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tion du Grand-Orient lui-même. Commençons par remonter à son origine.

La franc-maçonnerie paraît avoir été introduite en France vers l'année 1724, par milord Derwenwater, le chevalier Maskelyne, M. d'Heguetty, et quelques Anglais de distinction, qui établirent une loge chez Hure, traiteur, rue des Boucheries. Cette loge, qui obtint d'abord une grande réputation, attira cinq ou six cents frères à la maçonnerie dans P'espace de dix ans (1). Elle travaillait sous les auspices de la grande-loge de Londres. Les loges françaises ne tardèrent pas à se multiplier en 1742, on en comptait vingt-deux à Paris, et plus de deux cents dans tout le royaume (2). C'est à l'année 1743 qu'on peut rapporter l'existence légale et authentique de la grande loge de Paris, qui s'intitula grande loge anglaise de France; elle conserva ce titre jusqu'en 1756, époque à laquelle elle se déclara indépendante (3). Enfin, en 1772, il se forma une nouvelle grande loge nationale, qui prit le nom de Grand-Orient de France (4). Quoique l'ancienne grande loge ait long-temps combattu la domination du Grand-Orient, et qu'elle ne se soit réunie à lui que le 22 juin 1799, néanmoins elle avait acquis, sur la fin du dix-huitième siècle, une grande prépondérance, et un grand nombre de loges reconnaissaient son autorité. Quelques années avant la révolution, le duc d'Orléans fut élu grand-maître. Si la franc-maçonnerie n'eût pas été elle-même une vaste conspiration contre l'autel et le trône, elle n'eût pas souffert d'être gouvernée par le chef même des conspirateurs; elle eût prononcé sa déchéance.

(1) Hist. de la fond. du Grand-Orient de France, p. 10.
(2) De Lalande, Mém. hist. sur la fr.-maș.

(3) Voyez Acta latomorum, ou Chronologie de l'hist. de la fr.-maş. française et étrangère, Paris, 1815, t. I, p. 53.

(4) Ibid., p. 102, et Hist. de la fond. du Grand-Orient, p. 33.

Mais, bien loin qu'elle l'ait repoussé, ce fut lui au contraire qui abdiqua, lorsqu'il se vit forcé, par les révolutionnaires qu'il avait si long-temps protégés, de renoncer à tout ce qui pouvait faire craindre de sa part une influence quelconque. Le 22 février 1793, il fit insérer dans le Journal de Paris une lettre dans laquelle il s'exprime ainsi : « Comme >> je ne connais pas la manière dont le Grand-Orient » est composé, et que d'ailleurs je pense qu'il ne » doit y avoir aucun mystère dans une république, >> surtout au commencement de son établissement, »je ne veux plus me mêler en rien du Grand>> Orient, ni des assemblées des francs-maçons (1). » La grand-maîtrise fut déclarée vacante. En 1795, elle fut offerte à un ancien maçon, qui la refusa, et accepta seulement le titre de grand-vénérable. Enfin, en 1805, Joseph Bonaparte fut élu grand-maitre (2); mais il paraît qu'il ne prit point de part aux travaux de l'ordre. Comme le titre de grandmaître est à vie, Joseph Bonaparte n'est pas encore remplacé; seulement son nom est supprimé dans les calendriers maçonniques que le Grand-Orient envoie chaque année aux loges de son obédience.

Examinons maintenant l'organisation actuelle du Grand-Orient. Voici comment il se définit lui-même dans ses calendriers officiels : « La réunion libre et >> volontaire des ateliers réguliers du royaume de >> France, représentés par leurs députés, à qui ils » ont donné le pouvoir de régir l'ordre et de juger >> leurs différends, est ce qui constitue la diète ma>> çonnique. Ainsi chacun de ces ateliers fait partie » du Grand-Orient; et tous ensemble, formant sa >> constitution fondamentale, l'ont rendu le dépo» sitaire et le conservateur de ses réglemens. Il » réunit tous les pouvoirs à lui seul appartient

(1) Hist. de la fond. du Grand-Orient, p. 76.

(2) Acta latomor., t. I, pag. 125.

» de constituer des loges, des chapitres, et des >> conseils particuliers, en leur expédiant des chartes >> analogues à leurs connaissances et à leur rit (1). »

On serait tenté de croire, d'après ce passage, la franc-maçonnerie régie par un gouvernement représentatif: mais elle n'en a que le simulacre, puisque les différentes loges ne pouvant envoyer chaque année leurs députés au Grand- Orient, sont obligées de les choisir dans le sein du Grand-Orient lui-même. gouvernement maçonnique n'est donc qu'une aristocratie despolique, puisqu'il réunit tous les pouvoirs.

Le

Le Grand-Orient se compose 1°. des grands dignitaires, 2o. de comités administratifs; enfin des députés des loges, choisis presque tous, comme nous venons de le dire, parmi les membres du Grand-Orient.

