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presqu'aucun où le christianisme ne soit attaqué dans sa source, ses dogmes, son culte, ses ministres. Ici l'on vous dit « que c'est la maçonnerie » qui est dépositaire de cette révélation sacrée que » la religion romaine prétend être descendue du » ciel pour elle seule, et sur laquelle elle fait re>>poser le dogme de sa croyance (1). » Là on vous apprendra, dans un éloge du plus fougueux ennemi du christianisme, que la raison de Voltaire rejetait un culte d'invention humaine (2). Un autre orateur, indiquant les écrits dépositaires de la vraie morale, se garde bien de nommer l'évangile, et non content de ce silence, qui renferme lui seul toute une apostasie, il ose, dans un parallèle du christianisme et du paganisme, regretter les dieux de l'auguste antiquité (3); et pour couronner dignement tant de folies, un autre insensé, se traînant sur les traces de Dupuis, soutient que Jésus-Christ n'est que l'emblème du soleil (4)..

que

Voilà les doctrines le Grand-Orient propage, voilà les leçons qu'il donne à ses adeptes. Qu'il vienne maintenant nous vanter sa vénération pour le christianisme. Croit-il que quelques phrases respectueuses, entremêlées de temps en temps aux discours de ses orateurs, puissent faire illusion sur l'esprit qui l'anime? Le temps des illusions est passé; la conscience publique, trop éclairée aujourd'hui sur le but des sociétés secrètes, ne s'en laissera pas imposer par d'hypocrites protestations; et la chrétienté tout entière, ébranlée par leurs complots invoque enfin contr'elles le bras de la politique européenne.

(1) Discours sur la maçonnerie, page 392.

(2) Discours à la loge des Trinosophes en 5821 (1821), page 406. (3) Discours prononcé à la loge de la Fidélité, page 255.

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(4) Discours prononcé dans la loge de la Trinité, par le F.. Ler.... en 58.8 (1818), pages 319-321.

§ 5.

LOGE DES AMIS DE LA VÉRITÉ.

On ne saurait douter qu'on emploie en France des moyens très-actifs pour travailler l'esprit de la jeunesse; nous citerons en particulier l'association établie à Paris, sous le nom de loge des Amis de la vérité. Cette loge est composée en grande partie de jeunes gens, qui viennent s'échauffer les ans les autres par leurs déclamations. Pour donner une idée des principes qu'ils y puisent, nous croyons devoir publier la pièce suivante, émanée de cette société, et dont nous garantissons l'authenticité.

DÉCLARATION DES PRINCIPES DE MORALE M.. (maçonnique), proposée à la L.. (loge) des amis de la vérité, par la commission nommée à cet effet, composée des F.. (frères): ici se trouvent les noms des membres de la commission, qui sont au nombre de neuf.

Le but de la F... M... est de donner aux F... la science de la vraie morale, afin que chacun d'eux porte parmi les profanes ses principes, sou exemple et la parole de vérité.

Rechercher les vérités morales, s'en pénétrer par une discussion et un travail approfondis, telles sont donc les premières obligations d'un M.`. Le caractère des vérités est d'être immuable. Les principes de la vraie morale doivent donc reposer, non sur des opinions dont les formes va rient suivant les individus, mais sur des bases fixes et inattaquables.

Les idées métaphysiques sont des opinions explicatives des phénomènes de la nature; aucune n'est sans contradiction. Les religions sont des idées métaphysiques formulées par des dogmes et un culte; elles changent par nations et par siècles. Aussi, la F... M.. prescrivit à toutes la tolérance.

La morale, au contraire, ne tient ni aux temps, ni aux lieux, ni aux individus. Elle tient a l'espèce humaine tout entière; car, supposez un homme seul dans le monde, il n'y a plus d'acte moraux ou immoraux.

La morale est la loi des rapports entre les hommes; et la scule chose dans tout ce qui est humain, qui ne change pas, étant l'homme lui-même, autrement dit son organisation, cette organisation doit être la base de la morale.

De l'organisation, soit physique, soit morale, résultent des facultés, qui toutes, voulant être satisfaites, se résolvent en besoins.

Les besoins sont invariables dans leur essence; ils sont absolus; ils ne varient que dans l'application.

Chaque homme, à l'égard des autres, a droit à satisfaire ses besoins. Ainsi, vivre, exercer une industrie, prendre domicile, se marier, voyager, posséder, communiquer sa pensée, s'instruire se défendre, sont des droits naturels.

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De ce que chacun possède les mêmes droits, il résulte que nul n'a droit à empécher son semblable, et que tous sont absolument égaux. Sans l'éga◄ lité, les droits seraient comme s'ils n'existaient pas.

L'égalité entière pour chaque individu commence, à l'égard de la société, au moment où il atteint sa parfaite organisation.

Cependant nul n'a droit de nuire aux aptitudes d'un autre, autrement d'attenter à son organisation, pour détruire les facultés qui se développe→ ront en lui.

On est juste toutes les fois qu'on respecte l'égalité; on est libre quand on jouit du plein exercice de tous ses droits.

La société est le résultat de l'impulsion des facultés naturelles; et, pour tous, elle est le moyen d'exercer leurs droits.

Il existe deux espèces de rapports dans la société : les rapports volontaires, ou ceux des intérêts individuels; et les rapports obligés, ou ceux des intérêts communs.

Les rapports entre les intérêts individuels sont dans l'exercice des droits naturels. De ce nombre sont les rapports d'amitié, de famille, de parenté, d'échange, etc.

