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s'attribuent. Ce n'est donc pas ici-le moment d'examiner si les francs-maçons ont pour objet de rendre les hommes plus vertueux, nous le ferons ailleurs.

Quelques-uns de ceux qui soutiennent que la franc-maçonnerie a pris naissance en Angleterre, ne remontent pas plus haut que Cromwel; et l'auteur du livre intitulé: Les Francs-Maçons écrasés, ou l'Ordre des Francs-Maçons trahi, est de ce sentiment. << Son but, dit-il, était de bâtir un nou» vel édifice, c'est-à-dire, de réformer le genre>> humain, en exterminant les rois et les puissances >> dont cet usurpateur était le fléau. Or, pour don»ner à ses partisans une idée sensible de son des.. >> sein, il leur proposa le rétablissement du temple de >> Salomon..... Ce temple avait été bâti par l'ordre » que Dieu en signifia à ce prince. C'était le sanc» tuaire de la Religion, le lieu consacré spécialement >> à ses augustes cérémonies; c'était pour la splen» deur de ce temple que ce sage monarque avait » établi tant de ministres chargés de veiller à sa pu>> reté et à son embellissement. Enfin, après plu

sieurs années de gloire et de magnificence, vient >> une armée formidable qui renverse cet illustre >> monument. Le peuple, qui rendait ses homma»ges à la Divinité, est chargé de fers et conduit » à Babylone, d'où, après la captivité la plus ri>> goureuse, il se voit retiré par la main de son Dieu. » Un prince idolâtre, choisi pour être l'instrument » de la clémence divine, permet à ce peuple in» fortuné, non-seulement de rebâtir le temple dans >> sa première splendeur, mais encore de profiter » des moyens qu'il lui fournit pour y reussir. >>

» Or, c'est dans cette allégorie que les francs>> maçons trouvent l'exacte vraisemblance de leur » société. Ce temple, disent-ils, considéré dans son >> premier lustre, est la figure de l'état primitif de >> l'homme au sortir du néant. Cette religion, ces

» cérémonies, qui s'y exerçaient, ne sont autre chose » que cette loi commune, gravée dans tous les cœurs, » qui trouve son principe dans les idées d'équité et » de charité, auxquelles les hommes sont obligés >> entr'eux. La destruction de ce temple, l'esclavage >> de ses adorateurs, ce sont l'orgueil et l'ambition >> qui ont introduit la dépendance parmi les hommes. » Les Assyriens, cette armée impitoyable, ce sont » les rois, les princes, les magistrats, dont la puis»sance a fait fléchir tant de malheureux qu'ils ont » opprimés; enfin, ce peuple choisi, chargé de >> rétablir ce temple magnifique, ce sont les francs>> maçons qui doivent rendre à l'univers sa première > beauté. >>

Je crois bien que les francs-maçons ont pu te- . nir de pareils propos, et même de plus extravagans, car ils se croient faits pour réformer le genre humain; mais je ne conviendrai pas aussi aisément que la franc-maçonnerie doit son origine à Cromwel, ni que ce grand protecteur de l'Angleterre ait eu le projet de fonder une nouvelle religion et de s'en faire le chef. Ceux qui l'ont le mieux connu, ne lui ont jamais attribué de pareils sentimens. Politique profond, il borna son ambition à bien user de l'autorité et de la puissance qu'il avait su réunir sur sa tête. Il parut se jouer de la religion par l'adresse avec laquelle il fit mouvoir, selon ses vues, les différens sectaires qui divisaient alors l'Angleterre par leurs opinions. Jamais il n'en adopta aucune par goût, ni de bonne foi; et c'est à tort qu'on lui impute d'avoir voulu former un système d'irréligion ou dresser le plan de la société des francs-maçons.

On peut assurer que, bien loin qu'il soit certain que Cromwel avait voulu fonder la société des francsmaçons, il est démontré que ce n'est point en Angleterre qu'elle a pris naissance. Ceux qui ont raisonné le plus juste sur son origine, la font venir

du Nord. C'est, en effet, des contrées septentrio nales qu'elle a passé vers le midi, et qu'elle s'est répandue ensuite dans toutes les contrées du monde habité.

L'époque de son existence ne remonte pas, comme le prétend M. Guillemain de Saint-Victor, aux temps fabuleux de l'Egypte, ni aux mystères d'Eleusis ou d'Isis. Ce n'a été qu'en France qu'on a donné à la franc-maçonnerie une origine aussi extravagante, pour dérouter tous ceux qui voudraient suivre la marche et les accroissemens de cette société; mais cet air d'érudition et d'antiquité, qu'on a voulu lui prêter, n'a pas fait fortune auprès des vrais savans, et n'a pu réellement en imposer qu'à des ignorans.

