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Adam dit Profitons, mes frères, de la faveur que cet être suprême nous fait en nous éclairant, pour pouvoir nous conduire dans le chemin de la vérité, en suivant la loi que l'éternel a gravée dans nos cœurs, qui est la seule par laquelle on puisse parvenir à connaître la pure vérité.

Comme les sociniens, on veut persuader aux frères maçons qu'ils ne dépendent que d'un seul étre supréme, qui ne leur a donné d'autre règle de conduite que la seule loi naturelle. On exclut, par ce moyen, toute soumission à l'église, à toute autorité civile, paternelle et ecclésiastique.

Ensuite le maître fait le signe à tous les frères qui est de porter la main droite sur le cœur tous les frères y répondent en levant l'index de la main droite vers le ciel, pour marquer qu'il n'y a qu'un Dieu, qui est la force, père de la vérité.

RÉCEPTION.

Le récipiendaire se présente seul à la porte, les yeux bandés d'un crêpe noir, pour marquer la profondeur des ténèbres dont il est environné; il va à tâtons pendant quelque temps, avant de parvenir à la porte qu'il trouve. Il frappe six du plat de la main, pour désigner les six jours qui précédèrent la création de l'homme. Le frère Vérité, sans ouvrir la porte, demande au récipiendaire ce qu'il désire.

coups

Réponse. Voir la lumière de vérité; me dépouiller du vieil homme; détruire en moi les préjugés, enfans de l'erreur et du mensonge, dans lesquels les hommes sont tombés par la cupidité des richesses et par l'orgueil.

La lumière naturelle est ici en opposition avec la lumière du Verbe de Dieu, qui éclaire tout homme venant au monde. La dépouille du vieil homme doit s'entendre du caractère du chrétien ; et

les préjugés, enfans de l'erreur, ce sont les mystères de la religion révélée, sources d'erreurs selon les sociniens.

Adam ordonne au frère Vérité, d'introduire le récipiendaire au centre du vrai bonheur; c'est-àdire dans l'intérieur de la loge.

Le frère Vérité ouvre la porte, prend le récipiendaire par la main et l'introduit au milieu du sanctuaire, où est tracé le tableau du bonheur, couvert d'un tapis noir. Lorsqu'il y est arrivé, Adam dit Mon fils, puisque, par votre travail dans l'art royal de la maçonnerie, vous êtes parvenu au point de désirer connaître la vérité, il faut vous la montrer toute nue. Consultez-vous dans cet instant ; voyez si vous vous sentez assez de volonté, pour lui obéir sur tout ce qu'elle vous ordonnera. Si vous êtes en ce moment tel que je le désire, je suis sûr qu'elle est déjà dans votre cœur, et que vous devez sentir quelques mouvemens qui vous étaient auparavant inconnus. Si cela est, vous devez espérer qu'elle ne tardera pas à se manifester; mais gardezvous de venir souiller son sanctuaire par un pur esprit de curiosité, et prenez garde de venir augmenter le nombre des profanes c'est-à-dire des chrétiens, qui l'ont si long-temps maltraitée, qu'ils l'ont obligée à se cacher et à ne plus paraître sur la terre, que sous un voile épais. Voilà ce qui a forcé les sociniens à s'environner d'emblèmes, afin d'éviter les poursuites que l'on a l'on a faites de leurs personnes. Toutefois, elle n'a jamais cessé de se manifester dans toute sa gloire, et de se faire voir, à visage découvert, aux vrais maçons. Vous l'avez dans votre cœur, elle y est enfermée par la crainte mondaine qui lui a lié les mains et les pieds; j'espère que vous serez un de ses plus intimes favoris. Les épreuves, par lesquelles vous avez passé, me sont garans de ce que je dois attendre de votre zèle; ainsi, pour que rien ne vous soit caché, j'ordonne

au frère Vérité, qu'il vous instruise de ce qu'il faut que vous sachiez pour parvenir au vrai bonheur.

Après qu'Adam a fini de parler, on découvre les yeux du récipiendaire, et on lui fait voir la loge tracée, sans lui rien expliquer. Ensuite le frère Vérité lui parle en ces termes :

Mon cher frère, la divine vérité vous parle par ma bouche. Elle a exigé de vous des épreuves dont elle est satisfaite. Elle vous a fait connaître, en entrant dans l'ordre de la maçonnerie, plusieurs secrets qui, sans son secours, seraient encore pour vous des énigmes matérielles dont vous ne sauriez tirer aucun fruit salutaire; mais puisque vous avez été assez heureux pour être admis dans ce brillant séjour, apprenez donc que les trois premiers meubles que vous avez connus, tels que la bible, le compas et l'équerre, ont un sens caché que vous ne connaissez pas.

