbes, puis des hommes couchent les tiges de la première rangée par terre du côté de la plate-bande voifine; ils les couvrent d'un pouce & demi ou deux de terre meuble, qu'ils prennent dans la plate-bande même, ayant grande attention qu'aucun pied ne foit couvert de terre dans toute fa longueur. Il faut que leur extrémité forte du terrein, fans quoi ils périroient infailliblement, au lieu qu'avec cette attention toute la tige tendre qui fe trouve en terre fe convertit en racines.

La feconde rangée fe couche fur la place où étoit la première; on la recouvre de deux pouces de terre: la troisième fe couche fur la feconde, & quand elle eft chargée de la même épaiffeur de terre, les planches se trouvent élargies d'un pied aux dépens d'une

des plate - bandes. Ce travail, qui eft un des plus confidérables, s'exécute affez ailément, quand on a eu foin d'entretenir la terre des plate-bandes bien meuble par des labours à la charrue.

Quand les années font très-favorables pour la garance, il arrive quelquefois qu'un mois après, les tiges fe font encore alongées d'un pied; alors on répète l'opération que nous venons de décrire, & les planches fe trouvent une feconde fois élargies d'un pied aux dépens des plate-bandes; mais on est rarement dans cette heureuse circonstance.

On continue de farcler les planches, & de donner de temps en temps de petits labours aux plate-bandes, pour y entretenir de la terre meuble; car dans le mois de Mars, avant que la garance forte de terre, on doit couvrir avec de la terre meuble les planches de l'épaiffeur d'un pouce : les plantes en reçoivent beaucoup de vigueur.

On ne doit point permettre d'arracher la fanne de la garance la première année; les tiges précédemment formées n'ayant pas encore produit beaucoup de chevelu, elles s'arracheroient avec la fanne on pourroit la couper, mais il vaut mieux la laiffer périr d'elle-même.

Dans les mois d'Avril, Mai ou Juin, on arrache le provin, comme nous l'avons expliqué plus haut, & l'entretien des garancières jufqu'au mois d'Août fe réduit à arracher les mauvaises herbes, & à donner quelques labours aux plate-bandes. Alors on fait faucher la fanne de la garance; elle fournit un excellent fourrage pour les vaches, qui, au moyen de cette nourriture, donnent beaucoup de lait, d'une

[ocr errors]
« PreviousContinue »