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d'élu, au très-puissant Salomon, ce récipiendaire est nus pieds et les yeux bandés; le frère introducteur frappe neuf coups qui lui sont répondus de la part du frère Adoniram. On lui permet d'entrer, et le vénérable, qui s'appelle alors très-puissant Salomon, lui demande s'il est en état de répandre jusqu'à la dernière goutte de son sang, pour venger la première goutte de celui du respectable maître Adoniram. La réponse du récipiendaire est un oui très-prononcé, quoiqu'il ne sache pas encore quel est celui au nom duquel il s'engage ainsi à répandre son sang. Le signe, qu'il reçoit du vénérable, est un coup de poignard sur le front, accompagné du mot vengeance.

Quand toute cette cérémonie ne serait qu'un amusement, on m'avouera que, pour des hommes de toutes les conditions, c'est un apprentissage de cruauté; que c'est là le crime de lèze-nation qu'on n'a pu encore définir; puisqu'il tend à enlever, à la patrie et à la France, une foule de bons citoyens; puisqu'il pervertit l'esprit national, le génie et les mœurs françaises; puisque, si cette pratique s'accrédite, la France va devenir un séjour d'assassins et le fléau des nations.

Le serment même de ce grade respire la cruauté. Celui qui le prononce s'engage et consent à avoir le corps ouvert, la tète coupée, pour qu'elle soit représentée au grand-maître, s'il révèle le lieu de sa réception, ceux qui y ont assisté, ou le secret qui lui a été confié.

Tous ces sermens sont affreux, criminels et justement condamnés par les papes et les docteurs de l'église catholique, et le doivent être par toutes les personnes qui pensent. Mais celui que l'on prononce dans la secte des illuminés, qui est une branche de la franc-maçonnerie, est encore plus révoltant. Le voici tel qui se trouve dans la loge rouge et. dans la vie de Cagliostro (Avertiss., p. 9.)

Le récipiendaire est conduit à travers un sentier ténébreux, dans une salle immense, dont la voûte, le parquet et les murs sont couverts d'un drap noir, parsemé de flammes rouges et de couleuvres menaçantes; trois lampes sépulcrales jettent, de temps en temps, une mourante lueur, et laissent à peine distinguer, dans cette lugubre enceinte, des débris de mort soutenus par des crêpes funèbres. Un morceau de squelette forme, dans le milieu, une espèce d'autel; à côté s'élèvent des livres; les uns renferment des menaces contre les parjures; les autres, l'histoire funèbre des vengeances de l'esprit invisible, et des évocations infernales qu'on prononce long-temps en vain.

Huit heures s'écoulent. Alors des fantômes, traînant des voiles mortuaires, traversent lentement la salle, et s'abîmant dans des souterrains, sans qu'on entende le bruit des trappes, ni celui de leur chute. On ne s'en aperçoit que par l'odeur fétide qu'ils

exhalent.

L'initié demeure vingt-quatre heures dans ce ténébreux asile, au milieu d'un silence glaçant. Un jeûne sévère a déjà affaibli sa pensée des liqueurs préparées ont commencé par fatiguer, et finissent par exténuer ses sens. A ses pieds sont placées trois coupes d'une boisson verdâtre; le besoin les approche des lèvres, la crainte involontaire les en repousse.

Enfin, paraissent deux hommes qu'on prend pour des ministres de la mort. Ils ceignent le front du récipiendaire avec un ruban aurore, teint de sang et chargé de caractères argentés, entremêlés de la figure de Notre-Dame de Lorette. On suspend à son cou des espèces d'amulettes, enveloppées d'un drap violet; il reçoit un crucifix de cuivre de la longueur de deux pouces ; il est dépouillé de ses habits, que deux frères servans déposent sur un bûcher élevé à l'autre extrémité de la salle. On trace sur son corps nu, des croix avec du sang. Dans cet

état de souffrance et d'humiliation, il voit s'approcher de lui, à grands pas, cinq fantômes armés d'un glaive, couverts de draps dégouttans de sang. Leur visage est voilé : ils étendent un tapis sur le plancher, s'y agenouillent, prient Dieu, et demeurent les mains étendues sur la poitrine et la face contre terre dans un profond silence. Une heure se passe dans cette pénible attitude. Après cette fatiguante épreuve, des accens plaintifs se font entendre; le bûcher s'allume, mais ne jette qu'une lueur pâle; les vêtemens y sont consumés. Une figure colossale et même transparente, sort du sein même du bûcher. A son aspect, les cinq hommes prosternés, entrent dans des convulsions insupportables à voir images trop fidèles de ces luttes écumantes, où un mortel, aux prises avec un mal subit, finit par en être terrassé.

