Page images
PDF
EPUB

neur à ces maçons de Liége, qui nous préparent de telles destinées, et qui s'estiment heureux d'un si bel avenir! Ceux-là en sont bien dignes, qui le trouvent digne d'eux.

L'auteur du récit dit que ce discours du frère orateur D. a vivement touché l'auditoire. L'émotion a été augmentée par la lecture du testament de M. de Saint-Martin, qui fait présent de 500 francs à la loge de la Parfaite intelligence, et par des stances en assez mauvais vers, mais où résonnaient à chaque strophe les mots de fanatisme, d'hypocrisie, de ténèbres et de monstres. Ces émotions avaient fatigué l'assemblée, qui, pour se délasser, est allée s'asseoir à la salle du banquet. On a bu, on a porté des santés, et c'est le verre à la main que le frère K., orateur du Grand-Orient septentrional du royaume, a prononcé un discours qui annonce assez en effet une tête échauffée à la suite d'un long repas.

« Il est donc vrai, mes frères, que les ennemis de la lumière, les tyrans des esprits faibles et des âmes timorées se croient encore assez de force pour lutter avec succès contre l'influence bienfaisante et toujours croissante de notre astre lumineux. Ils espèrent donc encore relever cet empire de ténèbres que détruisirent le bon sens et la saine philosophie de notre siècle. Il est donc vrai qu'ils concevront l'espérance du triomphe, si, retenus par une trop tolérante longanimité, nous n'opposons à leurs attentats que le silence et le mépris; elle s'agite donc encore dans son repaire cette corporation destructive qui combattit les gouvernemens temporels, et précha le régicide dans le seul but de joindre la servitude des corps à celle des ames. Elle aurait même repris assez d'ascendant sur l'esprit du profane vulgaire pour oser jeter son masque d'hypocrisie jusqu'auprès de nos temples; car, n'en doutons pas, mes frères, l'insulte sourde et froide, que nous méprisons trop pour daigner nous en venger, est l'ouvrage de cet ordre anti-social qui se prépare à asservir de nouveau ce que nous avons affranchi, à renverser tout ce que nous avons édifié, et qui voudrait enter furtivement sur notre arbre de vie, les branches de son mancenillier, cet arbre au noir feuillage, qui recèle la mort sous son perfide ombrage, Oui, ce sont les membres de cet ordre, et non la populace sacerdotale des différentes sectes profanes, qui veulent renouveler leur pacte infernal contre la religiou de la raison et la liberté imprescriptible de l'homme. »>

Est-ce à l'ivresse, est-ce à la folie qu'il faut attribuer cette sanglante diatribe? Quel homme de sang-froid se serait exprimé avec cette violence? A

qui surtout aurait-il pu venir dans l'idée d'accuser en cette occasion les membres d'un corps depuis long-temps proscrit dans les Pays Bas? Ces membres se sont, dit-on, réfugiés en Amérique : seraitce des bords de la Chesapeak qu'ils auraient tramé le noir complot qui a si fort soulevé les maçons de Liége, et qui a porté le trouble dans la loge de la Parfaite intelligence? Du reste, il faut rendre aux frères la justice de reconnaître que le nom de Dieu n'a pas été prononcé dans cette séance, et que rien de chrétien ne s'y est mêlé; de sorte que si jamais cette relation parvenait à la postérité, elle serait en peine de savoir à quelle communion appartenaient ces maçons, tant ils ont soigneusement évité tout ce qui pouvait montrer en eux l'ombre d'une croyance ou d'un culte quelconque. Une autre remarque, c'est qu'ils semblent avoir pris à tâche de justifier le procédé même dont ils se plaignent. Car, si tel est l'esprit de la maçonnerie, si l'usage des loges est de déclamer ainsi contre les expiations superstitieuses et contre la crédulité vulgaire, si les orateurs sont accoutumés à livrer au mépris la populace sacerdotale, qui a l'insolente prétention d'effacer le mal par une magique parole, alors ces messieurs ne peuvent trouver mauvais qu'on ne les condamne pas à des cérémonies, à des prières, à des expiations, pour lesquelles ils montrent tant de dégoût.