Quant aux dignitaires, on sait que depuis longtemps les véritables chefs de la franc-maçonnerie, c'est-à-dire qui ont été initiés dans tous les mystères, sont dans l'usage de conférer des titres purement horifiques à d'éminens personnages, pour placer leurs travaux sous leur protection. Ces noms distingués, ornant le frontispice des calendriers distribués à toutes les loges, contribuent à persuader aux dupes que la maçonnerie ne renferme rien de contraire à la religion et à l'état.

Les comités administratifs sont, 1°. une grande loge d'administration; 2°. une grande loge symbolyque; 3°. un suprême conseil des rites, autrefois grand chapitre; 4°. Une grande loge de conseil et d'appel; 5°. une grande loge des grands experts.

«La grande loge d'administration connaît de tout >> ce qui est relatif à la correspondance, aux sceaux >> et aux finances. La grande loge symbolique connaît >> des chartes constitutionnelles et des certificats de >> maçon régulier, tant de l'intérieur que de l'ex

(1) Calendrier maçonnique du Grand-Orient de France pour l'an de la vraie lumière 5822, qui répond à l'an 1822 de l'ère chrétienne.

»térieur de la France; elle connaît aussi des affaires >> contentieuses qui peuvent naître dans les loges, et » de tous les objets qui les intéressent.

» Le suprême conseil des rites, autrefois le grand » chapitre, connaît de toutes les affaires conten» tieuses du dogme, des demandes en chartes capi» tulaires; patentes constitutionnelles et diplômes » supérieurs au troisième degré, tant de l'intérieur » que de l'extérieur de la France, et statue pareil>> Tement sur les affaires contentieuses élevées dans » les loges de perfection, chapitres, colléges, tri» bunaux et conseils maçonniques, et sur tous les » objets qui les intéressent. Les décisions sont exé» cutées, sauf l'appel à la grande loge du conseil. » La grande loge du conseil et d'appel examine les affaires générales avant qu'elles soient portées >> au Grand-Orient. De plus elle connaît de tout ce » qui concerne les dogmes de chacun des rites, et » s'occupe des hautes sciences de l'art maçonnique. » Elle correspond à cet effet avec les loges, les cha» pitres et les conseils.

La grande loge des grands experts connaît des » fautes commises dans le Grand-Orient, relatives » à son administration. >> 1

D'après le calendrier maçonnique de 1822, les loges en plein exercice soumises au Grand-Orient de Paris sont au nombre de 289 en France, 2 à l'ile de Bourbon, 5 à la Martinique, environ 20 dans les pays étrangers, et en outre des loges militaires. Il y a de plus un grand nombre de loges dont les travaux ne sont point en vigueur.

Chaque loge envoie tous les ans une contribution au Grand-Orient; les statuts maçonniques sont formels à cet égard: «Chaque loge paiera un tribut >> annuel à titre de don gratuit, qui ne pourra être » moindre de trois francs pour chaque membre es» sentiel de la loge.

» Les loges qui laisseraient passer neuf mois après

» l'année révolue pour laquelle leur don gratuit >> serait dû, sans acquitter cette cotisation, ne rece>> vront plus la correspondance et ne seront plus » portées sur le tableau jusqu'à ce qu'elles aient » satisfait (1). »

Quel usage le Grand-Orient fait-il des fonds dont il dispose? C'est un point sur lequel il ne juge pas à propos de donner des éclaircissemens. Il ne manque jamais de rappeler, dans ses calendriers, les statuts qui autorisent ses recettes; mais il oublie toujours l'article des dépenses. En attendant, nous conseillerons aux francs-maçons d'établir, pour plus de sûreté, la responsabilité de leurs trésoriers, et la spécialité du crédit dans leurs budgets.

$ 4.

DU GRAND-ORIENT, PAR RAPPORT A LA RELIGION.

Nous avons entre les mains un livre intitulé P'Orateur franc-maçon, ou Choix des discours prononcés à l'occasion des solennités de la maçonnerie, relatifs au dogme, à l'histoire de l'ordre, et à la morale enseignée dans ses ateliers (2). On sent que, dans un ouvrage imprimé, et que diverses circonstances peuvent faire tomber dans les mains d'un profane, le Grand-Orient ne laisserait pas insérer des discours qui dévoileraient avec trop de franchise le secret de ses doctrines. Toutefois, malgré les précautions que sa position lui prescrit, et les nombreuses réticences dont il a dû sentir la nécessité, les opinions irréligieuses qu'il propage dans les

(1) Calendrier maçonnique, extrait des statuts-généraux de l'ordre, ch. an, sect. 9.

(2) O.. de Paris FF... Caillot, père et fils, libraires-éditeurs, rue Saint-André-des Arts, no. 57, 1825.

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