Les rapports qui constituent les intérêts communs, consistent dans la jouissance des choses indivisées : ainsi, dans la jouissance des propriétés et des travaux de la communauté, dans son indépendance et dans son gouvernement; d'où résulte que chacun a droit à gouverner, et, par suite, à déléguer.

Les communautés, les unes à l'égard des autres, ont les mêmes droits que les individus les uns à l'égard des autres.

Les lois positives ne peuvent être que des moyens de garantie.

La loi pénale positive punit les attentats aux droits des individus et des

communautés.

Toute pénalité consiste dans la privation d'un ou de plusieurs droits. Elle n'est utile que comme moyen préventif; elle doit donc toujours être proportionnée au besoin de garantie de chacun; et la société, dans l'établissement des peines, ne doit pas les élever au-delà de cette limite.

Toute autre loi positive ne peut avoir pour but que de constater, et parlà de garantir les conventions faites par des individuş ou des communautés dans l'exercice de leurs droits.

Le devoir découle du droit ; car toutes les fois qu'un homme n'a pas lé droit d'empêcher, il a le devoir de respecter.

Tout sacrifice d'une portion quelconque de son existence à la chose publique, autrement à un intérêt commun, est un dévoûment. Le dévoûment est la conséquence nécessaire de conventions soit expresses, soit tacites, résultantes des intérêts communs.

En conséquence des principes qui viennent d'être énoncés, tout F... M.·., tout homme, dans l'intérêt de l'espèce humaine, dans l'intérêt de la so ciété, dans celui de son bonheur, de sa vie tout entière et de sa gloire doit respecter les droits de ses semblables, avoir pour eux l'indulgence et la tolérance qu'il réclame pour lui, honorer ceux qui lui ont été ou qui lui sont utiles; concourir aux efforts communs de défense, n'oublier jamais

qu'il y a toujours quelque chose entre lui et un autre homme, et poursuivre de son mépris et de sa haine toute immoralité, de quelque part qu'elle vienne. Adopté pour être présenté à la loge par les F.-. M..

Suivent les noms.

L'an de la V.. L.. 5823. (1823.)

Bornons-nous à quelques réflexions sur cette profession de foi maçonnique. Il résulte d'abord des premiers mots que la maçonnerie a pour objet de former des apôtres, des missionnaires, qui puissent porter parmi les profanes la parole de vérité. Ainsi, lorsque le Grand-Orient vient nous dire que la maçonnerie française ne prétend exercer aucune action au-dehors, et qu'elle se renferme tout entière dans l'intérieur de ses temples, il se moque de nous.

La société des Amis de la vérité nous apprend, en second lieu, que les idées métaphysiques ne sont que des opinions dont aucune n'est sans contradiction; et comme les religions ne sont, suivant eux, que des idées métaphysiques formulées par des dog. mes, il s'ensuit qu'il n'en faut admettre aucune, et que l'athéisme seul est raisonnable. Aussi leur déclaration exclut toute idée de la divinité : c'est la morale du Système de la nature.

Ils nous disent en effet que l'organisation de l'homme doit être la base de la morale. Robespierre du moins avait fait déclarer, comme base de la morale, l'existence de l'Etre suprême et de l'immortalité de l'âme. Les lumières ont fait des progrès depuis lui; les amis de la vérité ont marché; et s'ils venaient à former une nouvelle convention, ils décréteraient seulement que le peuple français reconnait l'organisation de l'homme.

Ils nous déclarent ensuite que de l'organisation, soit physique, soit morale, résultent des facultés, qui toutes, voulant étre satisfaites, se résolvent en besoins. Voilà justement les principes de Babeuf,

proposant la loi agraire. Les besoins des hommes égaux devant être également satisfaits, l'inégalité des conditions est opposée au vou de la nature : et les amis de la vérité, interprètes et ministres de la nature, doivent travailler à ramener les conditions au niveau de l'égalité. L'essai qu'on fit en ce genre, il y a trente ans, n'a pas parfaitement réussi, c'est vrai; les amis de la vérité d'alors s'occupaient un peu trop de leurs facultés, qui toutes voulaient être satisfaites, et firent peu d'attention aux besoins des autres quoi qu'il en soit, il faut recommencer, car ces vérités sont immuables.

Enfin, n'oublions pas de remarquer que la conséquence, formellement exprimée, de cette déclaration de morale est que chacun a droit à gouverner, et, par suite, à déléguer. Voilà le fin mot de l'affaire; une conséquence aussi heureuse a dû suffire seule pour prouver à l'assemblée la vérité des principes comment la société des amis de la vérité aurait-elle pu révoquer en doute une morale qui appelle tous ses membres à gouverner.

On frémit pour l'avenir de la société, lorsqu'on songe qu'une malheureuse jeunesse vient apprendre dans les loges maçonniques la théorie complète du désordre, pour la reporter ensuite au sein des familles épouvantées. Dela cette impiété, cette démagogie systématique qui caractérise une partie de la jeunesse actuelle: ce n'est pas seulement le cœur, c'est l'intelligence même qui est viciée, et qui fournit un principe à chaque crime, un raisonnement à chaque passion. Tous les parens vertueux qui envoient leurs enfans dans la capitale ou d'autres villes du royaume pour y terminer leurs études ou y commencer leur carrière, devraient leur faire jurer, avant leur départ, sur le seuil de la maison paternelle, que jamais ils ne se laisseront entraîner dans cès associations corruptrices. S'ils ne leur demandaient pas ce serment au nom de la religión et de

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