Alors une voix tremblante perce la voûte, et articule la formule des exécrables sermens qu'il faut prononcer.... Ma plume hésite, et je me crois presque coupable de les retracer.

Au nom de Jésus crucifié, jurez de briser les liens charnels qui vous attachent encore à père, à mère, frères, sœurs, époux, parens, amis, maîtresses, lois, chefs, bienfaiteurs, et tout être quelconque à qui vous aurez promis foi, obéissance, gratitude ou service.

Nommez le lieu qui vous vit naître, pour exister dans un autre sphère, où vous n'arriverez qu'après avoir abjuré ce globe empesté, vil rebut des cieux.

De ce moment, vous êtes affranchi du prétendu serment fait à la patrie et aux lois. Jurez de révéler au nouveau chef que vous reconnaissez, ce que vous avez vu ou fait, pris, lu, ou entendu, appris ou deviné, et même de rechercher, épier ce qui ne s'offrirait pas à vos yeux.

Honorez et respectez l'Aqua Toffana, comme un moyen prompt, sûr et nécessaire de purger le globe

par la mort ou par l'hébétation de ceux qui cher chent à avilir la vérité ou à l'arracher de nos mains.

Fuyez l'Espagne, fuyez Naples, fuyez toute terre maudite; fuyez enfin la tentation de révéler ce que vous entendez, car le tonnerre n'est pas plus prompt que le couteau qui vous atteindra, en quelque lieu que vous soyez.

Quand le patient a prononcé ces paroles, on place devant lui un candelabre, avec sept cierges noirs; à ses pieds un vase plein de sang humain où on lave son corps. Il en boit la moitié d'un verre, et il articule le fatal serment. Une sueur froide découle de ses joues livides; à peine il se soutient sur ses jambes défaillantes. Les frères se prosternent; et lui, tremblant, déchiré de remords, jeté dans une espèce de délire, attend sa destinée. Aussitôt après la cérémonie, on le jette dans un bain, et on lui sert un repas de racines.

On dira peut-être que la franc-maçonnerie n'a pas adopté tous ces excès? Je réponds qu'il n'en est aucun dont elle ne soit capable, et qu'on ne puisse justement lui imputer d'après ses principes constitutionnels. Elle veut et prétend admettre dans son sein toutes les sectes; donc celles qui sont modérées, se trouveront à côté de celles qui sont farouches, extrêmes dans leurs principes. Donc, de son propre aveu, elle se trouvera formée de sectes contradictoires, qui auront des principes opposés qui pourront approuver et enseigner ce que d'autres trouveront repréhensible et insoutenable; donc, les principes des francs-maçons tendent à former un corps monstrueux, capable de tous les excès dans lesquels l'erreur et le fanatisme peuvent faire tomber l'homme faible et aveuglé par les préjugés et les fausses opinions et n'y eût-il dans les loges maçonnes, que le mélange de luthériens et de protestans, de chrétiens et de déistes, de juifs et de mahométans, qui peuvent tous être reçus en loge,

n'en serait-ce pas assez pour éloigner un bon catholique de s'y faire recevoir ?

ils

Les Apôtres St. Jean et St. Paul n'enseignentpas, dans leurs Epîtres, à tous les fidèles, de fuir la société des hérétiques, s'ils ne veulent pas exposer leur foi au danger de faire naufrage?

§ 5.

LA FRANC-MAÇONNERIE A POUR BUT DE DÉTRUIRE LA RELIGION CHRÉTIENNE.

UNE imputation pareille demande des preuves, et des preuves que les francs-maçons ne puissent désavouer; je les tirerai donc des instructions qu'on donne à tous les francs-maçons, et qui sont comme les premiers élémens de la franc-maçonnerie.

mais

Tout chrétien sait, et croit fermement, que toute la religion chrétienne est fondée sur Jésus-Christ: que, non-seulement il en est le fondement, encore la perfection et la fin. Enlever Jésus-Christ aux chrétiens, c'est leur enlever leur, religion toute entière avec tous les secours de la vie présente, et toutes les consolations de la vie future: or, c'est l'objet principal et unique de la franc-maçonnerie; c'est à ce point que se rapportent tous les grades, tous les emblèmes, tous les hiéroglyphes de cet ordre.

Il aurait été trop révoltant d'annoncer un but aussi impie; et, à coup sûr, les francs-maçons n'auraient pu se faire des prosélytes au milieu de ce siècle, quelque corrompu qu'il soit, s'ils avaient annoncé leur projet à découvert. Qu'ont-ils fait pour réussir? Ils ont réuni les rêveries de la cabale avec des traits historiques, et ont fait un mélange qui ne ressemble à rien.

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