1o. Par la bible, vous devez entendre que vous ne devez avoir d'autre loi, que celle qu'Adam a eue lors de la création, et que l'éternel lui grava dans le cœur. Cette loi est celle que l'on appelle naturelle. Vous devez adorer et n'admettre qu'un seulDieu.

Quand un maçon dit donc qu'il admet la bible, cela veut dire, au sens des sociniens, qu'il l'admet comme le langage de la loi naturelle, et non comme un ouvrage divin, ni comme contenant des vérités divines sur-ajoutées aux préceptes généraux de la nature; par conséquent, un maçon retranche, de la Sainte-Ecriture, les mystères, ou ne les interprète que selon la droite raison. S'il dit qu'il n'adore et n'admet qu'un Dieu, il faut sousentendre qu'il n'adore pas le Fils de Dieu, ni le Saint-Esprit ; parce que, selon les sociniens, ils ne sont pas Dieu au même sens que l'Etre Suprême. Jésus-Christ, selon eux, n'est Dieu que parce qu'il a été rempli de la puissance et de la vertu de Dieu; mais il ne l'est pas par nature, et n'est pas, par

conséquent, consubstantiel à son père. Il s'ensuit de là que nous ne devons pas honorer la sainte Vierge ni les saints: et c'était la grande doctrine de Cagliostro, qu'il prêchait dans toutes les loges, ce qui devait le rendre cher aux protestans.

2o. Par le compas, vous devez entendre que tout ce que Dieu a fait et créé est bien; qu'il n'a rien fait par l'effet du hasard.

Cette doctrine ne fait pas mention du péché originel qui a vicié notre nature, et semble méme l'exclure.

Avec un compas, on forme un cercle, dont tous les points de la circonférence sont également distans du point central. C'est pourquoi ce compas vous avertit que Dieu est le point central de toutes cho

dont les uns et les autres sont également proches et également éloignés de ce Tout, qui est Dieu. Voilà une découverte bien intéressante pour le genre humain, et qui nous rappelle les systèmes de Hobbes et de Spinosa. Les bons et les méchans sont également près ou éloignés de Dieu; donc, il n'y a d'autre différence entre le bien et le mal, que celle que des ignorans y mettent. Les francsmaçons, qui ont gardé si long-temps cette doctrine cachée, méritent bien une récompense pour l'avoir enfin mise au jour.

3o. Par l'équerre, il nous est découvert que ce même Dieu a fait toutes choses égales; parce que la propriété de l'équerre est de s'assurer, par son moyen, du carré parfait; ainsi la volonté de Dieu, en créant le monde, n'a pu agir que d'une seule manière, qui est celle du bien parfait.

Voilà l'optimisme établi et une égalité imaginaire.

4o. Par le niveau, vous apprendrez à être droit et ferme, à ne point vous laisser entraîner par la foule des ignorans et des aveugles; mais à soutenir, `d'une manière inébranlable, les droits de la loi na

turelle, et les connaissances pures et nettes de la sainte vérité.

Qui croirait que le niveau des francs-maçons est l'emblème de l'opiniátreté de ces messieurs à soutenir que la loi naturelle seule est préférable à tout ce qu'il a plú au Verbe de Dieu, et à son esprit de révéler aux hommes? Il ne faut pas en étre étonné, l'opiniátreté est le caractère de l'hérésie. Les injures et les grossièretés ne coûtent rien à ces messieurs, quand il s'agit de rendre méprisables ceux qui ne pensent pas comme eux. L'ignorance et l'aveuglement sont pour les profanes, et pour eux seuls la lumière de la vérité pure.

5o. Par la perpendiculaire et la pierre brute, vous devez entendre l'homme grossier purifié par la raison, et perfectionné par l'excellence de mon maître la vérité.

6o. La pierre cubique veut dire que toutes vos actions doivent être égales par rapport au souverain bien.

7°. La planche à tracer vos dessins vous rappelle que vous avez une raison qui doit vous servir à tracer des idées justes et bien proportionnées.

8°. Les colonnes vous rappellent qu'il faut être fermes et inébranlables quand la vérité nous a parlé, et s'attacher à devenir l'ornement de l'ordre maçonnique.

D'après ce système socinien, nous n'avons pas besoin de recourir à Jésus-Christ, à sa gráce, ni à sa médiation pour faire le bien; il suffit, pour un franc-maçon, de jeter les yeux sur sa planche à tracer, sur les colonnes Jakin et Booz; avec ce spécifique, il ne doit jamais faillir.

9°. L'étoile flamboyante, transportée dans le sanctuaire où l'arche est renfermée, vous avertit que le cœur d'un vrai maçon doit être semblable à un soleil qui éclaire dans les ténèbres, et éclairer ses frères par son exemple.

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