Aussi ce procès-verbal a non-seulement révolté par le fiel qu'il distille et par l'arrogance qu'il respire; il a encore paru d'une grande inconséquence et d'une extrême maladresse. Cette levée de boucliers, cette déclaration hostile ont été blamées des plus indifférens. Un frère, tout honteux de cette agression anti-chrétienne, et rougissant d'être complice de tant d'outrages, ayant livré son exemplaire de la relation à des profanes, on a été stupéfait du ton qui régnait dans la pièce; on s'est demandé comment des hommes soigneux de leur réputation

avaient pu signer un procès-verbal si insultant pour la religion de la majorité de leurs concitoyens, et l'adresser aux Grands-Oriens de France et des Pays-Bas, et aux loges affiliées. S'ils ne respectent pas Dieu, ne pouvaient-ils au moins avoir quelques égards pour leurs frères? Ne pouvaient-ils dissimuler un peu leur mépris pour ce qu'il leur plaît d'appeler le crédule vulgaire, c'est-à-dire, pour tous ceux qui tiennent encore aux principes et aux sentimens de la foi? On dit que le grand-maître de l'ordre maçonnique, dans les Pays-Bas, avait donné des ordres pour faire retirer tous les exemplaires; mais la publication ayant déjà eu lieu, les intentions du prince n'ont pu être remplies. La loge de la Parfaite intelligence est donc restée à la risée générale. On s'est moqué du pathos de ses discours, et de la puérilité de ses cérémonies, et de ses eaux lustrales, et de son autel cubique, et de ses urnes mystiques, et de ses coups mystérieux, et de sa chaîne, et de son banquet, et de ses toats, et de toutes ces grimaces qui ne montrent que le vide et la stérilité du fonds. Le Spectateur Belge a déjà fait justice de ces parades, et l'opinion publique a flétri ce monument de fanatisme irréligieux, qui ne réconciliera pas sans doute la maçonnerie avec ceux qui soupçonnaient déjà ses intentions, et qui se défiaient de son but.

SECTION VIIIe.

LETTRES APOSTOLIQUES QUI CONDAMNENT LES SOCIÉTÉS
SECRÈTES.

$ 1.

NONNULLE SOCIETATES SEU CONVENTICULA DE LIBERI MURATORI, SEU DES FRANCS-MAÇONS, VEL ALITER NUNCUPATA, ITERÙM DAMNANTUR ET PROHIBENTUr :

CUM INVOCATIONE BRACHII ET AUXILII SECULARIUM PRINCIPUM ET POTESTATUM.

BENEDICTUS episcopus, Servus Servorum Dei.

Ad perpetuam rei memoriam.

PROVIDAS romanorum pontificum prædecessorum nostrorum leges, atque sanctiones, non solùm eas, quarum vigorem, vel temporum lapsu, vel hominum neglectu labefactari aut extingui posse veremur; sed eas etiam, quæ recentem vim, plenumque obtinent robur, justis gravibusque id exigentibus causis, novo auctoritatis nostræ munimine roborandas confirmandasque censemus.

§. I. Sanè felicis recordationis prædecessor noster Clemens papa XII per suas apostolicas litteras anno Incarnationis Dominicæ M. DCC. XXXVIII. IV. Kalend. Maji, pontificatûs sui anno VIII. datas, et universis Christi fidelibus inscriptas, quarum initium est: In eminenti; nonnullas societates, cœtus, conventus, collectiones, conventicula, seu aggregationes, vulgò de Liberi Muratori seu des

Francs-maçons, vel aliter nuncupatas, in quibusdam regionibus tunc latè diffusas atque in dies invalescentes, perpetuò damnavit atque prohibuit ; præcipiens omnibus et singulis Christi fidelibus, sub poenâ excommunicationis ipsó factó, absque ullà declaratione incurrendâ, à quâ nemo per alium, quàm per romanum pontificem pro tempore existentem, exceptô mortis articulô, absolvi posset, ne quis auderet vel præsumere hujusmodi societates inire, vel propagare, aut confovere, receptare, occultare, iisque adscribi, aggregari, aut interesse, et alias prout in iisdem litteris latiùs et uberiùs continetur, quarum tenor talis est, videlicet :

CLEMENS episcopus, servus servorum Dei, universis Christi fidelibus salutem et apostolicam benedictionem.

§. II. In eminenti apostolatûs speculâ, meritis licet imparibus, divinâ disponente Clementiâ, constituti, juxtà creditum nobis pastoralis providentia debitum jugi (quantùm ex alto conceditur) sollicitudinis studio iis intendimus per quæ erroribus vitiisque aditu intercluso orthodoxæ religionis potissimùm servetur integritas, atque ab universo catholico orbe difficillimis hisce temporibus perturbationum pericula propellantur.

Sanè vel ipso rumore publico nunciante, nobis innotuit, longè latèque progredi, atque in dies invalescere nonnullas societates, cœtus, conventus, collectiones, aggregationes seu conventicula, vulgò de Liberi Muratori, seu Francs-Maçons, aut alià quâvis nomenclaturâ pro idiomatum varietate nuncupata, in quibus cujuscumque religionis et sectæ homines, affectatâ quâdam contenti honestatis naturalis specie, arcto æquè, ac impervio fodere, secundùm leges, et statuta sibi condita, invicem consociantur; quæque simul clàm operantur, tùm

« PreviousContinue »