C'est aussi auprès d'eux que le faux comte de Cagliostro a fait des dupes, et qu'il s'est enrichi. II a emprunté quelques-uns des traits savans et énigmatiques, dont M. Guillemain de Saint-Victor fait parade: il a inventé de nouvelles épreuves, affecté de posséder la science de la nature, d'avoir découvert des remèdes singuliers et extraordinaires, d'avoir trouvé la pierre philosophale. Avec de pareils secrets, il a parcouru l'Europe, s'est fait une grande réputation dont il a abusé quand il en a trouvé

l'occasion.

Mais il n'y a rien, dans la franc-maçonnerie, inventée par Cagliostro, qui ne soit indiqué dans les épreuves que M. Guillemain prétend avoir été observées à Memphis, à l'initiation des prêtres d'Isis. On en a répété une partie à Paris, dans la loge qui se tenait au faubourg Saint-Antoine, à l'hôtel de la Nouvelle-France; on peut les voir en grand dans l'ouvrage intitulé: De l'origine de la FrancMaçonnerie. Elles sont propres, en effet, à rendre supportable tout ce qui s'observe dans les loges ordinaires, de plus difficile et de plus extraordinaire ; car on n'imile que de bien loin, ce qui devait se

pratiquer en Egypte, lors des initiations des nouveaux candidats.

Un des avantages que les francs-maçons ont tirés de la prétendue initiation égyptienne, c'est d'avoir donné quelque vraisemblance à la création des of fices qu'ils ont établis dans leurs loges. On ne peut y être admis l'on n'ait un parrain, que c'est-à-dire, quelqu'un qui vous présente, pour entrer en loge; pour donner plus de relief à celui qui se charge de vous faire admettre au nombre des initiés, on a soin de vous rapporter ce qui se passait en Egypte, en l'accompagnant de précautions mystérieuses comme si l'entrée en loge était la chose la plus sainte qu'on pût imaginer.

et

« Il était très-défendu aux initiés, dit M. Guil>>lemain, d'inviter personne à se faire recevoir >> parmi eux. Lorsqu'un homme, de quelque rang » qu'il fût, allait demander l'initiation, les prêtres >> semblaient la lui accorder avec facilité; mais en » même temps, ils lui faisaient écrire son nom et »sa demande, et lui donnaient un initié pour lui » indiquer ses épreuves. Celui-ci avait soin de s'ins>>truire des moeurs et de la religion, de la patrie >> et de la qualité de l'aspirant, et le prévenait >> qu'il fallait absolument qu'un initié répondît de » lui, soit parce qu'il en serait connu, ou par un » excès de confiance. >>

Pour justifier l'inquisition que l'on fait dans la franc-maçonnerie, des moeurs, de la religion, du caractère, de la fortune d'un aspirant, on a soin de lui dire « Que cette formalité était observée >> partout dans l'initiation aux mystères anciens; » qu'il fallut même qu'Hercule fût adopté par un >> Athénien initié, lorsqu'il voulut se faire initier » à Athènes. M. Guillemain va même jusqu'à nom> mer son parrain, qui s'appelait Pylas, et ce mot > générique signifie parrain, selon ce savant érudit. >> Ne diriez-vous pas qu'en entrant dans la franc

maçonnerie, on devient un autre homme? L'initiation, dit M. Guillemain, est la fin de la vie profane, regardée comme vie animale: cela veut dire, qu'en se faisant initier aux mystères de la maçonnerie, on passe de la vie grossière et animale, à une vie spirituelle et presque surnaturelle c'est le baptême des maçons « c'est une mort au vice; l'a>> mour de la vertu et des devoirs prend la place » de toutes les passions, dans celui qui reçoit cette >> initiation; son être, ou plutôt le principe qui >> l'anime, est renouvelé. C'est l'effet du baptême » chez les chrétiens; mais qui n'est pas produit par » le même principe. Oui, sans doute, ajoute notre >> docteur, substituer les connaissances et les vertus >> à l'ignorance et aux préjugés, c'est faire passer » l'âme dans un autre corps. » Telle est l'idée que nos maçons se font de la métempsycose, si usitée ehez les anciens; mais comme ils font consister toute la religion dans la morale, on ne peut trop réflé chir sur les principes suivans, qu'on lit dans le

même auteur.

« L'initié, dit-il, doit réfléchir sur son existence, » se rendre raison de ses intentions et de ses ac» tions; être toujours en garde contre lui-même, » et travailler sans cesse à se perfectionner : il doit >> plaindre les sots et tâcher de les instruire; fuir » les méchans, secourir les malheureux, mettre au >> nombre des faiblesses humaines, l'orgueil, l'in» térêt, l'envie : dans quelque rang qu'il se trouve >> placé par la naissance ou la fortune, il ne doit » s'y croire établi que pour être utile, et faire le » bien de l'humanité en général; enfin, il doit étu» dier la nature, respecter ce qu'il ne peut appro» fondir et pénétrer son âme des vérités les plus >> sublimes. >>

Cette morale et ces principes pouvaient convenir à des païens qui n'avaient aucune connaissance d'une vie surnaturelle ; mais que des maçons, qui ont été

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